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À Rennes, le site de La Janais voit son futur dans l'industrie durable
Enquête Rennes # Industrie # Innovation

À Rennes, le site de La Janais voit son futur dans l'industrie durable

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Le site de La Janais, près de Rennes, a longtemps été associé à l’usine automobile PSA, devenue Stellantis. Aujourd’hui, derrière l’aménagement d’un pôle d’excellence industriel, le site s’ouvre à de nouvelles activités autour des mobilités durables et de la construction décarbonée. De nouvelles entreprises commencent à y prendre pied.

Le site industriel de La Janais, au sud de Rennes — Photo : MRW Zeppeline Bretagne

Pendant longtemps, l’usine Citroën de La Janais, au sud de Rennes, a constitué le fer de lance de l’économie locale en tant que premier employeur privé de l’agglomération (12 000 collaborateurs y travaillaient dans les années 1980) et tête de pont de la filière automobile dans le Grand Ouest. L’usine, qui assemble aujourd’hui la Citroën C5 Aircross et le Peugeot 5008 pour Stellantis (ex-PSA), demeure une entreprise de premier plan dans le paysage économique local en employant 2 500 personnes.

Mais son aura faiblit. La baisse du marché automobile mondial liée à la crise sanitaire et les difficultés d’approvisionnement en composants électroniques (semi-conducteurs) freinent l’activité du constructeur. En cette rentrée de septembre 2021, la direction a dû réduire les effectifs sur le site. Depuis le 13 septembre, une seule équipe d’ouvriers est à l’œuvre sur la nouvelle ligne de montage inaugurée en 2018. Les contrats d’une centaine d’intérimaires n’ont pas été reconduits.

L’usine automobile Stellantis de Rennes fait travailler 2 500 personnes — Photo : Baptiste Coupin

Stellantis abandonne du terrain

La plateforme rennaise, qui a sorti près de 95 000 véhicules de ses chaînes en 2020, renoue avec une période d’incertitude. Rien de surprenant donc à ce que le groupe veuille adapter ses mètres carrés en conséquence. Fin 2020, l’industriel a vendu 21 hectares de terrains au groupe Eiffage, après avoir cédé 53 hectares, en 2015, à la Région Bretagne. Contre une empreinte foncière à 228 hectares en 2015, le site de Stellantis Rennes ne s’étend plus aujourd’hui que sur 146 hectares. L’abandon de foncier pourrait-il se poursuivre ? "Nous sommes toujours à la recherche d’efficience industrielle qui nous amène à dimensionner notre parc foncier au juste nécessaire", élude Nathalie Bertran, la responsable communication de Stellantis Rennes.

Cette cure d’amaigrissement de la part de Stellantis envoie paradoxalement le signal d’un renouveau pour le site de La Janais, situé sur les communes de Chartres-de-Bretagne et Saint-Jacques-de-la-Lande, à proximité immédiate de l’aéroport et de la 2x2 voies Rennes-Nantes. Un renouveau qui passe par deux grands projets d’aménagement en cours, avec la même finalité : faire de La Janais un haut lieu de l’industrie durable en France. Désormais tourné vers l’avenir, le site a été labellisé par l’État "site industriel clés en main". Le chantier démarre, notamment sur la portion des 21 hectares rachetés par le groupe Eiffage. 40 000 m² de bâtiments industriels doivent sortir de terre dans deux ans. "Ils s’adressent à des activités industrielles, avec une orientation privilégiée autour des nouvelles mobilités et de l’habitat durable", détaille Mohammed Rahali, directeur opérationnel Bretagne pour Eiffage Immobilier Grand Ouest. Les contacts sont engagés avec de futurs preneurs. "Ce sont des activités assez larges mais qui gravitent autour de l’énergie, des transports et des bâtiments. C’est un site qui attire beaucoup et qui n’aura pas de difficultés à rayonner hors de la métropole", assure le dirigeant.

Vers une zone d’activités "du futur"

Eiffage connaît bien le site. Le groupe était déjà propriétaire de trois bâtis industriels occupés totalisant 56 000 m² de surface. Ces actifs viennent d’être revendus à la société de gestion Foncière Magellan, qui va y mener "un important travail de restructuration, de rénovation et d’amélioration de la performance énergétique". La filiale d’Eiffage Construction B3Ecodesign, qui recycle des containers maritimes en fin de vie, l’entreprise Schneider (SETBT) et le technicentre SNCF sont locataires de ces bâtis. Ils seront aux premières loges de la transformation du parc industriel et des nouveaux arrivants, à l’image d’Euro-Shelter. L’entreprise rennaise, filiale de Toutenkamion Group, conçoit des unités mobiles à usage militaire. Elle se développe vers le civil en fabriquant, par exemple, des unités transformables pour les bureaux. Son emménagement à La Janais est prévu entre novembre 2021 et janvier 2022. "On se projette ici sur dix à vingt ans, anticipe Benoît Le Lay, directeur général délégué de la PME. On en profite pour redéployer l’outil industriel du groupe avec des machines numériques de grande dimension. Ce qui nous importe, c’est de pouvoir évoluer dans une emprise industrielle durable." Au global, 1 million d’euros d’investissement est prévu sur le nouveau site de 6 100 m². Tessa Industrie, entreprise spécialisée dans la fabrication de bâtiments décarbonés à haute performance énergétique, entrée récemment dans le giron du groupe nantais Réalités, vient aussi prendre pied dans la zone. En pleine croissance, la jeune entreprise a investi 1,4 million d’euros dans une unité de fabrication qui s’étend sur 11 000 m². Son process constructif, qui divise par deux la durée des chantiers, est en plein dans la veine de ces entreprises "responsables" qui pourraient rejoindre la zone d’activités du futur.

Naissance d’un pôle excellence industrielle

L’autre grand projet d’aménagement engagé sur le site est public. Rennes Métropole a récupéré 53 hectares de foncier en 2015 et missionné la société Territoires publics pour son exploitation. "Pour tous les métropolitains, La Janais est le cœur industriel de notre territoire. Il doit le rester. C’est un site qui a une histoire, une identité et un emplacement stratégique. À l’heure où nous devons réindustrialiser la France tout en préservant les surfaces agricoles, ce site est exceptionnel", souligne la maire de Rennes et présidente de Rennes Métropole, Nathalie Appéré. La collectivité va y maîtriser le tiers de l’emprise foncière du futur pôle d’excellence industrielle. Elle engage 50 millions d’euros dans le projet. "Dès 2022, des travaux pourront démarrer sur la transformation du bâtiment 78 pour en faire le bâtiment ressources du pôle. Ce sera notre bâtiment totem. En parallèle, les aménagements se poursuivront pour accueillir de nouvelles activités", précise l’élue.

Tessa Industrie s’installe sur le site de La Janais avec l’ambition d’offrir davantage de solutions sur la construction durable — Photo : Tessa

Les structures régionales de l’innovation seront associées à l’animation de ce nouveau lieu, à la fois incubateur, pépinière et hôtel d’entreprises. "Ce pôle s’articulera autour d’un ensemble de services, détaille Daniel Gergès, directeur du Poool, l’association au service des start-up et entreprises technologiques innovantes d’Ille-et-Vilaine. Il a pour vocation à utiliser de manière intelligente l’espace libéré par Stellantis pour donner naissance à des start-up industrielles et permettre aux groupes de lancer des innovations et se relancer eux-mêmes. On parle beaucoup de réindustrialisation. Il n’y aura pas de nouvelles industries à se lancer sans innovations."

La plateforme d’innovation Excelcar, hébergée actuellement sur 2 800 m² sur le site Stellantis et dont profitent notamment les équipementiers de l’automobile (Cooper Standard, Faurecia, Coriolis…) pour tester des projets d’expérimentation, sera l’une des parties prenantes du lieu. "Je suis persuadé qu’il y a des opportunités pour des start-up de travailler avec des groupes. Que ce soient des fabricants d’appareils de mobilités ou d’entreprises qui ont des solutions de mobilité à proposer à des industriels. L’industrie automobile a aussi besoin de s’inspirer sur ce qui se fait ailleurs", souligne Olivier Armbruster, à la tête de la structure. C’est au sein d’Excelcar, déjà, que PSA a mis au point de nouveaux matériaux et de nouveaux process de montage de ses véhicules. "Avec le pôle d’excellence industriel il y a la volonté d’augmenter l’offre de services, poursuit Olivier Armbruster. On souhaite pouvoir accompagner des start-up industrielles qui n’ont pas encore leur terrain de jeu à la bonne échelle pour concevoir, faire leurs prototypes et leur pré-industrialisation."

Stellantis entend bien lui aussi tirer profit de cet outil ambitieux, en se tenant "à l’écoute des expériences innovantes (qui y seront) mises en place". Bien qu’en repli, le groupe automobile n’a pas dit son dernier mot. "Il y a des ingénieurs qui se battent pour sa pérennité et pour être présents sur les technologies de demain", souffle le maire de Chartres-de-Bretagne et conseiller métropolitain Philippe Bonnin, qui croit savoir qu’une usine de silicium pourrait trouver sa place dans la future zone d’activités. Le silicium est un substrat clé pour l’électrification des véhicules. Un futur levier de croissance pour Stellantis ?

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