Patrick Lecer (Tarmac Aerosave) : « Nous sommes les seuls au monde à recycler plus de 90 % d'un avion »
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Patrick Lecer (Tarmac Aerosave) : « Nous sommes les seuls au monde à recycler plus de 90 % d'un avion »

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Depuis février 2019 à la tête de l’entreprise de stockage, maintenance, démantèlement et recyclage des avions Tarmac Aerosave (300 salariés ; CA 2018 : 45 M€), Patrick Lecer s’explique sur ses ambitions pour l’entreprise tarbaise. Le PDG aborde également l’enjeu du recyclage des avions, dans un contexte où, d’après Airbus, plus de 1 000 appareils devraient arriver en fin de vie dans les 10 prochaines années.

Pour Patrick Lecer, PDG de Tarmac Aerosave, le recyclage des avions est une question cruciale sachant que plus de 1 000 appareils devraient arriver en fin de vie dans les 10 prochaines années — Photo : Tarmac Aerosave

Le Journal des Entreprises : Quelles raisons ont conduit les trois actionnaires actuels (Airbus, Safran Aircraft Engines et Suez) à créer Tarmac Aerosave ?

Patrick Lecer : L'idée initiale était de démontrer qu'il est possible de recycler 85 % d'un avion de ligne. En 2007, il n'existait aucune autre initiative de ce type dans le monde. Aujourd'hui encore, nous sommes le seul véritable centre de tri capable de recycler plus de 90 % d'un aéronef, contrairement aux entreprises de démantèlement qui se contentent d'extraire les pièces onéreuses, avant d'incinérer et d'enfouir tout le reste.

Depuis la création de Tarmac, nous avons réceptionné 800 avions, dont 530 sont repartis en vol et 160 ont été recyclés. Par ailleurs, la demande de prise en charge est la même sur les moteurs, donc l'un de nos hangars est dédié à cette activité : 130 moteurs ont déjà été recyclés.

Le stockage, avant le recyclage ?

P. L. : En effet, bien que Tarmac Aerosave ait été créé pour recycler, ce que nous faisons depuis 2009, le stockage est l'activité qui fait vivre la société et génère 80 % de notre chiffre d'affaires. À ce jour, nous comptons 315 emplacements de parking avion sur nos sites de Tarbes (65 places), Teruel en Espagne (225 places) et Toulouse-Francazal (25 places), ce qui représente la plus grande surface de stockage d'Europe. Nos clients sont à 80 % les loueurs et à 20 % les opérateurs. Les avions sont stockés dans des conditions optimales pendant la transition entre deux compagnies aériennes, puis vérifiés avant leur remise en service ; ou démantelés et recyclés, si leur valeur en pièces détachées est plus intéressante pour le loueur.

Pourquoi êtes-vous les seuls capables de recycler plus de 90 % d'un avion?

P. L. : Nous utilisons les moyens classiques du démantèlement, afin que les pièces de valeur - train d'atterrissage, groupe auxiliaire de puissance (APU), avionique (calculateurs)... - soient « déposées », c'est-à-dire retirées de l'avion, en parfait état, avant stockage et renvoi au propriétaire. Cela représente jusqu'à 1 500 pièces par aéronef. D'autres sociétés utilisent des techniques plus hâtives, qui abîment ces éléments et empêchent leur revente ou réutilisation.

« Nous allons très vite devoir doubler, voire tripler, notre vitesse de recyclage d'avions. »

Ensuite, nous apportons beaucoup d'attention au « verdissage », qui consiste à vider l'habitacle de ses câbles, sièges, compartiments bagages, hublots, tubes néons, tuyauterie... avant de le découper. Puis nous sommes encore les seuls à utiliser un câble diamanté pour tronçonner les ailes et le fuselage de manière propre, en minimisant les débris. La ségrégation des matériaux est poussée à l'extrême. Les matières dangereuses sont réintroduites dans les filières dédiées et les 10 % de l'avion non-recyclables sont enfouis pour moitié et incinérés pour le reste par des entreprises spécialisées.

Les matériaux composites, réputés pour leur légèreté, sont de plus en plus utilisés dans la construction des avions et pourtant, ils ne sont pas recyclables. Comment pallier ce paradoxe ?

P. L. : Tarmac est utilisé par ses actionnaires pour faire de la R&D. Des ingénieurs viennent souvent nous voir pour savoir ce qu'il faudrait intégrer aux avions, comment les concevoir, pour faciliter le recyclage en fin de cycle. Nous travaillons avec Suez sur le cycle de recyclage du carbone et avec Airbus et Safran sur de nouveaux matériaux qui remplaceraient les composites. Il n'y a pas encore de résultat significatif à ce jour.

Comment comptez-vous faire face à l'afflux prochain d'appareils à traiter ?

P. L. : Nous allons très vite devoir doubler, voire tripler, notre vitesse de recyclage. Pour cela, nous avons, par exemple, conçu avec le ministère des Armées un système mobile et fermé, ou « tunnel », qui permet de se rapprocher d'une découpe à la chaîne. Les premiers avions viennent d'être tronçonnés ainsi. À terme, le procédé pourrait être installé ici, à Tarbes. Des moyens mécaniques avec plus d'automatisation devraient aussi permettre de faire face à la demande croissante.

Quelles sont vos plans d'évolution pour le site de Tarmac à Tarbes ?

P. L. : Le but est d'être un centre de transition complet pour nos clients. Il manque encore la compétence peinture, pour laquelle je souhaiterais créer un hangar dédié. Toutefois, le modèle économique reste encore à trouver. Nous allons aussi doubler la capacité de traitement des moteurs. L'un de nos hangars, qui servait depuis trois ans au projet Blade d'Airbus (avion doté d'ailes fines à profil laminaire, NDLR), va être libéré en fin d'année et sera consacré à la connectivité et aux modifications des intérieurs cabine.

Enfin, nous sommes en discussions pour acheter de nouveaux terrains et passer de 30 à 40 hectares, afin d'étendre notre capacité de stockage dès 2020. En 2019, et pour les années à venir, nous visons +15 % de chiffre d'affaires annuel.

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