« Le prêt à porter est un marché extrêmement chahuté car nos clients se sont désindustrialisés, annonce Raphaël Laval, directeur général d’AJ Biais (10,7 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 ; 120 salariés). Ils créent des marques mais ne fabriquent plus. Et comme ils ne possèdent plus leur outil industriel, il devient de plus en plus difficile de les suivre. À cela s’ajoute le fait que l’on ne fait pas la mode, on la subit ! »
Pour s’affranchir de l’effet de mode et limiter sa dépendance à l’univers du vêtement, qui représente aujourd’hui encore 55 % de son chiffre d’affaires, le fabricant stéphanois de bordure textile en biais (bande de tissu coupé à 45° du tissu puis plié en son milieu) pour le prêt à porter, le linge de maison, l’industrie (médical, siège, EPI…) et les loisirs créatifs, mise désormais sur les textiles techniques. Dans cette optique, l’entreprise, issue de la fusion-absorption en 2007 de Jabouley-Biais et Alpha-Biais, s’est associée à l’entreprise savoyarde Sasytex pour mettre au point un biais technique innovant : le ruban en biais Cordura®.
« À l’origine, le Cordura® est une fibre très résistante à l’abrasion que l’on retrouve dans les gilets pare-balles. Le problème, c’est que les bordures de ces gilets, réalisées à partir de rubans de qualités inférieures, sont beaucoup moins résistantes. Nous avons donc eu l’idée de faire un biais en Cordura® », explique Guillaume Jabouley, directeur industriel du site stéphanois d’AJ Biais.
200 000 € d’investissements
Pour réussir cette prouesse technologique et devenir « la seule entreprise en Europe à fabriquer un Cordura® en biais », la PME ligérienne s’est donc rapprochée de Sasytex « qui a l’habitude de travailler cette matière » et s’est fait labellisée par le groupe Invista, émanation de l’américain Du Pont de Nemours, qui détient les droits commerciaux de la marque.
AJ Biais a aussi et surtout investi près de 200 000 € pour mettre au point une machine qui permet de réaliser un Cordura® en biais sans altérer ses propriétés. « Historiquement, nos savoir-faire sont liés à la machine à coudre. Mais la machine à coudre a pour inconvénient d’avoir une aiguille qui fait des trous dans le textile et donc le fragilise. Nous sommes donc partis sur une technologie de soudure pour ne pas détériorer le textile. Cette technologie existait déjà mais nous l’avons adaptée pour l’utiliser à 45° pour faire du biais », développe Raphaël Laval.
15 M€ de CA sous 5 ans
Si avec cette innovation, AJ Biais cible le marché du militaire et des équipements de protection individuelle (EPI), d’autres débouchés pourraient rapidement se faire jour. « Nous sommes dans l’attente d’une version plus aboutie de notre machine pour le premier semestre 2020 et nous travaillons déjà sur des bordures en biais résistantes au feu pour les équipements des pompiers. Nous avons aussi un projet pour le second semestre 2020 sur de la fonctionnalisation du textile avec une bordure en biais qui pourrait conduire la lumière, un courant ou réagir à des températures élevées ou basses », confie Raphäel Laval. Autant de diversifications sur lesquelles le directeur d’AJ Biais compte pour « atteindre les 15 millions d’euros de chiffre d’affaires à horizon 2025 et retrouver ainsi notre niveau d’avant la crise de 2008 ».