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Levées de fonds en France : le record de 2021 masque des déséquilibres persistants
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Levées de fonds en France : le record de 2021 masque des déséquilibres persistants

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Les start-up françaises n’ont jamais levé autant de fonds qu’en 2021. Un résultat exceptionnel, preuve de maturité, selon le dernier baromètre d’In Extenso Innovation Croissance et de l’Essec. Mais ce record cache aussi les limites de l’écosystème national, très concentré à Paris et toujours loin de ses voisins britanniques et allemands.

Le record de levées de fonds de 2021 a d’abord profité aux start-up d’Île-de-France (ici la Station F, à Paris) : les montants collectés dans la région y ont bondi de 184 % en un an — Photo : Benoit Florencon

Année en or massif pour les start-up françaises. Elles ont levé pas moins de 11 milliards d’euros en 2021 - record 2020 bel et bien battu, et ce à la faveur d’un boom exceptionnel de 135 % en un an, selon les calculs d’In Extenso Innovation Croissance et de l’Essec Business School.

Mieux, en dépit de la crise du Covid-19, tous les indicateurs sont désormais au vert : le nombre d’opérations (823 au total) progresse de 20 %, quand le ticket moyen s’élève à 14,1 millions d’euros (+92 %). Ce montant a même triplé en trois ans, affirme l’étude.

Les start-up françaises récoltent les fruits de la maturité

Symbole de cette santé insolente, les levées de fonds XXL se sont multipliées. Si une seule entreprise (Mirakl) avait réussi à amasser plus de 200 millions d’euros en 2020, elles étaient 8 dans ce cas l’an dernier : Sorare (680 millions de dollars, record absolu), à nouveau Mirakl (555 millions de dollars), Contentsquare (500 millions de dollars), Qonto (400 millions d'euros), Ledger (380 millions d'euros), ManoMano (355 millions d'euros), Back Market (276 millions d'euros) et Voodoo (266 millions d'euros).

Pour expliquer ce dynamisme, les auteurs du baromètre avancent, pêle-mêle, "l’hyper-accélération de la transformation numérique de l’économie", l'"euphorie des investisseurs" et un "afflux de liquidités en général", et donc aussi dans le capital-risque. Joue aussi, désormais, la maturité même de l’écosystème, capable d’enchaîner des tours de table de plus en plus importants. Ainsi, 63 % des 11 milliards d'euros recensés sont allés vers des entreprises de plus de cinq ans (+14 points par rapport à 2018). Et celles "ayant levé plusieurs fois voient leur ticket moyen augmenter" au fil du temps, relève l’étude.

L’Île-de-France aimante toujours plus les levées de fonds

Autre tendance notable : la concentration des fonds sur les start-up de région parisienne. L’Île-de-France cumule ainsi 64 % des opérations (+4 points en trois ans), mais 84 % des montants collectés (+14 points !). Avec un total de 9,32 milliards d’euros en 2021, elle a pleinement profité de la fièvre des investissements, au point d’enregistrer l’augmentation la plus élevée (+184 % en un an). Seuls les Pays de la Loire font mieux (+234 %), mais en partant de bien plus bas : les entreprises de cette région ont réuni à peine 150 millions d'euros l’an dernier… 62 fois moins que les franciliennes !

De son côté, l’Auvergne Rhône-Alpes conserve sa deuxième place (482,1 millions d'euros, +18 %), devant l’Occitanie toute proche (447,7 millions d'euros, +122 %), mais bien aidée par sa pépite Swile - la seule, avec OVHCloud, à être située hors Île-de-France, souligne encore In Extenso.

Au rang des déceptions, la Bourgogne-Franche-Comté a divisé par dix le montant de ses levées (16,3 millions d'euros) et les Hauts-de-France ont compté plus d’opérations qu’en 2020, et pourtant attiré moins d’argent (76,8 millions d'euros, -37 %). Le Centre-Val de Loire, lui, reste bon dernier (3,3 millions d'euros, -85 %).

La France reste en retard sur ses voisins européens

Le déséquilibre des levées françaises ne s’arrête pas là : au niveau sectoriel, la fintech et le logiciel captent environ la moitié des fonds, quand la deeptech s’avère, elle, "très en retrait". Une "défaillance" problématique, du fait des "enjeux de souveraineté technologique et climatiques vitaux" auxquels ce segment de start-up tente de répondre à travers ses innovations de rupture.

Plus largement, il ne faudrait d’ailleurs pas crier cocorico trop vite. Car les records de 2021 masquent des retards chroniques au regard des résultats enregistrés par ailleurs sur le continent. L’écart se creuse, par exemple, au niveau du ticket moyen, plus élevé (16,8 millions d'euros) et plus dynamique (+121 % en un an) au niveau européen que français.

Surtout, les entreprises nationales restent à bonne distance des deux autres locomotives, que sont l’Allemagne (16 milliards d'euros levés) et le Royaume-Uni (27 milliards d'euros). L’un comme l’autre, également en avance dans la course aux licornes : selon cette étude, la première compte 57 start-up valorisées à plus d’1 milliard d'euros, la seconde 116. La France, elle, a dépassé la barre des 25 à la mi-janvier 2022.

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