L’usine Lactalis de Verdun entame sa décarbonation avec une centrale solaire thermique
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L’usine Lactalis de Verdun entame sa décarbonation avec une centrale solaire thermique

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À quelques dizaines de mètres du site Lactalis de Verdun, dans la Meuse, la start-up Newheat vient de mettre en service une centrale solaire thermique, connectée directement au procédé de séchage de l’usine. Pour le numéro un mondial des produits laitiers, c’est une première étape dans la décarbonation de son usine meusienne.

Les 15 000 m2 de panneaux de la centrale solaire thermique de Newheat ont été posés sur un site de 4,5 hectares, juste à côté de l’usine Lactalis de Verdun — Photo : Newheat

Jean-Luc Bordeau, le directeur général de Lactalis Ingredients, en convient : "C’était un pari de travailler avec Newheat". Lorsque l’industriel a entamé les premières discussions, fin 2017, avec Hughe Defréville, le président de Newheat, le fournisseur de chaleur renouvelable basé à Bordeaux ne comptait que sept salariés et une seule installation. En face, le groupe Lactalis, dont le siège est à Laval, en Mayenne, emploie 85 500 salariés, pèse 28,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 1,4 milliard réalisé par Lactalis Ingrédients, la branche du groupe qui met sur le marché 600 000 tonnes de poudres issues du lait.

Une intégration prévue "dès la conception"

À Verdun dans la Meuse, sur la zone industrielle de Baleycourt, le site Lactalis produit chaque année 75 000 tonnes de poudre de lactosérum, ou petit-lait, à destination de clients dans l’agroalimentaire. Une partie du procédé, très énergivore, consiste à sécher la poudre grâce à de l’air réchauffé au moyen de la combustion de gaz. En 2020, pour un investissement total de 50 millions d’euros, Lactalis a fait sortir de terre une nouvelle tour de séchage. "Les planètes étaient alignées", se félicite Jean-Luc Bordeau. "Dès la conception de cette nouvelle tour, nous avons intégré la possibilité de disposer de plusieurs sources d’eau chaude".

Les équipes de Newheat ont donc conçu la plus grande centrale solaire thermique de France pour livrer de l’eau chaude directement dans la tour de séchage de Lactalis. Concrètement, afin d’arriver à un air à 160°C, la centrale est capable de préchauffer le flux d’air jusqu’à 80°C dans des conditions optimales. Depuis mars 2023, les 15 000 m2 de capteurs installés dans la centrale solaire, à quelques dizaines de mètres de l’usine Lactalis de Verdun, sont en ordre de marche pour fournir jusqu’à 8 000 MWh d’énergie par an.

La centrale solaire thermique a été dimensionnée pour fournir 8 000 MWh d’énergie par an, sous forme d’eau chaude — Photo : Jean-François Michel

15 projets prévus pour 150 millions d’euros d’investissement

"Au total, cette installation va nous permettre de diminuer de 11 % la consommation de gaz de la tour de séchage, soit l’équivalent de 2 000 tonnes d’émission de CO2 évitées", souligne Jean-Luc Bordeau. Les émissions du solaire thermique conçu par Newheat s’élèvent à 12 grammes de CO2 par KWh, soit un niveau nettement inférieur aux émissions générées par la combustion de gaz.

Les 6 millions d’euros injectés dans la conception et la construction de la centrale solaire thermique de Verdun ont été portés à 50 % par le fonds chaleur de l’Ademe, et abondés par des subventions publiques, à hauteur de 354 000 € pour le GIP Objectif Meuse et de 170 000 € pour la région Grand Est. "Au capital de la société de projet, on trouve à hauteur de 16 % les fonds régionaux pour la transition énergétique de la Nouvelle-Aquitaine, de l’Occitanie et de Rhône Alpes", précise Hughe Defréville. Depuis 2017, son entreprise a changé de dimension : employant 45 personnes, Newheat exploite cinq centrales solaires thermiques et prévoit de réaliser 15 projets sur les 3 prochaines années, pour un total d’investissement de 150 millions d’euros.

Un groupe engagé pour atteindre la neutralité carbone

De son côté, le groupe Lactalis s’est engagé sur 25 ans à consommer l’énergie produite par la centrale solaire de Newheat. "La motivation première est vraiment liée au respect de l’environnement", insiste Mahmoud Kamal, le directeur de l’usine Lactalis de Verdun. "Car économiquement, cela ne nous revient pas moins cher. Nous sommes surtout attentifs à ce que l’énergie produite ne soit pas plus chère que le gaz." Conscient des enjeux liés à la décarbonation de son activité, le groupe Lactalis a fixé sa trajectoire vers la neutralité carbone, qui doit être atteinte en 2050. "Nous voulons diminuer nos émissions de CO2 de 25 % en 2025 par rapport au niveau de 2019, puis arriver à -50 % en 2033 avant d’aller vers la neutralité", déroule Jean-Luc Bordeau.

Déjà, le groupe Lactalis travaille à l’étape suivante dans la décarbonation de l’usine Lactalis de Verdun. "50 % de l’énergie nécessaire au fonctionnement de nos tours de séchage sera apportée par une chaufferie biomasse", dévoile Jean-Luc Bordeau. Un projet qui doit permettre de réduire de 50 % les émissions du site. La construction et l’exploitation de cette chaudière biomasse seront assurées par un prestataire : l’énergie sera fournie à l’usine Lactalis, mais aussi au voisin du groupe laitier sur la zone industrielle de Baleycourt, le producteur de biocarburant Valtris. Un projet à "plusieurs dizaines de millions d’euros", qui devra être opérationnel en 2026.

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