Les franchisés Carrefour se rebiffent contre leur enseigne
# Distribution # Juridique

Les franchisés Carrefour se rebiffent contre leur enseigne

S'abonner

C’est le combat de David contre Goliath. L’Association des franchisés Carrefour, qui regroupe 200 commerces de proximité partout en France, attaque son franchiseur et multinationale pour dénoncer une relation contractuelle qui desservirait les adhérents. Le tribunal de commerce de Rennes recevra son assignation le 18 janvier. Ce même jour, des petits gérants de toute la France prévoient de se réunir dans la capitale bretonne pour montrer leur unité et défendre leurs droits.

Anthony Thébaud, secrétaire de l’Association des franchisés Carrefour (AFC) et gérant d’un Carrefour City dans le centre de Rennes — Photo : Baptiste Coupin

Le numéro un français et européen de la grande distribution, le groupe Carrefour (90 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, 346 000 employés), va devoir répondre de ses méthodes de gestion de ses magasins de proximité en franchise (Carrefour City, Carrefour Express, Carrefour Contact…) devant la justice. Après une médiation avec la direction de Carrefour en décembre 2023 jugée "infructueuse", l’Association des franchisés Carrefour (AFC), créée en 2020 et qui regroupe 200 adhérents, franchit en effet le Rubicon : elle attaque son franchiseur. L’assignation sera portée le 18 janvier devant le tribunal de commerce de Rennes. À cette occasion, 100 gérants de magasins franchisés Carrefour de toute la France (Nice, Lille, Paris…) monteront dans la capitale bretonne pour exprimer leur ras-le-bol et défendre leurs droits. Beaucoup viendront de la région ouest. C’est la première fois qu’un collectif de franchisés assigne la multinationale.

"Plus rien à perdre"

"C’est regrettable d’en arriver là mais nous n’avons plus rien à perdre", souffle Anthony Thébaud, 34 ans, secrétaire de l’ACF et gérant d’un Carrefour City dans le centre de Rennes. L’assignation porte sur différents points de désaccords qui desserviraient les franchisés. Le collectif pointe "le montage contractuel imposé ; le déséquilibre entre les droits et les obligations de chaque partie ; l’absence de rentabilité économique du franchisé ; le détournement de la franchise participative (modèle dans lequel Carrefour détient une partie du capital de la société franchisée et une minorité de blocage, NDLR) ; une impossibilité de sortie du réseau". Anthony Thébaud met en avant sa situation personnelle. Ce petit patron exploite depuis 2018 un magasin de 300 m², qui compte 15 collaborateurs et génère un chiffre d’affaires annuel de 4 millions d’euros. Il arrive à faire des résultats, grâce à une gestion qualifiée de "rigoureuse". Mais les griefs contre l’enseigne ne manquent pas. "Dans nos marges d’exploitation, on est moins disant de plus de 5 points par rapport à nos concurrents. Ça pose un vrai problème rentabilité", exprime notamment le chef d’entreprise. Il déplore aussi les retards nombreux ou livraisons incomplètes de son fournisseur, qui lui est imposé par Carrefour. Ou encore l’impossibilité de révision de son loyer alors même qu’un autre magasin Carrefour ouvre à quelques centaines de mètres de son commerce… sans qu’il ait son mot à dire.

Attente de reconnaissance

"Depuis 2017-2018 et la mise en place de la politique d’Alexandre Bompard (PDG de Carrefour, NDLR), la relation est devenue asymétrique. Toutes les économies faites vont au profit du groupe", déplore le commerçant. Les conditions contractuelles de Carrefour mettraient à mal un grand nombre de franchisés. Anthony Thébaud évoque des situations de trésorerie tendues chez plusieurs de ses confrères. L’AFC attend une forme de reconnaissance de la part des juges sur "l’urgence et le malaise des franchisés". Un procès, si la procédure va à son terme, pourrait durer des années.

Rennes France # Distribution # Juridique # PME