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L'Alsace renforce ses liens avec la start-up nation israélienne
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L'Alsace renforce ses liens avec la start-up nation israélienne

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Après s'être apprivoisés par l'intermédiaire de missions économiques de prospection, l'Alsace et Israël entament un rapprochement dans le domaine du transfert technologique et de l'émergence de start-up. Déjà marqué dans le domaine des biotechnologies, ce phénomène pourrait se propager à d'autres secteurs économiques.

En Israël et en Alsace, divers acteurs contribuent à faire émerger une dynamique d’intelligence collective, de fertilisation croisée et d’innovation, déjà particulièrement avancée dans le domaine du médical. — Photo : Lucie Dupin

Fin novembre dernier, le Technion, l’Institut de technologies de Haïfa, pierre angulaire de la start-up nation israélienne, organisait un premier séminaire à Strasbourg. Intitulé « Better food for better life », l’événement organisé avec la French Tech Alsace s’était donné pour mission de faire la lumière sur les enjeux technologiques et éthiques de l’alimentation de demain, sous le prisme notamment de start-up remarquables, telles que l’israélien Kiinns et les alsaciens Cuisine Aventure et Tokenstock. « Nous partageons avec le Technion différents intérêts dont celui des technologies médicales, mais aussi dans le domaine spatial ou encore les mobilités et l’industrie », confie Catherine Trautmann, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de la stratégie économique.

Des liens renforcés ?

De par la présence historique d’une forte communauté juive en Alsace et à Strasbourg, l’existence de liens forts, culturels, religieux et économiques entre le territoire et Israël n’est pas un phénomène nouveau. Ces liens semblent cependant se renforcer dans un certain nombre de domaines, biomédical en tête. La mise en place de vols directs entre Strasbourg et Tel-Aviv à partir de ce printemps par les compagnies israéliennes Arkia et Israir constitue en soi un signal.

Israël reste toutefois un petit partenaire commercial. En 2015, selon les chiffres des douanes, les volumes d’exportations alsaciennes vers Israël étaient de 75 millions d’euros. L’importation représentait, quant à elles, 30 millions d’euros. La même année, le total des exportations alsaciennes s’élevait à 30 milliards d’euros. La chimie, le pharmaceutique et les machines et équipements étant les principaux secteurs concernés par ces échanges.

Des connexions dans le secteur médical

« On estime que 150 à 200 entreprises alsaciennes commercent avec Israël, indique Jean-Pierre Foltzer, conseiller échanges commerciaux auprès du consulat d’Israël à Strasbourg. Les échanges commerciaux sont certes quantifiables. En revanche, ce n’est pas le cas des échanges universitaires et intellectuels, nombreux ». « Il y a déjà beaucoup de coopérations bilatérales mais les chercheurs sont assez secrets et il est difficile d’identifier les collaborations », complète Guy Borg, correspondant Grand Est de Technion France.

En Israël, l’excellence de l’innovation, du transfert technologique favorisant l’émergence de nombreuses start-up ainsi que la capacité à lever des fonds sur des montants beaucoup plus conséquents qu’en France sont observés à la loupe par les acteurs économiques alsaciens. Le territoire a de son côté un certain nombre d’atouts à valoriser. L’usine école Ease ou encore le projet d’accélérateur d’électrons Rhodotron porté par Aerial, sont autant de points forts qui ont fait forte impression auprès de la délégation israélienne lors de son séjour fin novembre.

À l’image de cette initiative, divers acteurs des deux territoires contribuent à faire émerger une dynamique d’intelligence collective, de fertilisation croisée et d’innovation, déjà particulièrement avancée dans le domaine du médical. « L’excellence de l’innovation et la qualité de la R & D, de part et d’autre, représentent une vraie opportunité de se distinguer, notamment sur les thématiques de la robotique médicale et des cellules souches », indique Guillaume Facchi, coordinateur des programmes stratégiques au sein du Pôle de compétitivité Biovalley France.

Israël est l'un des marchés prioritaires de l’Eurométropole

Dans sa volonté de faire rayonner Strasbourg à l’international, l’Eurométropole a ciblé parmi ses marchés prioritaires le Canada, le Japon et Israël. Depuis plusieurs années, une délégation d’Alsaciens - élus de l’Eurométropole, salariés de Biovalley ou encore de l’Adira mais aussi des chefs d’entreprise – participe à la mission annuelle organisée par le Technion et Business France à Tel-Aviv et Haïfa, à la découverte de cette université qui contribue à faire rayonner l’écosystème de l’innovation israélien. « On a vu l’organisation locale, les problématiques et technologies communes, pour imaginer comment mieux travailler ensemble, l’idée étant de créer des projets innovants entre le Grand Est et Israël », souligne Guillaume Facchi. Un enthousiasme un peu tempéré par Jean-Pierre Foltzer : « Pour les décideurs institutionnels alsaciens, Israël n’est pas toujours un marché prioritaire. Le consulat a ainsi un rôle d’impulsion ».

Labellisée French Tech sur la thématique des Medtechs, l’agglomération strasbourgeoise dispose d’un terreau propice, entre le parc d’innovation d’Illkirch et le campus Medtech développé sur le site de l’hôpital civil, structurés par des pépinières (PH8, Biocluster des Haras et Ircad 2), un accélérateur (Semia) et des acteurs tels que le pôle de compétitivité Biovalley ou la SATT Conectus. « L’agence d’innovation pourrait mieux se plugger à Israël pour faire venir l’innovation du Technion dans nos entreprises », ambitionne Lilla Merabet, vice-présidente de la Région Grand Est, en charge de la compétitivité, de l’innovation et du numérique.

Quelques initiatives se concrétisent déjà. « Plusieurs entreprises israéliennes ont ouvert des filiales en Alsace, à l’instar de Nanosynex », indique Guillaume Facchi. Fruit du travail de recherche d’un professeur du Technion, leur innovation, des tests de diagnostic rapide qui utilisent des techniques microfluidiques, a été accélérée en Israël et une filiale est aujourd’hui hébergée au Semia. L’entreprise a par ailleurs noué un partenariat avec la biotech alsacienne Biosynex. Galien Santé a aussi fait le choix de l’Alsace, par l’entremise de l’Agence d’attractivité de l’Alsace. La société développe un carnet de santé numérique. Dan Benarama, son cofondateur, a prospecté depuis Israël le potentiel de développement de son application. « Israël est un pays jeune et son système de santé est déjà très numérisé, explique l’entrepreneur. Notre choix s’est porté sur l’Alsace pour l’implantation de notre start-up car nous y sommes entourés d’un écosystème dans le domaine de la santé, notamment à travers Biovalley France ».

Strasbourg rêve d’une implantation du Technion

Selon Marco Pintore, directeur général de Biovalley, l’association de la rigueur alsacienne – point d’ancrage intéressant pour toucher l’ensemble du marché européen - et du pragmatisme israélien, « qui se donne les capacités d’aller très vite au résultat », avec des capacités à lever des fonds beaucoup plus rapidement et sur de plus gros tickets qu’en France, pourrait faire merveille dans le domaine du médical.

C’est pourquoi celui-ci milite, aux côtés notamment de l’Université de Strasbourg mais aussi de l’Eurométropole, pour l’implantation d’une antenne du Technion à Strasbourg, comme l’université israélienne l’a déjà fait aux États-Unis et en Chine. Un premier pas en ce sens a été fait par la signature d’une convention de partenariat entre le Technion et l’Université de Strasbourg – plus particulièrement l’école Télécom physique Strasbourg – fin novembre dernier.

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