Alsace
Michel Hussherr (Financière Cajuba) : "L’argent est toujours là pour financer les start-up"
Interview Alsace # Fonds d'investissement # Levée de fonds

Michel Hussherr président de Financière Cajuba "L’argent est toujours là pour financer les start-up"

S'abonner

Business Angel et lui-même leveur de fonds, Michel Hussherr prend le contrepied des discours actuels prédisant une traversée du désert pour les start-up en matière de financement. Parce qu’elles répondent à un besoin du territoire, les rencontres qu’il organise à Strasbourg entre startupeurs et business angels ne désemplissent pas.

Michel Hussherr, président de Financière Cajuba et ancien directeur de Semia — Photo : Nathalie Stey

Selon vous, il y a toujours une appétence des investisseurs du territoire pour soutenir l’innovation. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

Le financement des start-up est effectivement devenu plus risqué qu’il ne l’était il y a quelques années, nous ne sommes plus dans une bulle. Mais il est trop tôt pour affirmer que cette évolution va rendre la recherche d’investisseurs plus difficile. De l’argent, il y en a. Le groupe d’investisseurs que j’anime, la Cajuba Team, vient ainsi de terminer sa deuxième levée de fonds à plus de 1,2 million d’euros en 6 mois. Depuis 2019, nous avons étudié 41 projets et investi dans 16 d’entre eux, pour un montant total de 3,78 millions d’euros. Une start-up a fait faillite, une autre a été revendue, mais globalement, le retour sur investissement pourrait être de 12 millions d’euros. Il a certes été divisé par deux en un an, mais Cajuba Team n’a pas perdu d’investisseur et en recrute de nouveaux pour renforcer son action. Nos réunions répondent à un besoin parce qu’il existe, en Alsace, des personnes ayant un patrimoine et la volonté de l’investir dans l’économie locale. Simplement, la mentalité alsacienne ne valorise pas la prise de risque des investisseurs, à la différence d’autres régions. L’Alsace est une terre d’industrie, avec des entrepreneurs qui interviennent sur des marchés déjà établis. Mon objectif est d’amener ces investisseurs à se tourner vers les start-up et de créer ainsi une communauté d’entrepreneurs investisseurs.

Comment êtes-vous devenu leveur de fonds ?

J’ai créé Cajuba en 2012, grâce aux revenus tirés de la vente de ma première société. Je me suis alors spécialisé dans le capital-risque et l’activité de business angel. Depuis 2015, Cajuba a étudié 384 projets et investi dans 40 d’entre eux, pour un montant total de 1,1 million d’euros. Six de ces start-up ont mis la clé sous la porte, trois autres participations ont été revendues, dont la licorne Voodoo en 2018, ce qui m’a permis de réinvestir dans d’autres projets. En 2019, j’ai ainsi fondé avec un entrepreneur alsacien basé à Boston, Alistair Schneider, le programme d’accompagnement à l’international Innouvo, qui chaque année fait découvrir le marché américain à une demi-douzaine de start-up. J’ai aussi ouvert mon activité de business angel à trois autres investisseurs, parce que je ressentais le besoin de m’entourer de personnes ayant d’autres compétences que les miennes. Mon activité m’a surtout amené à rencontrer de plus en plus de business angels novices, des chefs d’entreprise pour la plupart, habitués à placer leurs ressources dans la pierre et qui souhaitaient investir dans l’innovation et les start-up. En 2022, j’ai donc créé les Cajuba Nights, qui permettent aux start-up de présenter leur projet devant un parterre d’investisseurs.

Comment se déroulent ces levées de fonds ?

Chaque réunion fait intervenir un tiers d’experts, un tiers d’investisseurs novices ayant une expertise métier et un tiers d’anciens startupeurs souhaitant investir dans de nouveaux projets et transmettre leur expérience, face à une seule start-up. Le format adresse des levées de petite série A, à partir de 1 million d’euros. Lors de la première soirée, l’entrepreneur présente son projet pendant une quinzaine de minutes ; s’en suit deux heures de partage avec les quinze à vingt investisseurs présents. Une deuxième soirée est programmée quinze jours plus tard, selon le même déroulé, pour approfondir l’analyse de la start-up. Enfin, un troisième moment est organisé dans ses locaux, pour que les investisseurs puissent rencontrer l’équipe entourant le dirigeant. Parce qu’il est indispensable de tester les relations existant au sein de la start-up.

Si les discussions vont au bout, un véhicule d’investissement (société civile) est alors créé pour chaque projet. Chaque investisseur est libre de décider s’il veut en être ou non. Le ticket d’entrée minimum est de 5 000 €, la moyenne se situe à 25 000 €.

Qu’est-ce qui vous différencie d’une association de business angels ?

La Cajuba Team n’est pas un club d’investisseurs mais un groupe d’entrepreneurs (ils sont environ 70). Contrairement aux clubs ou aux fonds d’investissement, nous ne pratiquons pas de saupoudrage. Mon objectif est d’aider à la création d’emplois pérennes tout en générant de la richesse. La vraie valeur ajoutée du business angel est de faire profiter la start-up de son réseau et de son expérience. Ainsi, il faut passer du temps sur un projet et lui ouvrir son réseau avant même de vouloir investir.

Alsace # Fonds d'investissement # Levée de fonds # Start-up