Montpellier
"Les industriels de la robotique médicale ont su créer une vraie filière à Montpellier"
Interview Montpellier # Industrie # Innovation

Marie-Anne Péchinot (Zimmer Biomet Robotics) et Bertin Nahum (Quantum Surgical) Marie-Anne Péchinot (Zimmer Biomet Robotics) et Bertin Nahum (Quantum Surgical) "Les industriels de la robotique médicale ont su créer une vraie filière à Montpellier"

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Industriels en vue dans la robotique chirurgicale, ambassadeurs de la filière (très) écoutés à Montpellier, Marie-Anne Péchinot et Bertin Nahum unissent aujourd’hui leurs voix pour soutenir l’émergence d’un nouveau pôle d’excellence. Si le contexte politique local est porteur, les autres arguments abondent aussi, selon eux, en plein débat sur la réindustrialisation.

Marie-Anne Péchinot et Bertin Nahum, dirigeants de Zimmer Robotics et Quantum Surgical, veulent impulser une nouvelle filière autour de la robotique médicale en lien avec la Métropole de Montpellier — Photo : Olivier Demols

Pourquoi prendre la parole sur la nécessité d’une nouvelle filière de robotique médicale ?

Marie-Anne Péchinot : Il est bon de travailler ensemble sur la visibilité d’une filière en émergence. Dans beaucoup de domaines, 2020 a été une année de prise de conscience. Avec Bertin Nahum, nous parlions déjà de ce projet de longue date, et nous est venue l’idée de communiquer ensemble, au regard de la consolidation industrielle que nous avons réalisée à nous deux. L’addition de nos deux sociétés forme un pôle d’expertise pointue, en termes de R & D, de manufacturing, etc. Nous devons maintenant porter un message de filière, plutôt que d’en parler au fil de nos investissements.

Bertin Nahum : Lorsque j’ai vendu ma précédente société (Medtech, reprise en 2016 par l’américain Zimmer Biomet, NDLR), je savais qu’il existait un vrai plan de pérennisation de l’activité. Nous avons maintenu de bonnes relations entre nous, au-delà de notre développement respectif. C’est important, car nous avons su créer, dans la continuité du développement territorial engagé autour de l’innovation, une activité industrielle, une véritable filière avec 300 emplois directs. C’est évident pour nous, mais peut-être pas pour les autres acteurs économiques. La réindustrialisation dont tout le monde parle passe par notre capacité à créer des emplois à fort contenu innovant.

Vos deux entreprises sont les locomotives incontestables de ce mouvement, mais qu’en est-il des autres entreprises ? La filière que vous évoquez a-t-elle une vraie masse critique ?

Bertin Nahum : Les locomotives ont un rôle à jouer car dans leur sillon, d’autres initiatives vont se développer, comme la nouvelle start-up AcuSurgical (créatrice de robots pour la micro-chirurgie rétinienne, en cours de levée de fonds, NDLR). Il faut considérer l’effet boule de neige que créera cette filière. Elle nous donnera une visibilité internationale pour attirer de nouveaux talents. Elle pourra intéresser nos partenaires industriels en France et à l’étranger, comme notre sous-traitant Staübli, une entreprise savoyarde qui emploie 1 400 personnes. Elle aura un impact positif sur toute l’économie, comme quand Zimmer Biomet Robotics construit un nouveau bâtiment de 5 000 m2 (inauguration prévue en septembre 2021, NDLR), qui fait travailler les entreprises de construction locales...

"Les locomotives ont un rôle à jouer car dans leur sillon, d’autres initiatives vont se développer"

Le nouveau maire de Montpellier et président de la Métropole, Michael Delafosse, porte un projet de « Med Vallée » : une nouvelle zone d’activités, au nord de la ville, dédiée à la recherche et aux entreprises de la santé. Quels espoirs y placez-vous ?

Marie-Anne Péchinot : On s’inscrit totalement dans ce projet. Il y a une spécificité géographique mais plus qu’un lieu, ce sera une initiative appelée à rayonner au-delà du parc d’activités. Le maire Michael Delafosse, la vice-présidente de la Métropole Hind Emad (en charge du développement économique, NDLR) et le directeur de la nouvelle agence économique Alex Larue nous connaissent et savent que nous sommes des entreprises matures. Nous serons disponibles pour être les locomotives dont nous parlions, au service de cette nouvelle dynamique médicale.

Bertin Nahum : Med Vallée prendra du temps. Mais si on veut faire rayonner cette filière au delà de Montpellier, il faut s’appuyer sur des éléments de visibilité tout de suite, et dépasser les incantations.

Une nouvelle filière suppose d’avoir un modèle concurrentiel face à vos nombreux rivaux. Comment vous y prendrez-vous ?

Bertin Nahum : Ces initiatives ne peuvent s’inscrire que dans la valeur ajoutée, donc dans l’innovation. Lutter contre les fabricants chinois pour la production de masques sera très difficile économiquement. En revanche, parce que la France investit depuis longtemps sur sa formation, nous avons la créativité, la capacité à créer les emplois de demain. J’ajoute que cette filière doit être construite d’abord avec les acteurs de terrain. Il existe un pôle de compétitivité sur la robotique à Strasbourg, mais l’industrie que nous avons créée à Montpellier est plus riche en emplois et plus forte en visibilité que cette initiative « top down », venue des décideurs uniquement. Il faut donc une approche « bottom up », venue des acteurs de terrain. Bien sûr, nous n’allons pas nous substituer aux décideurs. L’intelligence de la Métropole est d’abord d’identifier les atouts présents sur son territoire, et ils sont nombreux : la faculté de médecine, le CHU de Montpellier, les industriels du secteur, etc. Il lui revient ensuite de les accompagner.

Quelles initiatives voulez-vous déclencher ? Attirer des grands groupes ou sous-traitants, des investisseurs ?

Marie-Anne Péchinot : Notre exemple prouve que c’est possible. Quand un acquéreur de la taille de Zimmer Biomet investit massivement sur le territoire, c’est positif. Mais il est tout aussi intéressant de voir quelles activités on peut mettre en parallèle. Par exemple, Zimmer Robotics est la seule entité du groupe à produire tous ses robots sur place. Pour mieux répartir cette production, et parce que nous voulons récupérer de la capacité à développer de nouvelles applications, nous allons faire davantage de « dual manufacturing » en nous appuyant sur des sous-traitants en France et en Espagne. Cela prouve qu’il est possible d’attirer à nous des entreprises de sous-traitance spécialisées dans l’assemblage, le câblage, la connectique, etc. voire de les inciter à s’installer à Montpellier. Nous les aiderons ensuite à faire de gros volumes.

Bertin Nahum : Le capital-investissement reste toujours un sujet compliqué en France, et il ne sera pas résolu sur le plan local. En revanche, la dimension partenariale est beaucoup plus à notre portée. Cette filière doit aussi aider les start-up à trouver des partenaires et à vendre leur première machine. Je rêve d’une situation où nous créerions une plate-forme qui servirait, tout à la fois, de vitrine pour les produits fabriqués par les industriels du territoire mais aussi pour les premières références signées par nos jeunes entreprises.

"Il est possible d’attirer à nous des entreprises de sous-traitance, voire de les inciter à s’installer"

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