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Nautitech Catamarans prend le large et s’ancre dans le marché premium
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Nautitech Catamarans prend le large et s’ancre dans le marché premium

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Le fabricant de catamarans basé à Rochefort (Charente-Maritime) a lancé un nouveau modèle, symbole de la stratégie adoptée ces dernières années : délaisser la clientèle de loueurs au profit des propriétaires privés et tendre vers des bateaux premium. Il produira moins d’unités mais espère s’affranchir des fluctuations de marché.

Le dernière modèle, 48 Open, lancé par Nautitech en décembre 2023, marque un pas de plus dans sa nouvelle stratégie : produire des bateaux plus luxueux, pour séduire davantage les propriétaires privés — Photo : Caroline Ansart

Que Nautitech rime avec luxe. C’est, in fine, ce que souhaite son PDG Gildas Le Masson, qui accélère un recentrage stratégique amorcé après le Covid. Le fabricant de catamarans - né chez le rochelais Dufour en 2002 avant d’être repris par l’allemand Bavaria et de voguer désormais sous pavillon du fonds d’investissement allemand CMP -, a décidé de privilégier sa clientèle propriétaire et de la séduire par des prestations haut de gamme. "Nous avons fait le choix d’abandonner 50 % de notre marché qui était composé de loueurs" et qui apparaissait comme un héritage de la parenthèse Bavaria (2014-2018), années où la pénurie de catamarans faisait turbiner les lignes de production comme jamais. Les vents ont tourné. "2020 nous a contraints à des restructurations et il a fallu faire des choix. Le premier a été de nous concentrer sur notre clientèle de propriétaires privés qui correspond davantage à notre ADN : des bateaux à naviguer, confortables mais capables de traverser des océans". Leurs lignes sont plus affûtées donc moins adaptées aux loueurs en quête d’espace maximum. "Notre choix nous a ensuite imposés à nous rendre plus désirables, d’où le virage premium."

Le chantier de Rochefort, qui emploie 180 personnes (intérimaires compris) et tourne en 2x8, consacrera davantage de temps à la production de chaque bateau — Photo : Caroline Ansart

Place donc aux nouveaux modèles : le 44 Open sorti en 2022 (le premier depuis six ans) et le 48 Open lancé en décembre 2023, pour près de 5 millions d’euros d’investissements en autofinancement. "Il y a une logique de progression qui se voit entre le 44 et le 48 mais que nous pourrions pousser davantage. Nous ne sommes pas encore dans une niche mais nous le serons quand nous aurons atteint les niveaux du luxe que nous envisageons."

Pérenniser l’activité dans un marché ralenti

"Nous sommes partis de très loin, d’une logique très économique, et nous avons changé du tout au tout", estime le dirigeant. Le pari "paie" assure Gildas Le Masson, surtout dans la conjoncture actuelle.

"Continuer à fabriquer 50 bateaux par an n’aurait pas de sens"

"Aujourd’hui, il faut l’avouer, le marché est ralenti. Le carnet de commandes n’est pas épais, comme pour tous les acteurs du nautisme. L’engouement pour le 48 n’est pas celui que nous avons rencontré pour le 44, qui était exceptionnel. Nous avions enregistré une trentaine de commandes en quelques semaines. La différence est qu’aujourd’hui, entre les taux d’intérêt et le contexte géopolitique, les conditions ne sont pas propices à un achat tout à fait déraisonnable", analyse le PDG.

D’autant que l’addition a aussi flambé avec l’inflation, de "20 à 30 % chez tous les fabricants. Là où nos prix démarraient à 450 000 voire 500 000 euros, ils sont à 550 000-600 000. Pour les loueurs c’est un vrai frein mais cela ne nous concerne plus. Nous abandonnons des prospects pour toucher des clients avec des budgets au-delà du million. En allant vers le luxe nous serons moins soumis aux variations du marché ; c’est donc une manière de pérenniser l’activité. Le problème n’est alors plus l’argent mais notre capacité à répondre aux attentes."

Rareté et sur-mesure

Produits plus exclusifs, plus qualitatifs, davantage sur-mesure : le groupe a même créé une cellule chargée d’étudier les exigences et de faire de chaque bateau une pièce unique. L’essentiel des demandes concerne les aménagements intérieurs mais aussi les mouillages et, récemment, le traitement des eaux noires par exemple. ''Cela nourrit aussi nos réflexions et les prestations que nous intégrerons peut-être dans nos standards. Nous restons dans une production industrielle mais nous consacrons plus de temps à chaque bateau", livré entre 8 et 16 mois après commande.

"Notre défi aujourd'hui est de pousser le curseur du premium pour augmenter le niveau de désirabilité dans un marché en phase de retrait", résume Gildas Le Masson, PDG Nautitech Catamarans — Photo : Nautitech

"Notre défi aujourd’hui est de pousser le curseur du premium pour augmenter le niveau de désirabilité dans un marché en phase de retrait."

En 2023, Nautitech a produit 56 bateaux pour 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec un fonctionnement en 2x8. "Un catamaran tous les quatre jours", résume Fabien Zubowicz, le directeur des opérations. Pour le 48 - dont le premier exemplaire est en route pour le salon de Miami -, "nous tablons sur 8 à 12 bateaux".

"Nous ne repartirons pas sur une logique de quantité", confirme le PDG. "Continuer à fabriquer 50 bateaux n’aurait pas de sens (Nautitech en a même produit jusque 75 dans les années Bavaria), une trentaine semble plus appropriée en travaillant la valeur ajoutée. La rareté génère l’envie !"

Des partenariats avec des marques de luxe et de la vente directe

Le virage premium, bien amorcé, n’est pas encore achevé. "Notre défi aujourd’hui est de pousser le curseur pour augmenter le niveau de désirabilité dans un marché en phase de retrait." La marque produit actuellement trois modèles, de 40, 44 et 48 pieds. "Faudra-t-il abandonner le 40 pieds ? Lancer un modèle au-delà du 48 ?" interroge Gildas Le Masson qui reconnaît par ailleurs scruter de près ses fournisseurs. "Nous menons plusieurs réflexions de recentrage et envisageons des partenariats avec d’autres grandes marques associées au luxe."

Le groupe expérimente aussi une commercialisation hybride et plus exclusivement assurée par des concessionnaires.

Nautitech prévoit de passer de 50 à 30 bateaux produits chaque année dans son chantier de Rochefort — Photo : Nautitech

"Les clients apprécient de traiter directement avec le chantier." Pas question pour autant d’abandonner les distributeurs, "nous ne pouvons pas être partout" (deux tiers des ventes sont à l’export).

La question de la montée en polyvalence des équipes (180 collaborateurs, intérimaires compris) est aussi un enjeu. "Les métiers sont plus qualifiés, nous avons du mal à recruter des électriciens et des accastilleurs notamment. Il faut proposer des perspectives d’évolution et susciter la fierté de ce qu’ils font. Notre nouvelle stratégie va dans le sens de l’humain."

Pourquoi Nautitech ne larguera pas les amarres

Alors que le groupe annonçait il y a quelques années son projet de déménagement plus près du littoral, la question n’est plus d’actualité. "Nous n’avons pas trouvé de lieu, la piste envisagée n’était pas la bonne. D’autre part l’investissement serait colossal. Endettons-nous la société de 30 millions d’euros alors que nous sommes à 800 m du port de commerce ? Certes nous devons recourir à des transports exceptionnels pour la mise à l’eau à Rochefort, mais le trajet jusqu’à La Rochelle nous permet d’effectuer des tests et d’embarquer à chaque fois des salariés pour qu’ils mesurent leur contribution. Enfin, Rochefort demeure, bien plus que La Rochelle, une ville historique de la construction navale."

Le dernière modèle, 48 Open, lancé par Nautitech en décembre 2023, marque un pas de plus dans sa nouvelle stratégie : produire des bateaux plus luxueux, pour séduire davantage les propriétaires privés — Photo : Nautitech

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