Fabriquer de nouvelles fenêtres avec de vieilles fenêtres. C’est le projet que développe le groupe vosgien Pando, en créant une boucle d’économie circulaire avec ses menuiseries PVC. Filiale du groupe Pando, l’ETI Les Zelles, basée à La Bresse dans les Vosges, fabrique et installe avec 500 salariés près de 200 000 fenêtres par an pour un chiffre d’affaires de 123 millions d’euros en 2022.
"Nous sommes devenus une entreprise à mission en 2021", rappelle Laurent Demasles, président du groupe Pando. "Cela nous a amenés naturellement à nous interroger sur notre impact environnemental." Produisant à une large majorité des fenêtres en PVC, matière issue de ressources fossiles, les dirigeants de la maison mère des Zelles "cherchent à s’inscrire dans une boucle d’économie circulaire", détaille le président du groupe.
Jusqu’à 80 % de la matière pourra être recyclée
Première option : investir très lourdement et construire une unité de recyclage des fenêtres déposées sur les chantiers entièrement automatisée. "Une option qui présente de nombreux inconvénients, notamment celui d’atteindre des niveaux de recyclage de seulement 50 %", précise Bernard Duhamel, responsable de l’entité dédié au recyclage du groupe Pando, appelée Pando Recyclage. L’option retenue sera celle du travail manuel, en se rapprochant d’une association travaillant dans l’insertion. À la clé, la possibilité de recycler jusqu’à 80 % de la matière reçue et de créer des emplois : "Nous connaissions déjà Aithex, l’opérateur retenu, puisque leurs équipes sont chargées du recyclage de nos palettes", souligne Laurent Demasles.
Basée à Saint-Amé, dans les Vosges, l’association Aithex travaille déjà dans le recyclage du carton, du plastique ou encore des palettes avec une cinquantaine de salariés. Pour répondre au besoin du groupe Pando, Sylvaine Jung, la directrice d’Aithex, va créer Bati-Circul’R, une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 5 000 €, installée dans une cellule de 500 m2 à Rupt-sur-Moselle.
Vers une couverture nationale
Là, cinq salariés commencent, dès janvier 2023, à démanteler des fenêtres PVC, pour comprendre les enjeux et monter progressivement en cadence. "Nous avons investi 200 000 € pour lancer l’activité", précise Sylvaine Jung, qui attend encore, pour la mi-octobre, l’arrivée d’un deuxième broyeur capable de déchiqueter les profils en PVC pour en faire de petits confettis. Le verre reste pour l’instant un problème, car dangereux à briser. "Notre objectif est d’arriver à traiter 500 tonnes de PVC par an, avec une dizaine de salariés", détaille la directrice d’Aithex.
Ce modèle de centre de démantèlement opérant à l’échelle d’une région, Pando Recyclage l’a dupliqué à Saint-Victoret, dans le Sud et Aniche, dans le Nord. Ces trois sites ont déjà permis de démanteler un total de 300 tonnes de menuiseries, générant ainsi plus de 6 000 heures de travail en insertion. "Nous avons déjà commencé à collecter des fenêtres autour de Lyon et nous lancerons un centre de démantèlement en région parisienne en septembre. Ensuite, viendra la région de Bordeaux", détaille Bernard Duhamel, qui compte couvrir l’essentiel du territoire national dès la fin de l’année.
"Nous avons choisi ce modèle car l’objectif était de créer un modèle durable", insiste Laurent Demasles. "L’idée n’est pas que de créer de la valeur financière, mais aussi de pouvoir créer de la valeur dans les territoires où nous travaillons, en créant des emplois."
À plein régime, les trois premiers centres de démantèlement devraient collecter près de 2 000 tonnes de PVC, qui seront d’abord traitées pour en corriger la couleur et lui redonner une formulation chimique quasiment identique à celle d’un PVC neuf, issu du pétrole. Ensuite, les billes de PVC recyclé seront expédiées sur le site du groupe allemand Rehau de Morhange en Moselle (CA 2021 : 104 M€ ; 120 salariés), pour fabriquer des profilés, destinés par la suite à alimenter l’usine vosgienne des Zelles.
5 millions d’euros d’investissement chez Rehau
"Des fenêtres en fin de vie vont donc redevenir des fenêtres", se félicite Bruno Bednarczyk, directeur chez Rehau de la division fenêtre pour la France et le Maghreb. Mais le PVC recyclé ne peut pas être utilisé sur les machines actuelles de Rehau. Un investissement de près de 5 millions d’euros a été nécessaire, porté largement par le groupe Pando, pour installer une machine capable d’extruder des profilés à partir de PVC recyclé.
"En réalité, il s’agit de deux machines", précise Bruno Bednarczyk. "Une première qui vient créer le profilé et une deuxième qui vient déposer une très fine couche de PVC vierge." Une contrainte imposée par la norme, qui exige que la surface des profilés PVC soit constituée de PVC non recyclé. "Mais nous sommes très proches d’une fenêtre 100 % recyclée", insiste Bruno Bednarczyk.
Par rapport à une fenêtre en PVC classique, qui émet 70 kg d’équivalent CO2 par mètre carré produit, la fenêtre issue de la boucle d’économie circulaire mise en place par le groupe Pando émet 30 % en moins. "Pour un prix supérieur de quelques pourcents", dévoile Bernard Duhamel. "Mais à l’échelle d’un bâtiment entier, c’est un surcoût tout à fait négligeable. Pourtant, les donneurs d’ordres sont encore concentrés sur la question du prix." A l’avenir, le responsable de Pando Recyclage espère voir arriver des obligations légales qui l’aideront à imposer la fenêtre recyclée.
