Rennes
Marie Poussin (Bpifrance) :"Les femmes souffrent encore trop du syndrome de l’imposteur"
Interview Rennes # Finance # Ressources humaines

Marie Poussin directrice du réseau Ouest de Bpifrance "Les femmes souffrent encore trop du syndrome de l’imposteur"

S'abonner

Directrice du réseau Ouest de Bpifrance, Marie Poussin est à la tête d’une équipe de 280 personnes basées de Brest à Pau. Elle a gravi beaucoup d’échelons au sein de la banque publique, jusqu’à des postes de direction. Modèle de l’ascension féminine en milieu professionnel, elle apporte son expérience pour aider les femmes à lutter contre "le syndrome de l’imposteur".

Marie Poussin, directrice du réseau Ouest de Bpifrance — Photo : Virginie Monvoisin

Vous êtes depuis mai 2023 la directrice du réseau Ouest de Bpifrance. Une femme, jeune, à un poste de direction d’une grosse structure. Quel a été votre parcours pour en arriver là ?

J’ai étudié en école de commerce, obtenu une maîtrise de sciences techniques comptables et financières, puis un master en banque et finance. J’avais fait un stage de chargée d’études chez Oséo (qui deviendra Bpifrance, NDLR), avant d’être embauchée au CIC, où je suis restée deux ans. Je suis ensuite revenue chez Oséo, dans la Manche. Je suis entrée par la petite porte, et j’y ai découvert une vraie culture de la promotion interne. D’abord chargée d’affaires au service des entreprises en Normandie puis à Rennes, j’ai ensuite été promue à la direction de la délégation territoriale du Mans. C’était ma première expérience de management, avec une douzaine de collaborateurs. L’entreprise m’a vraiment fait confiance. Elle m’a ensuite nommée à la direction régionale en Normandie, puis à celle de Paris. Cette fois pour gérer 100 collaborateurs. Enfin, je suis de retour à Rennes depuis mai 2023.

Vous avez beaucoup bougé. La mobilité ne vous a-t-elle pas freinée ?

Il faut oser et savoir s’affirmer dans son couple, dire à son conjoint que c’est chacun son tour : cette fois c’est moi, et la prochaine opportunité ce sera pour toi. Mais j’ai toujours pu construire mes évolutions avec mon employeur, pour que ce soit facile pour mon conjoint : je disais à Bpifrance "d’accord pour ce type de poste, mai dans tel périmètre". J’en suis à ma 10e résidence principale ! J’ai eu cette chance que mon conjoint puisse me suivre pendant dix ans, alors quand il a eu une opportunité à Rennes, c’était à moi de faire un geste. J’habite ici, mais mon territoire Ouest va de la Bretagne à la Nouvelle Aquitaine en passant par le Loire-Atlantique, de Brest à Pau avec 12 implantations. Donc je dois accepter de partir une partie de la semaine. Tout est une question de psychologie. Tant que l’on trouve du plaisir à faire son job, cela permet de passer un temps plus qualitatif avec les enfants. Ils nous voient aller travailler avec plaisir, et c’est essentiel à l’équilibre de chacun. Mon travail n’est pas un fardeau, je m’éclate. Les déplacements sont le prix à payer pour insuffler quelque chose de sympa dans le foyer.

La mobilité est pourtant un frein à l'accession des femmes à des postes importants. Quelles sont selon vous les autres difficultés qu’elles rencontrent ?

D’un côté il y a le sujet de la mobilité, c’est vrai. La mobilité géographique à outrance est l’élément clé et c’est ce qui freine les carrières féminines. Tout recommencer dans une nouvelle région, prendre des risques professionnels et personnels, ce n’est pas facile. Et puis, les femmes ont encore souvent le syndrome de l’imposteur ! C’est-à-dire qu’elles pensent que les postes de direction ne sont pas pour elles, elles doutent de leurs compétences et ont peur de ne pas se sentir à leur place.

Chez Bpifrance, comment travaillez-vous sur l’égalité femmes-hommes ?

Pour Bpifrance Financement, l’indice d’égalité professionnelle est de 93/100, alors que la moyenne nationale est de 86/100. Nous ne sommes pas mauvais sur le sujet, alors que nous n’avons pas eu de politique volontariste en ce sens. Nous comptons 40 % d’hommes et 60 % de femmes, notamment parce que nos métiers de la banque se sont beaucoup féminisés. Dans l’Ouest, nous sommes également à 50/50 sur les postes de managers de proximité. Par contre, plus haut, cela se complique. Le comité de management général compte ainsi 32 % de femmes. Nous voudrions qu’il y ait plus de femmes à des postes de direction. Aujourd’hui, nous avons une stratégie de la mixité. Nous nous interrogeons pour que nos talents féminins puissent suivre un plan de carrière. De toute façon, pour les métiers du "front", nous ne faisons que de la promotion interne. Nous avons également travaillé sur les écarts de salaire. D’ailleurs, nous avons aussi augmenté des hommes.

En tant que directrice de réseau, pensez-vous avoir un rôle à jouer ?

En tant que manager, j’essaie d’abord de repérer les talents féminins, en ouvrant mes yeux et mes oreilles. Car les talents masculins ont tendance à davantage s’exprimer, alors que les talents féminins se cachent ! Ensuite, mon rôle est de leur tendre la main, de leur donner confiance, de les "driver" et de les accompagner.

Rennes # Finance # Banque # Ressources humaines # Transmission # Réseaux d'accompagnement