Le véhicule électrique s’installe dans les usines françaises mais ne convainc pas la filière
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Le véhicule électrique s’installe dans les usines françaises mais ne convainc pas la filière

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Le virage électrique du secteur automobile ne fait pas que des heureux. Si les constructeurs français promettent de produire une dizaine de modèles sur le sol national, certaines voix importantes s’élèvent, au sein de la filière, pour attaquer vertement le choix de cette technologie. Et les risques qu’elle fait porter à toute l’industrie européenne.

L’usine Stellantis de Mulhouse va produire trois modèles électriques supplémentaires, a annoncé le patron du groupe, le 17 octobre. Ce qui n’empêche pas Carlos Tavares de se montrer très critique sur le choix de cette technologie par l’Union européenne — Photo : © PSA Peugeot

Le véhicule électrique trace sa route dans l’Hexagone et redonne des couleurs à l’industrie made in France. Et pourtant, la filière nationale pas vraiment le cœur à la fête. C’est dans cette drôle d’ambiance douce-amère que s’est ouvert, le 17 octobre, le Mondial de l’Automobile de Paris, le premier depuis quatre ans.

Après Renault, Stellantis s’engage sur le made in France électrique

L’événement avait pourtant démarré sur les chapeaux de roues. Le groupe Stellantis y a annoncé d’emblée un doublement du nombre de modèles à batterie fabriqués dans ses usines françaises. Ils passeront de 6 à 12 "à très brève échéance", a promis son patron Carlos Tavares. Principaux bénéficiaires : les sites de Mulhouse (qui décrochent 3 voitures dans le lot), Sochaux (2) et Rennes (1). "Tous nos sites industriels ont maintenant devant eux un avenir qui est clair et la technologie nécessaire pour faire face à la concurrence", a voulu rassurer le directeur général, devant Emmanuel Macron.

De quoi réjouir le président de la République : il souhaite atteindre les 2 millions de voitures électriques fabriquées sur le sol national d’ici à 2030, avec une étape fixée à 1 million en 2027. "On est en train de crédibiliser cette trajectoire", s’est-il réjoui. D’autant que le groupe Renault n’est pas en reste, avec des engagements similaires. Un exercice de répartition de ses futures productions, auquel il s’était livré dès décembre. Dix mois avant Stellantis donc.

Le choix de l’électrique, "un abandon de souveraineté" ?

Faut-il voir dans les annonces tardives de Stellantis le signe d’un manque d’entrain de la part du constructeur de Peugeot et Citroën pour se convertir à l’électrique ? Depuis 24 heures en tout cas, Carlos Tavares se répand dans les médias pour étaler ses griefs contre cette technologie "qui nous a été imposée". Il n’est pas le seul : dans son discours d’ouverture du sommet international "Paris Automotive", le 18 octobre, le président de la Plateforme automobile (PFA) Luc Chatel a également lâché ses coups.

Dans leur collimateur, la décision de l’Union européenne d’interdire à la vente les véhicules thermiques neufs en 2035. Ce qui équivaut de fait à imposer peu à peu la batterie électrique à tous. "Cela s’appelle un abandon de souveraineté […], un désarmement unilatéral", a fustigé Luc Chatel à la tribune. "C’est sans doute la première fois dans l’histoire qu’un continent qui maîtrise parfaitement une technologie […] décide d’y renoncer."

Les constructeurs chinois en embuscade

Pour les deux dirigeants, cette transition vers l’électrique à marche forcée pose au moins trois grands défis. D’abord celui de la compétitivité, avec toute une chaîne de valeur à créer autour des batteries, de l’amont à sécuriser (approvisionnement en métaux rares) à l’aval à construire (installation de méga-usines, dont trois sont en projet en France). Sans oublier les effets potentiels sur l’emploi. La filière a déjà perdu 50 000 postes en cinq ans et 65 000 autres pourraient encore disparaître, selon les données de la PFA. Mais, 75 000 projets de recrutement ont aussi été recensés en 2022, entre autres pour répondre aux besoins de nouvelles compétences dans les usines.

Pour ne rien arranger à cette équation économique, "l’Union européenne a déroulé un tapis rouge devant les constructeurs chinois", a fustigé Carlos Tavares, sur France Info. Référence aux "conditions de mise en concurrence bien plus favorables" sur le Vieux-Continent que celles imposées par Pékin : "Vous avez 10 % [de taxes] pour rentrer en Europe, mais 25 % pour aller sur le marché chinois." Un déséquilibre susceptible de renchérir le prix des voitures européennes, alors même que la technologie électrique "coûte 40 à 50 % plus cher que la conventionnelle", assène Carlos Tavares.

Le prix des voitures et le manque de bornes en question

C’est le deuxième problème soulevé par la filière : l’accessibilité de ces nouveaux véhicules. Un enjeu que les pouvoirs publics ont, semble-t-il, bel et bien intégré. En témoignent les récentes annonces d’Emmanuel Macron sur le soutien prolongé de l’État à la demande (bonus écologique, futur leasing à 100 euros par mois…).

Reste un troisième écueil sur lequel les gouvernements semblent, au contraire, buter : celui de la faisabilité du tout-électrique. Pour Carlos Tavares, l’Europe a mis la charrue avant les bœufs. Autrement dit, elle pousse sur les routes des voitures électriques, avant d’y avoir installé des points de recharge en nombre suffisant. Selon l’Association des constructeurs européens (ACEA), deux pays (Pays Bas et Allemagne) concentrent ainsi, à eux seuls, près de la moitié des bornes de l’UE. Et, pour atteindre les objectifs de l’UE en matière de réduction des émissions de CO2 en 2030, il faudrait en installer 14 000 par semaine. Sept fois plus que le rythme atteint en début d’année.

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