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NeoCem lève 23 millions d’euros pour construire un avenir en béton aux argiles
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NeoCem lève 23 millions d’euros pour construire un avenir en béton aux argiles

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La start-up lilloise NeoCem a mis au point un procédé permettant de transformer les argiles, encombrants déchets d’excavation, en un matériau de construction décarboné. Elle vient de lever des fonds importants pour lancer la construction de sa première usine, en Picardie. Avant d’essaimer ailleurs.

L’usine de NeoCem, implantée sur une ancienne carrière à Saint-Maximin dans l’Oise, sera opérationnelle à partir du début 2025 — Photo : NeoCem

Officiellement créée en 2021, la jeune pousse NeoCem est l’aboutissement d’une gestation de quelque sept ans, dans le giron du lillois NeoEco (50 salariés, 6 M€ de CA). Ce bureau d’études se spécialise dans la création de nouvelles filières de valorisation pour des déchets jusque-là inutilisés, notamment dans le secteur de la construction. Ce principe a déjà présidé à la création d’une autre start-up nordiste, Valame, qui parvient à valoriser des déchets amiantés. Et c’est désormais NeoCem qui prend son envol, affichant de fortes ambitions dans l’upcycling des argiles issues de chantiers.
La jeune structure de cinq salariés vient de lever 23 millions d’euros en série A, auprès de plusieurs investisseurs, dont rev3, Finorpa, Nord France Amorçage, CBGreen, CIC Nord Ouest, Crédit Agricole Nord de France, La Banque Postale et Bpifrance. Elle est également lauréate du programme "Première usine" de France 2030.

50 millions d’euros investis

Ces fonds vont permettre à NeoCem de recruter, notamment en R & D, en ingénierie et en production, pour porter à une centaine ses effectifs d’ici 2030. Surtout, elle va lancer la construction de sa première usine de traitement d’argiles. Des déchets d’excavation "collants et encombrants, qui embêtent tout le monde", décrit Guillaume Luu, en charge du déploiement industriel de NeoCem. Et qui généralement, finissent dans des fonds de carrières, moyennant finance. NeoCem va leur permettre d’avoir une nouvelle vie, en les transformant en une matière première bas carbone sur son site. Il sera implanté sur une ancienne carrière à Saint-Maximin, dans l’Oise, pour un investissement global d’une cinquantaine de millions d’euros. La production, qui va employer une trentaine de personnes sur site, débutera en 2025 pour atteindre, à terme, 200 000 tonnes de matériaux par an. De quoi fabriquer deux millions de tonnes de béton, présentant une empreinte carbone de 80 % inférieure au béton classique.

"L’upcycling des argiles et leur transformation en liant bas carbone répondent à plusieurs enjeux pour le secteur de la construction. D’une part, la réutilisation en circuit court des déchets que sont les argiles, et d’autre part, la décarbonation du secteur. Les ciments et les bétons sont le premier poste d’émission pour la construction, et ils représentent 7 à 8 % des émissions mondiales. Le béton est la deuxième matière première la plus utilisée au monde, après l’eau. Ces enjeux sont globaux, et ça tombe bien : on trouve des argiles partout dans le monde", pose Guillaume Luu.

Flash calcination

Le procédé innovant mis au point par NeoCem repose sur une technologie déjà éprouvée pour d’autres applications, la flash calcination. Au cours du process, les argiles passent dans une tour, pour être portées quelques secondes à 800 degrés. À l’issue de ce traitement, l’argile détient des propriétés mécaniques lui permettant de remplacer les calcaires calcinés, ou clinker, traditionnellement utilisés comme liant pour le béton, et qui contribuent lourdement à son bilan carbone.

"Pour être mis en œuvre dans le béton, les calcaires doivent être chauffés plusieurs heures à 1 400 °C. Notre liant à base d’argile émet 120 kg de CO2 par tonne, contre quasiment une tonne de C02 pour une tonne de liant calcaire. Et notre technologie peut transformer tous les types d’argiles disponibles. L’idée n’est pas d’ouvrir de nouvelles carrières mais bien de donner une seconde vie à des matériaux déjà ramenés à la surface", décrit Guillaume Luu.

Pour l’heure, les tests menés par NeoCem confirment que le liant calcaire peut être remplacé jusqu’à 70 % par son liant à base d’argile, pour certaines applications. Et qu’à "horizon 5 ans", les 100 % peuvent être atteints "sans difficultés". À condition que dans l’intervalle, les normes évoluent. Mais pour Guillaume Luu, "on va dans le sens de l’Histoire, les régulations et les normes se mettent en mouvement". "Nous sommes déjà aussi compétitifs que les acteurs traditionnels. Demain, avec la hausse des prix des ciments traditionnels tirée par la fin progressive des quotas carbone, nous le serons encore davantage", ajoute-t-il.

Cinq sites pour 2030

NeoCem, qui ne communique pas de prévisionnel, prédit une grande carrière à ses argiles flash calcinées, qui intéressent déjà des acteurs de premier plan : les bâtisseurs du Grand Paris. Les excavations en cours sur le chantier vont générer quelque 50 millions de tonnes de déblais, dont beaucoup d’argiles. L’objectif des parties prenantes, c’est de parvenir à réutiliser ces déchets sur site, pour réduire de 25 % l’impact carbone de la construction du Grand Paris Express par exemple. Un baptême du feu pour le procédé de NeoCem, dont la première usine est implantée à portée de barge de cet immense chantier. "On est encore au début de l’histoire, mais les premiers tests à l’échelle sont extrêmement positifs. Le projet a changé de dimension avec notre usine. L’intérêt de nouveaux investisseurs se fait de plus en plus pressant : pour y répondre, nous venons de décider d’anticiper notre deuxième tour de table initialement prévu en 2025", se félicite Guillaume Luu. D’ici 2030, NeoCem ambitionne d’ouvrir quatre autres sites, toujours au plus près de sources d’approvisionnement en argiles, en France et pourquoi pas, sur d’autres continents.

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