Rennes
Nathalie Appéré (Rennes Métropole) : "La Janais répond à l'enjeu de réindustrialisation post-crise sanitaire"
Interview Rennes # Industrie # Politique économique

Nathalie Appéré maire de Rennes et présidente de Rennes Métropole "La Janais répond à l'enjeu de réindustrialisation post-crise sanitaire"

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Aux côtés d'Eiffage, la métropole de Rennes est à la manœuvre dans l'aménagement du futur pôle d'excellence industrielle de La Janais. Un projet économique majeur pour les collectivités, qui y engagent 50 millions d'euros. Le lieu incarnera le renouveau industriel breton, avec des activités centrées sur l'industrie durable.

Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de Rennes Métropole — Photo : Julien Mignot

Le site rennais de La Janais, historiquement lié à l’industrie automobile, a commencé sa mue pour devenir un site d’excellence sur l’industrie durable. Quelle est l’ambition de la métropole derrière ce projet ?

La Janais est un site important dans l’histoire économique et industrielle rennaise, mais aussi bretonne. C’est un lieu connu, qui marque les esprits. C’est aussi un lieu qui a connu des fragilités et des risques. Entre 2012 et 2015, il y a eu une vraie mobilisation des collectivités pour éviter ce qui aurait pu être une disparition du site. C’est à ce moment-là que naissent le partenariat et la réflexion pour à la fois conforter le site qu’on appelait encore PSA, avec une convention conclue avec les collectivités sur le rachat du foncier pour permettre le compactage de son outil de production. Et, a contrario, l’accueil de nouvelles installations et entreprises. L’idée, c’est que ça ne soit pas simplement une nouvelle zone d’aménagement économique mais un site emblématique de l’industrie du futur parce que nos convictions en matière de transition écologique sont là et parce qu’il faut accompagner les mutations du secteur industriel, singulièrement sur les champs de la mobilité et de la construction dont on sait qu’ils sont fortement consommateurs en CO² et en gaz à effet de serre. Pour La Janais pôle d’excellence industrielle, on vient se situer résolument sur l’enjeu de la réindustrialisation post-crise sanitaire. Nos activités phares traditionnelles de production doivent pleinement et totalement intégrer leur transformation et leur transition. Là, on leur offre un écosystème qui leur permet d’accompagner cette transition.

La vision, c’est donc d’avoir un site tourné vers l’écologie industrielle ?

Oui, le site (qui s’étale sur 250 hectares, NDLR) sera résolument tourné vers la transition écologique et l’industrie du futur sur deux dimensions : construction décarbonée et mobilité durable. Il y a l’ambition d’un pôle d’excellence industrielle original qui soit aussi le reflet de la capacité du territoire et de tous ses acteurs à créer des emplois résolument pauvres en carbone. La Janais, c’est riche en emplois et pauvre en carbone.

La transformation du site de La Janais constitue le plus grand projet de renouvellement de parc d’activités en Bretagne, avec plus de 200 000 m² de surface plancher construits à terme. Combien d’emplois pourrait porter le futur site à son achèvement ?

Le travail de prospective reste à faire pour évaluer le nombre d’emplois à terme. On travaille dessus. Pour l’heure, on est dans la phase d’aménagement du pôle. Ce qui est important c’est qu’il y a à la fois des entreprises qui pourront être accueillies sur site et puis toutes celles qui pourraient avoir quelque chose à y faire, notamment dans cette volonté de structuration de filières sur la construction décarbonée et les mobilités durables.

Un bâtiment sera précisément l’incarnation de ce pôle d’excellence industrielle créateur de services pour les entreprises. Quelles seront ses fonctions ?

Le bâtiment totem ramène à l’histoire industrielle du site. Nous réhabilitons le bâtiment 78, sur un terrain de 7,8 hectares, pour en faire un bâtiment ressources. Nous allons pouvoir l’intégrer assez vite parce qu’il est en bon état. À l’intérieur, il y aura quatre fonctions principales : une fonction pépinière/incubation et test des solutions industrielles innovantes ; des services connexes susceptibles d’être mutualisés (crèche, restauration, équipements sociaux et culturels…) et qui vont permettre aux entreprises de se consacrer à leur cœur de métier ; la formation et la montée en compétences ; et enfin la dimension facilitation des implantations et accompagnement en matière foncière et portage, notamment. L’ambition est de démarrer les travaux dès 2022 et de voir le bâtiment finalisé fin 2023.

Vue aérienne du site industriel de La Janais, au sud de Rennes — Photo : MRW Zeppeline Bretagne

Rennes Métropole coordonne, via Territoires publics, un projet d’aménagement de 53 hectares, un autre espace de 21 hectares étant, lui, piloté par le groupe Eiffage. Quelle unité y aura-t-il entre les deux projets ?

Pour moi c’est un seul et même projet. La convention que nous avons signée avec Eiffage nous unit sur les stratégies d’implantation et la nature des prospects. La gouvernance est très intégrée. Il y a ce qui existe déjà et qui réunit les acteurs qui sont parties prenantes aujourd’hui et il y a aussi, en lien avec le pôle d’excellence industrielle, des gouvernances plus ouvertes à créer qui permettront d’associer d’autres acteurs économiques, et notamment des filières que l’on souhaite consolider.

"La Janais, c'est riche en emplois et pauvre en carbone."

Quel argent la Métropole mobilise-t-elle pour l’aménagement du pôle d’excellence industrielle ?

C’est une opération qui avoisine les 50 millions d’euros dans sa totalité (partagée par les collectivités, NDLR) : acquisition, aménagement, transformation. Dans cette enveloppe, 16 millions d’euros seront consacrés au bâtiment ressources lui-même.


L’État a classifié le site de La Janais comme territoire d’industrie "clés en main". Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que le site est digne d’intérêt et remarquable au niveau national. J’ai rencontré Agnès Pannier-Runacher (secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, NDLR) il y a quelques semaines. Je crois que la ministre a bien compris tous les atouts de ce site, les interlocuteurs locaux de l’État aussi. Maintenant on est dans des phases de discussion, et y compris dans les négociations sur le contrat de plan État/Région d’un côté et le contrat métropolitain de relance et de transition écologique de l’autre. Je ne sais pas à ce jour quel sera l’engagement financier de l’État concernant ce projet.

"Favoriser le renouveau du site à travers le pôle d’excellence industrielle, c’est pour Stellantis un élément qui fait que demain l’usine rennaise sera encore plus essentielle."

L’usine Stellantis de Rennes-La Janais tourne au ralenti depuis plusieurs mois, en raison notamment d’un problème d’approvisionnement en composants électroniques. L’emploi a été ajusté en conséquence. L’avenir du constructeur sur site vous inquiète-t-il ?

On peut espérer que cette situation soit juste conjoncturelle. Ceci dit, c’est bien l’illustration d’une économie mondialisée et dépendante. Cela dit aussi l’enjeu de réindustrialisation de certaines productions au niveau européen, national et local. Pour autant, je suis confiante sur le site Stellantis lui-même. C’est une usine qui fonctionne bien, qui a su se moderniser, qui a largement atteint ses objectifs de production et qui est un site important pour le groupe aujourd’hui. Et favoriser le renouveau du site à travers le pôle d’excellence industrielle, c’est aussi pour Stellantis un élément qui fait que demain l’usine rennaise sera encore plus essentielle. Quand on parle mobilités durables, il y a aussi des choses qui peuvent les intéresser, que ce soit sur les batteries ou d’autres équipements.

Une des problématiques majeures des entreprises en région rennaise est de pouvoir trouver du terrain ou des murs pour se développer. La zone d’activités de l’Ecopole sud-est, à l’est de Rennes, apparaît saturée, par exemple. Comment travaillez-vous sur ce sujet ?

Pour le site de La Janais, on a quand même un foncier important… Et toutes les zones d’activité ne sont pas encore saturées… Pour autant, on est en train de travailler sur un schéma d’aménagement économique 3e version avec cet enjeu de développer l’emploi tout en étant le plus économe possible en foncier. Le territoire de la métropole, c’est déjà 80 % d’espaces agricoles et naturels et une forte croissance démographique et économique. Tout le travail est d’identifier zone par zone les possibilités de reconversion et de densification pour concilier l’objectif de zéro artificialisation nette auquel nous serons contraints par la loi "Climat et Résilience" et la poursuite d’implantations. C’est une autre forme d’aménagement économique à penser pour demain.

Rennes # Industrie # Automobile # Services # Politique économique # Collectivités territoriales # Implantation