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La durabilité, le nouveau défi des commissaires aux comptes
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La durabilité, le nouveau défi des commissaires aux comptes

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Les commissaires aux comptes se préparent à la mission nouvelle qu’impliqueront les audits de durabilité, issus de la directive CSRD. Ce "moment historique" bouleverse la profession, qui se met en ordre de marche, en même temps que les entreprises.

Yannick Ollivier, président de la CNCC, et de Fiteco, basé à Laval — Photo : Rémi Hagel

L’application progressive à partir de l’exercice 2024 des audits de durabilité, issus de la directive européenne CSRD, est vécue comme "un moment historique" par la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC). Historique, car la profession a obtenu cette nouvelle mission de certification des reporting de durabilité des entreprises, ce qu’elle voit comme "une reconnaissance". Un nombre croissant d’entreprises va en effet devoir publier des informations détaillées sur leurs performances RSE en réalisant un bilan extra-financier (comprenant les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance). 50 000 nouvelles entreprises européennes seraient concernées par cette directive qui entre en vigueur en 2024.

Cette nouvelle mission place les commissaires aux comptes au pied d’un mur complexe à franchir, car portant sur un univers nouveau, voire inconnu, et dans un délai resserré. Les enjeux de durabilité devenant une priorité pour la société entière, les entreprises, les banques, "cela emporte toute la profession vers un champ entier, ce n’est pas uniquement une mission", insiste Yannick Ollivier, le président de la CNCC. "Demain, la durabilité sera au cœur des préoccupations de nos clients, mais aussi des PME pas concernées par la CSRD".

L’enjeu de la formation

La CNCC a relevé trois enjeux, auxquels elle consacrera la 34e édition de ses Assises nationales qui se déroulent les 7 et 8 décembre à Paris : l’attractivité, les ressources et les compétences. Car il va falloir former et recruter. Pour former les commissaires en exercice aux problématiques ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), la profession va ouvrir à la mi-décembre les inscriptions à la formation de 90 heures (visa durabilité), nécessaire pour être nominé en tant qu’auditeur.

Mais puisque l’avenir s’écrira avec les jeunes, à recruter, les efforts ont aussi été menés sur la formation initiale : l’École française de formation à l’audit a accueilli sa première promotion en octobre 2023. Le Certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes (Cafcac) existant n’est pas un diplôme universitaire et n’est pas dédié à l’audit. Or, la profession fait le pari que certains étudiants, issus d’autres filières (ingénieur, juridique, économie, environnement…) pourront être intéressés par le métier d’audit, sans pour autant vouloir devenir commissaire. Une fois le pied à l’étrier, ils pourraient y prendre goût. "Nous leur créons un chemin. La confiance se gagne", commente Philippe Vincent, co-rapporteur du dossier à la CNCC.

La durabilité peut attirer les jeunes

Ce chemin détourné part du constat que le métier n’attire pas. "Un enfant de 8 ans ne dira jamais : je veux devenir auditeur légal…" L’image d’un métier vieillissant et terne lui colle à la peau. "Ce n’est pas du tout le cas ! Le métier se bouge, se féminise", plaide Anne-Laure Chevalier, autre co-rapporteure. La profession cherche à séduire, notamment par des campagnes de communication. Et désormais, "la CSRD doit permettre d’attirer plus de jeunes, dont la sensibilité aux enjeux sociétaux est forte".

L’accès aux ressources impliquera une relation forte avec les entreprises. "Sur la durabilité, nous sommes dans le même bain". La préparation des commissaires aux comptes est "l’arbre qui cache la forêt", prévient Philippe Vincent. Car l’audit porte sur un reporting réalisé par l’entreprise. "Le challenge sera de réussir la qualité du reporting", c’est-à-dire, pour l’entreprise de collecter l’ensemble des informations, sans frais excessifs. "Pour les ETI, le gap va être énorme entre hier et demain, entre la DPEF (la Déclaration de performance extra-financière, NDLR) et le CSRD. Nous devons aborder la durabilité avec humilité. Ce sera une démarche de progrès, qui ne se fera pas du jour au lendemain".

L’exercice est d’autant plus incertain que les perspectives sont encore floues. "Il y aurait 5 000 à 6 000 entreprises concernées, mais nous manquons encore d’éléments pour dire ce que sera le marché de la durabilité demain", admet Yannick Ollivier. "Nous allons apprendre en marchant".

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