L'hydrogène vert monte en puissance
# Production et distribution d'énergie # Innovation

 L'hydrogène vert monte en puissance

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La production d’hydrogène sans émission de CO2 devient une réalité concrète en France. Il va permettre de décarboner un certain nombre de process industriels. Et d’accroître la performance écologique des moyens de transport.

Dans un premier temps, l’hydrogène bas carbone permettra donc de réduire la consommation d’énergie fossile pour le transport de fret et de passagers — Photo : AA+W

Chaque année en France, plus de 900 000 tonnes d’hydrogène sont utilisées dans l’industrie principalement pour la production d’ammoniac (engrais) et de méthanol et comme réactif dans les procédés de raffinage du pétrole. "L’hydrogène est l’atome le plus abondant dans l’univers, mais il faut le transformer en dihydrogène pour pouvoir l’utiliser", explique Daniel Hissel, professeur à l’université de Franche-Comté, chercheur au sein de l’Institut FEMTO-ST et directeur adjoint de la fédération nationale de recherche sur l’hydrogène FRH2 au sein du CNRS. Problème : plus de 95 % de cet hydrogène industriel est issu aujourd’hui de la transformation d’énergies fossiles, dont pour près de la moitié du gaz naturel, avec à la clef des rejets de CO2. Cet hydrogène "gris" par ses qualités intrinsèques offre quand même des vertus environnementales dans les transports : la molécule de di-hydrogène est en effet particulièrement énergétique, sa combustion libérant environ trois fois plus d’énergie que l’essence en ne rejetant que de l’eau.

Mais pour rendre ce dispositif pleinement performant d’un point de vue écologique il faut que l’hydrogène à la base soit produit sans rejets de CO2. On parle alors d’hydrogène bas carbone obtenu notamment par électrolyse à partir d’énergies renouvelables (hydrogène vert).

Verdir l’industrie et les transports

Dès lors, cet hydrogène décarboné permettra de verdir le secteur industriel très consommateur en énergie en se substituant aux énergies fossiles utilisées actuellement (par exemple en remplaçant le charbon dans la fabrication d’acier). Il servira aussi à décarboner les transports : les véhicules électriques équipés d’une pile à combustible (PAC) transformeront l’hydrogène en électricité et en vapeur d’eau avec une large autonomie (500 à 700 km) et possibilité de refaire le plein en quelques minutes dans une station-service comme pour les carburants classiques.

Dans un premier temps, l’hydrogène bas carbone permettra donc de réduire la consommation d’énergie fossile pour le transport de fret et de passagers (avions, bus, trains, bateaux). "Des bus à hydrogène circulent déjà à Pau, bientôt à Dijon ou Belfort, mais aussi des bennes à ordures ménagères, silencieuses et dépolluées, ce qui facilitera leur accès aux hypercentres-villes", note Daniel Hissel. Une mise en service du premier train TER à hydrogène est par ailleurs prévue pour 2025.

Enfin, l’hydrogène vert permettra de pallier la variabilité de production des énergies renouvelables (solaire, éolien….) en stockant l’électricité. L’hydrogène produit par électrolyse de l’eau grâce à ces EnR pourrait être stocké puis reconverti en électricité pour répondre aux pointes de consommation.

Des avancées prometteuses

Reste à résoudre deux importants points de blocage pour accélérer l’utilisation de l’hydrogène bas carbone. D’abord son prix. "L’hydrogène décarboné est pour l’instant trois fois plus cher à produire que l’hydrogène gris, de 4 à 6 euros le kilo contre 1,5 euro. Il faut donc trouver des économies d’échelle, favoriser la montée en volume et créer des gigafactories d’électrolyseurs permettant de réduire les coûts et d’augmenter les performances", insiste Philippe Boucly, président de France Hydrogène, association qui fédère les acteurs du secteur. Reste ensuite ses conditions de stockage. "Si l’on souhaite avoir pour les véhicules électriques à hydrogène des autonomies comparables à celles des véhicules thermiques, soit 600 à 700 kilomètres, il faut des réservoirs d’hydrogène sous pression, à 700 bars, qui restent volumineux", souligne Daniel Hissel. Pour produire autant d’énergie qu’un litre d’essence, il faut entre 6,4 et 7 litres d’hydrogène comprimé.

Si l’utilisation de l’hydrogène pour les véhicules légers des particuliers reste donc envisageable, c’est sans doute à un horizon plus lointain que la décarbonation de l’industrie. Pourtant "la dynamique dans laquelle on se trouve est impressionnante, se félicite Daniel Hissel. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le sujet il y a vingt ans, les piles à combustible étaient extrêmement chères, peu performantes et utilisables seulement quelques dizaines d’heures à peine en condition d’usage. Ces objets sont devenus très performants et durables, et leurs prix ont été divisés par 30. Les efforts technologiques s’accélèrent sous l’impulsion politique, économique et sociétale. Nous sommes désormais en capacité de développer une industrie en Europe en localisant l’ensemble de la chaîne de valeur sur notre territoire pour permettre à différents secteurs d’utiliser d’ici 2030 de façon massive l’hydrogène". À condition que l’investissement dans la R & D soit couplé à un soutien public pour développer des solutions compétitives.

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