La France passe au vert
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La France passe au vert

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Du gouvernement français aux fonds de pension internationaux, l'environnement s'impose peu à peu comme un enjeu majeur dans le débat public, voire même un critère déterminant pour la prise de décision. Mais les impératifs économiques, les réalités politiques et les tensions internationales pourraient contrarier cet élan vert.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Réjouissons-nous, l’écologie est désormais une priorité nationale, au même titre que l’emploi et la sécurité. Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe a en effet fortement verdi la politique du gouvernement. Fini le temps du développement économique effréné et du plastique jetable. Il faut désormais prendre soin de la planète. S’il a rappelé qu’il n’était pas non plus devenu un chantre de la décroissance, le premier ministre a promis que l’écologie serait désormais au centre de toutes les politiques publiques.

Faut-il croire à un vrai virage, moins d’un an après la spectaculaire démission de Nicolas Hulot ? Ou ne serait-ce qu’une habile manœuvre politique destinée à mieux couper l’herbe sous le pied de l'écologiste Yannick Jadot ? L’avenir le dira et il faudra juger Edouard Philippe sur ses actes.

L'écologie, un calcul économique

Ce qui est certain, c’est que ce nouveau cap écologique va dans le sens de l’Histoire. Car même les terribles fonds de pensions, ceux-là qu’on accusait de vouloir fermer une à une toutes les usines françaises, demandent aujourd’hui des comptes aux entreprises les moins vertueuses. Ainsi, l’organisation internationale CDP, qui représente des investisseurs pesant près de 10 000 milliards de dollars d’actifs, vient de pointer du doigt plus de 700 entreprises mondiales – dont une trentaine de françaises – accusées de ne pas donner suffisamment d’informations sur leur impact en matière de climat, de déforestation et de préservation de l’eau.

Dans ces conditions, une entreprise a tout intérêt à verdir ses process. Ce n’est même plus une question d’engagement éthique ou de volonté de sauver le monde. Cela devient juste un simple calcul économique.

Des réalités complexes

Mais le monde est complexe. Ces dernières années, la plupart des politiques publiques « vertes » se sont prises les pieds le tapis. L’écotaxe est morte-née sous la pression de la rue ; la filière photovoltaïque française s’est dégonflée comme un ballon de baudruche au fur et à mesure de la baisse des subsides publics ; et l’éolien marin prend son temps pour émerger.

Aux tergiversations franco-françaises, s’ajoute l’impitoyable compétition internationale. Car la carte verte, y compris aux Etats-Unis, n’offre aucune garantie de succès. Dix fleuves d’Asie et d’Afrique sont responsables de 90% de la pollution plastique des océans. C’est dire si tous les industriels de la planète ne se sont pas aussi vite convertis à l’écologie qu’Edouard Philippe. Il faut composer avec d’autres visions du monde, avec ce « capitalisme devenu fou » qu’a dénoncé Emmanuel Macron devant l’Organisation internationale du travail, à Genève. Verdir tout en restant compétitif et ce, dans une période où les tensions commerciales et géopolitiques se multiplient. Pas simple.

Le salut par les Millenials ?

Heureusement, les Millennials sont là ! La plupart des études marketing les érigent en porte-étendard d’un nouveau monde, teinté de justice sociale et de consommation responsable. La jeune génération n’aurait même pas besoin de se convertir à l’écologie, car celle-ci fait presque partie de leur ADN. Dommage que ces Millennials soient autant accros à des smartphones truffés de métaux rares et affichant des conditions de fabrication à faire pâlir d’effroi les mineurs du XIXe siècle. Le monde n’en est plus à un paradoxe près…

Ce billet a été publié dans Le Journal des Entreprises n°384, Juillet-août 2019.

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