Plan de relance : 200 millions d'euros pour faire entrer l'efficacité énergétique et la biomasse dans les usines
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Plan de relance : 200 millions d'euros pour faire entrer l'efficacité énergétique et la biomasse dans les usines

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Sur l'enveloppe de 1,2 milliard d’euros dédiée à la décarbonation de l’industrie dans le plan de relance, le gouvernement veut en dépenser 200 millions dès cette année. C’est tout l’objet des deux appels à projets lancés le 10 septembre. Leur objectif : aider les usines à financer leur efficacité énergétique et leur conversion à la biomasse. Le tout est complété par un appel à manifestation d’intérêt, destiné à orienter l’État dans son soutien à la transition écologique, sur les deux prochaines années.

L'État veut encourager les usines françaises à se convertir à la biomasse pour leurs besoins en chaleur — Photo : © Normandie Energies

« Décarbonation ». Les industriels français vont devoir s’habituer à ce néologisme. À l’ère de la relance post-coronavirus, c’est le nouveau mot à la mode à Bercy. Juste après la « relocalisation », autre terme bruyamment entré dans le lexique politique depuis le début de la crise épidémique. L’un et l’autre forment désormais l’alpha et l’oméga de la nouvelle politique industrielle française.

Si le gouvernement avait jusqu’ici davantage communiqué sur ses actions pour ouvrir de nouvelles usines (à travers subventions, « pack rebond », territoires d’industrie, etc.) que sur ses efforts pour verdir les existantes, le plan de relance, présenté le 3 septembre, avait annoncé la couleur. Il promettait 1,2 milliard d’euros pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie. Une semaine plus tard, le ministère de l’Économie entre dans le concret.

Deux appels à projets sont ouverts, dès à présent et jusqu’au 20 octobre, concernant l’efficacité énergétique et la chaleur décarbonée. Chacun est doté de 100 millions d’euros, mobilisables avant la fin de l’année. S’y ajoute un appel à manifestation d’intérêt, pour préparer la suite des opérations. Dans les trois cas, les dossiers sont à déposer sur le site de l’Ademe.

Améliorer l’efficacité énergétique des usines

Premier axe de cette décarbonation : améliorer l’efficacité énergétique des sites industriels. Autrement dit, les aider à « réduire leurs consommations tout en produisant autant, voire plus », explique le gouvernement.

Pour y parvenir, l’appel à projets « Efficacité énergétique des procédés et des utilités dans l’industrie » (IndusEE) va soutenir, sous forme de subventions, les investissements supérieurs à 3 millions d’euros. Pour être financées, les solutions retenues par l’entreprise doivent permettre de réaliser une réduction, à la fois, de ses consommations en énergie primaire et de ses émissions de gaz à effet de serre.

Exemple de démarche éligible, donné par Bercy : un site de métallurgie qui récupèrerait la chaleur fatale (dégagée au cours de la production sans être nécessairement utilisée) pour la réutiliser sur place. Également visés : le remplacement ou l’acquisition d’équipements ou de technologies plus performants, ainsi que les nouvelles implantations ou les extensions d’usine, dès lors qu’elles apportent les bénéfices environnementaux voulus. Même les actions « portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique de procédés utilisant le charbon, le fioul ou des bases pétrolières en tant que matières premières » entrent dans ce cadre.

• Les projets des PME remboursés via un guichet ?

Et les PME dans tout ça ? Le ministère leur promet un soutien simplifié, dans le cadre d’un « aide en guichet » géré par l’Agence de service et de paiement, hors appel à projets. « L’industriel fera son investissement, enverra sa facture et recevra une subvention », assure Bercy. Un système certes plus direct, mais valable uniquement pour des projets modestes (moins de 3 M€) et « très standardisés ». La liste des équipements éligibles sera communiquée plus tard [EDIT : elle a été publiée au Journal officiel le 8 novembre 2020].

Convertir l’industrie à la chaleur bas carbone

Deuxième angle d’attaque contre le CO2 dans l’industrie : inciter les entreprises à passer à la chaleur bas carbone. L’appel à projet « Aides à l’investissement et au fonctionnement pour soutenir la décarbonation dans l’industrie » (BCIAT) entend ainsi financer leurs dépenses dans des projets de conversion à la biomasse « en substitution à des énergies fossiles ».

« Nous complétons notre appui à l’investissement par une aide au fonctionnement. »

Il s’agit, en la matière, d’approfondir la logique du « Fonds chaleur » jusqu’ici en vigueur, mais à l’impact trop limité au goût du gouvernement : « Malgré ce dispositif de soutien à l’investissement, certains industriels ne franchissaient pas le pas. Ils craignaient de subir, à l’usage, un déficit de compétitivité, lié au différentiel de coût entre biomasse et combustible fossile. Aujourd’hui, nous complétons donc cet appui à l’investissement (qui peut représenter jusqu’à 65 % du montant pour une PME, NDLR) par une aide au fonctionnement. »

• Compensation des coûts de fonctionnement pendant 15 ans

Le 3 septembre, la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher avait ainsi expliqué que l’État allait « financer la différence de prix entre ce que vous payiez auparavant avec votre ancienne chaudière à énergie fossile et ce que vous coûte votre nouvelle installation à biomasse ». Réservé à l’industrie manufacturière, ce coup de pouce financier s’étalera sur 15 ans. Mais son montant sera recalculé chaque année, en fonction notamment du prix des combustibles carbone. Or, en cas d’évolution inattendue, « le niveau de soutien versé […] pourra être limité », voire « un versement de l’entreprise à l’État » exigé, si « le coût complet estimé » de l’énergie biomasse devenait moindre que celui de la fossile, précise l'appel à projets.

Pour être aidés, les projets doivent, par ailleurs, répondre à de nombreuses conditions, en matière de dimensionnement (plus de 12 000 mégawattheures par an générés et au moins 80 % des besoins thermiques couverts), de démarrage des travaux (dans les trois ans), mais aussi d’équipements, d’approvisionnement et de qualité de l’air. Sur tous ces éléments, l’entreprise devra s’engager (y compris sur une production moyenne annuelle) pendant les quinze années de son accompagnement. Sans quoi elles pourraient devoir rembourser les montants perçus.

Les entreprises intéressées peuvent poser leurs questions à @email.

L’électrification et les matières premières comme prochaine étape

Enfin, le gouvernement entend, dès à présent, préparer les prochaines étapes de son soutien à la décarbonation du secteur secondaire. Pour ce faire, il lance un appel à manifestation d’intérêt jusqu’au 9 novembre midi, sur « l’évolution des procédés » (IndusDECAR).

Il est question, cette fois, d'« identifier les initiatives en projet dans les sites industriels pouvant répondre à cette large thématique de décarbonation » - hors efficacité énergétique et chaleur décarbonée, déjà couvertes par les deux appels à projets précédents. Ici, Bercy s’intéresse plutôt aux démarches d’électrification et aux « nouveaux usages matières » (recyclage, recours à de nouvelles matières premières, etc.). En fonction des résultats obtenus, un nouvel appel à projets pourrait être lancé pour contribuer au financement d’investissements dans ces domaines.

À noter toutefois que, si vous avez un projet imminent sur ces thématiques, l’Ademe vous invite à vous signaler, avant le 30 septembre, à l’adresse @email « pour envisager une instruction, puis une contractualisation dès cette année ».

Une décarbonation de l’industrie à grande vitesse

Aller vite pour obtenir des résultats rapides. C’est précisément l’objectif assumé de ce programme de décarbonation. Un impératif perceptible dans le calendrier des appels à projets : les dossiers seront instruits en novembre, pour un déblocage des crédits (à hauteur de 100 M€ chacun) en décembre. La démarche sera « poursuivie et prolongée » en 2021-2022, avec le reste de l’enveloppe prévue dans le plan de relance (500 M€ par année).

« L’idée est d’obtenir rapidement un effet, en termes de projets concrets déployés et de baisse des émissions de CO2. »

La même urgence se retrouve jusque dans l’esprit de ces deux actions. Si elles privilégient le recours à des technologies matures et des solutions opérationnelles, ce n’est pas anodin : « L’idée est d’obtenir rapidement un effet, en termes de projets concrets déployés et de baisse des émissions de CO2 », explique Bercy.

Un enjeu pour l’environnement, certes, mais aussi pour la compétitivité : « L’accès à une chaleur décarbonée, sourcée très localement, apporte, par exemple, une structure d’approvisionnement beaucoup plus stable et moins risqué pour les entreprises. Ce n’est pas le cas avec les combustibles fossiles, puisqu’elles n’ont alors aucun contrôle sur les fluctuations de prix. » Conclusion : « En rendant les usines plus compétitives de cette manière-là, on les rend plus à même de se battre contre la concurrence internationale », explique l’entourage d’Agnès Pannier-Runacher. De quoi maintenir la localisation des activités industrielles en France. L’alpha et l’oméga.

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