Jérôme Sterpenich (Institut Carnot Icéel) : "Nous allons augmenter le flux de collaborations avec les entreprises"
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Jérôme Sterpenich directeur de l’Institut Carnot Icéel "Nous allons augmenter le flux de collaborations avec les entreprises"

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Encore trop peu identifié par les entreprises, l’Institut Carnot Icéel vient de signer un partenariat avec le GIP Objectif Meuse visant à "dérisquer" les investissements en R & D des PME meusiennes.

Jérôme Sterpenich est le directeur de l’Institut Carnot Icéel — Photo : Jean-François Michel

Vous venez de signer un partenariat avec le GIP Objectif Meuse, établissement lancé suite à la création d’un laboratoire souterrain de recherches par l’ANDRA à Bure. Quel est l’intérêt de ce type de structure pour les entreprises meusiennes ?

Le but des Instituts Carnot est de développer l’activité partenariale et d’être capable de mettre au service des entreprises les meilleures compétences de la recherche. Il ne faut pas baisser la garde sur ce sujet et il faut aller voir de nouveaux prospects. Nous avons une dimension territoriale, à savoir le Grand Est sans l’Alsace, et nous avons voulu répondre au mieux aux entreprises du territoire qui ne sont pas au fait de ce qui se passe dans les laboratoires, et qui souvent, sont surprises du fait qu’on pourrait les aider. Lors de la signature du partenariat avec le GIP Objectif Meuse, à Bar-le-Duc, un menuisier m’expliquait qu’il perd du chiffre d’affaires parce que sur certaines pièces, il sait les numériser mais pas transférer la donnée aux machines outils. La perte se chiffrait à plusieurs milliers d’euros tous les ans. La mise en relation avec le Critt Bois, à travers l’Institut Carnot, a été faite, et nous allons trouver une solution. L’institut Carnot Icéel s’appuie sur 27 composantes, laboratoires de recherches académiques, centres de ressources technologiques ou encore centres de transfert. Nous couvrons quatre domaines d’activités principaux : les procédés, les matériaux, les ressources et l’environnement et les technologies industriels. Nous réalisons autour de 10 millions de chiffre d’affaires par an, en bilatéral, c’est-à-dire en recherche en partenariat direct avec les entreprises, sans subvention. Et on monte à 35 millions en faisant un bilan global avec les recherches subventionnées sur l’Institut Carnot Icéel.

Quelle est la particularité du partenariat signé avec le GIP Objectif Meuse ?

Le GIP Meuse a une capacité financière à aider son tissu socio-économique, liée à l’installation de l’ANDRA à Bure. L’idée est d’orienter une partie de ce budget pour identifier des entreprises et les financer dans leurs besoins de R & D. Le tissu meusien est constitué d’une vaste majorité de petites structures, des PME ou des TPE, qui auraient besoin d’innover mais qui n’ont pas toujours la capacité financière ou la trésorerie pour le faire. Le but est donc de s’appuyer sur le GIP pour dérisquer la démarche de l’entreprise qui va ainsi pouvoir lever un verrou scientifique ou technologique.

Pour innover, le frein dans les entreprises est-il d’abord financier ?

Avec une petite trésorerie, même 5 000, 10 000 ou 15 000 € dans une étude de faisabilité, c’est beaucoup d’argent et ça peut mettre en péril une entreprise. Donc, le mécanisme de dérisquage consiste à faire un "go no-go" : Nous qualifions la demande, nous trouvons le chercheur, le laboratoire, et une fois que le terrain est déblayé et que l’entreprise est d’accord avec le laboratoire, nous faisons une étude de faisabilité financée par le GIP, pour des sommes allant en moyenne de 7 000 à 15 000 €, soit six mois voire un an de recherche, incluant quelques essais, des expérimentations, avec un stagiaire de master ou un élève d’école d’ingénieur et un chercheur senior qui pilote. À la fin, si les résultats sont satisfaisants, on peut aller plus loin.

Sur combien de dossiers pensez-vous pouvoir travailler dans le cadre de ce partenariat ?

Le maximum possible, mais ce sera aussi en fonction de nos forces. Si on arrivait à avoir entre cinq et dix dossiers par an, ce serait très bien. Jusqu’à peu de temps, il y avait une seule personne sur le développement partenarial avec l’Institut Carnot Icéel. Maintenant, il y en a trois. Nous avons aussi signé un partenariat avec la CCI Meuse Haute-Marne dans lequel l’objectif est tout simplement de mieux se connaître. Tous les acteurs de l’écosystème de l’innovation sur le terrain doivent savoir que nous existons et que nous sommes capables de les accompagner.

Un objectif que vous pourriez décliner à l’échelle de toute la Lorraine ?

Nous sommes lauréats d’un appel à projets du ministère portant sur les Pôles universitaires d’innovation. C’est dans la même logique. Le gouvernement demande aux universités d’organiser l’ensemble des acteurs de l’innovation sur les territoires. Cela représente beaucoup de monde : les CCI, les agences de développement économiques, les réseaux d’entreprises. Aujourd’hui, il y a plein de couches et la logique est d’aller vers un guichet commun. Les Anglais parlent de "No Wrong Door" : une entreprise qui a un problème s’adresse à n’importe qui et elle aura une solution. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Quelle est la différence entre le CNRS et l’Université, que font une société d’accélération de transfert de technologie et un incubateur ou encore les pôles de compétitivité ? Qui fait quoi ? Comme plus personne ne comprend rien, l’intérêt est que chacun soit l’ambassadeur de l’autre.

Allez-vous coordonner l’ensemble des acteurs de l’innovation grâce à ce nouveau Pôle universitaire d’innovation ?

J’en suis le chef de file parce que je suis vice-président en charge des partenariats de l’Université de Lorraine en plus d’être le directeur de l’Institut Carnot. Nous venons d’avoir la notification du financement pour Polaris, notre Pôle universitaire d’innovation : 5,7 millions d’euros pour faire vivre ce programme sur 4 ans. Il y a neuf fondateurs, Université de Lorraine, CNRS, Inserm, Inria, Inraé, Satt Sayens, CHRU de Nancy, Incubateur Lorrain et la filiale de l’université Propuls, mais nous allons travailler avec pas loin de 40 structures. Pendant les 4 ans, l’intérêt est d’arriver à se connaître les uns les autres, et en même temps, de mettre un certain nombre d’actions en place qui soient vraiment à destination des deux grandes missions qui nous sont confiées, que sont le fait d’augmenter le flux de collaborations avec les entreprises, et la création de start-up deeptech. Il va falloir recruter des gens pour faire du développement partenarial, dans les services de valorisation, travailler à l’acculturation des personnels à la création d’entreprise, sans compter le travail visant à valoriser la recherche au sein des laboratoires.

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