Occitanie
"Les PME sont indirectement concernées par la CSRD"
Interview Occitanie # RSE

Laure Mulin présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) de Toulouse "Les PME sont indirectement concernées par la CSRD"

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La directive européenne CSRD, visant à homogénéiser et standardiser les reporting extra-financiers des grandes entreprises, est transposée en droit français depuis le 1er janvier 2024. Ses effets sont nombreux, y compris pour les PME qui n’entrent pas directement dans son champ d’application. Laure Mulin, présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) de Toulouse s’en explique.

Laure Mulin, présidente de la CRCC de Toulouse — Photo : CRCC de Toulouse

Depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne CSRD (corporate sustainability reporting directive) est transposée en droit français. Quel changement cela induit-il ?

La CSRD vient réviser une directive précédente, la NFRD (non financial reporting directive). L’application de la NFRD en droit français conduisait à l’obligation de déclaration de performance extra-financière (DPEF), qui devait être établie par des entreprises d’une certaine taille (plus de 500 salariés et 100 M€ de CA). La CSRD, elle, va requérir des entreprises dépassant certains seuils, et encourager celles qui ne sont pas encore concernées, de publier un rapport de durabilité traduisant leur politique et leur performance RSE. Ce rapport sera vérifié par un auditeur légal placé sous l’autorité de régulation, la Haute autorité de l’audit (H2A). Cette nouvelle directive apporte des évolutions notables.

Lesquelles ?

D’abord, elle élargit le champ d’application aux grandes entreprises qui répondent à deux de ces trois critères : plus de 250 salariés ; plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ; plus de 20 millions d’euros de total bilan. Au niveau européen, on passe ainsi de 11 000 à 50 000 sociétés concernées. Et en France, les SAS, qui étaient auparavant exclues de la DPEF, entrent dans le champ d’application. Un calendrier d’application progressive a été prononcé : au 1er janvier 2026, par exemple, les PME cotées sur un marché réglementé seront à leur tour concernées. Par ailleurs, la nouvelle directive pose un référentiel, via les normes de reporting ESRS (european sustainability reporting standard), qui liste les informations à produire par les entreprises. Cette normalisation va rendre les reporting plus facilement comparables et faciliter l’audit.

Quels effets pour les entreprises ?

Le premier, c’est le renforcement de la gouvernance et sa responsabilité dans l’élaboration de ce rapport de durabilité, encore plus en amont dans la définition des orientations stratégiques intégrant une démarche RSE. Une des normes ESRS porte d’ailleurs sur la gouvernance. Elle exige des informations à produire sur la façon dont est organisée l’entreprise et sur la façon dont elle intègre les enjeux sociaux et environnementaux. Ensuite, l’élargissement du périmètre du reporting au-delà du périmètre purement financier. Cela signifie que l’entreprise ne devra pas se limiter aux seuls impacts des opérations qu’elle réalise, y compris au niveau de ses filiales, mais qu’elle va devoir s’interroger sur ses impacts dans toute la chaîne de valeur.

Les PME sous-traitantes vont donc être indirectement concernées ?

Oui. On ne va pas leur demander de produire un reporting de durabilité, puisqu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de la CSRD, mais de fournir des indicateurs, comme leur bilan carbone ou leurs engagements sociaux. Elles pourront être sollicitées par leurs fournisseurs et leurs clients. Elles doivent donc s’attendre à une augmentation des demandes et des exigences d’information et de reporting RSE. Les PME doivent être sensibilisées à ces sujets, de façon plus prégnante et plus engageante, afin d’être en mesure de répondre aux interrogations sur la santé au travail, le respect des droits humains, l’égalité hommes femmes, l’inclusion, la diversité…

Est-ce le message que vous souhaitez leur adresser ?

Tout à fait. Suivre sa performance sur les sujets sociaux et environnementaux, c’est anticiper sur l’avenir et s’assurer rentabilité, performance et résilience. C’est important de l’intégrer dès aujourd’hui dans sa stratégie globale d’entreprise. Cela peut aussi susciter de l’innovation. Et surtout, il ne faut pas voir cela comme une énième contrainte. Un exercice de sensibilisation encore important reste à faire pour de nombreuses PME qui ont besoin de gagner en maturité sur ces sujets.

Les commissaires aux comptes doivent-ils eux aussi s’adapter ?

Ceux qui souhaitent devenir auditeurs de durabilité suivent une formation complète de 90 heures. À la CRCC de Toulouse (qui couvre les départements de l’Ariège, de la Haute-Garonne, du Tarn et du Tarn-et-Garonne), nous dénombrons 384 commissaires aux comptes. Une cinquantaine d’entre eux est inscrite aux premières sessions de formation mais il y en aura plus à l’avenir (11 000 commissaires aux comptes en France, 2 000 inscrits à la formation environ).

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