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"La transition énergétique ne fait que commencer"
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Julien Hostache président d’Enerfip "La transition énergétique ne fait que commencer"

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Avec près de 500 millions d’euros collectés à ce jour, le montpelliérain Enerfip consolide sa place de leader européen du financement participatif pour la transition énergétique. Selon son président Julien Hostache, son évolution capitalistique et servicielle doit désormais refléter des engagements sociétaux placés au premier plan.

Julien Hostache est l’un des 4 cofondateurs d’Enerfip, en 2014 — Photo : Enerfip

Quelle est l’utilité du premier rapport d’impact que vous publiez ?

Notre métier historique est inscrit dans la transition énergétique, au sens de durabilité. Notre savoir-faire dans ce domaine est reconnu, mais nous devons encore progresser dans le faire savoir. Peu de gens savaient que depuis sa création, Enerfip s’est dotée d’une "constitution" pensée comme le moyen de réaliser nos convictions citoyennes et d’agir sur les sujets qui nous parlent. Le rapport d’impact que nous publions est en droite ligne avec ces valeurs, que nous avons toujours portées. Moins d’une semaine après sa sortie, certains de nos partenaires se sont dits impressionnés par son ampleur. Pourtant il a été fait 100 % en interne, car toutes les actions présentées étaient déjà en place.

Quelles actions vous sont les plus chères ?

Les plus stratégiques touchent bien sûr aux montants collectés auprès des citoyens, car elles sont les plus significatives en termes d’impact. Par ailleurs, nous voulons agir sur notre bilan carbone, mais pas seulement dans l’optique de le compenser. Nous voulons avoir une démarche positive de décarbonation, y compris dans des actions de détail comme l’utilisation des modes de transport doux pour la majorité de nos salariés, l’achat de consommables et de produits durables pour nos locaux, etc. Enfin, nous voulons agir dans les rapports humains, comme le rapprochement du salaire moyen des hommes et celui des femmes qui travaillent chez Enerfip. Ils sont identiques à 100 euros près, et nous travaillons encore pour qu’ils soient à l’équilibre. À tous les niveaux, nous donnons à voir ce que nous faisons.

La réglementation européenne pousse néanmoins les entreprises à faire des reportings sur des critères extra-financiers. N’est-ce pas une obligation qui vous incombait ?

Il existe des gradients temporels dans la mise en œuvre de cette réglementation. Pour les entreprises de notre échelle, elle ne s’imposera pas avant 2030. Mais nous avons voulu agir sans attendre, d’autant plus que la publication de notre rapport peut être incitative pour d’autres greentech. J’en avais aussi un peu assez de voir l’ampleur du greenwashing chez certaines grandes entreprises, qui mobilisent des moyens énormes pour communiquer alors qu’elles ne sont pas aussi vertueuses qu’elles le disent.

Votre action pour la durabilité se lit aussi dans l’ouverture du capital aux 45 salariés d’Enerfip. Comment menez-vous ce processus ?

Précisons qu’il a toujours fait parti de notre ADN : tout salarié reçoit des actions gratuites au bout de deux ans d’ancienneté. Nous avons d’abord fait le constat, avec nos actionnaires que sont Sofilaro (société de capital-investissement du Crédit Agricole du Languedoc, NDLR) et deux family offices, que nous arrivions en fin de cycle après 7 ans de cheminement commun. Enerfip avait besoin de prendre son envol. Quand une entreprise se développe à l’international et arrive sur de nouveaux marchés, elle doit avoir les coudées franches. Pour mieux gérer sa croissance, nous avions créé une maison mère, Enerfip Participation, qui détient les filiales Enerfip et Enerfip Gestion. Cela nous a permis, une fois la décision prise, de ne pas nous cantonner à ouvrir le capital d’Enerfip, mais aussi celui d’Enerfip Participation afin que tout le monde soit sur le même bateau. Le processus en lui-même a été conduit en deux phases. D’un côté, nous avons emprunté pour racheter les parts de nos actionnaires historiques, puis nous avons fait monter au capital deux directeurs généraux (cinq managers au total ont réalisé cette opération de relution, pour 4,5 M€, NDLR). De l’autre côté, nous faisons monter les salariés après deux ans d’ancienneté. Le processus sera achevé à 100 % d’ici la fin d’année. Une entreprise est un bien social, c’est mais surtout le fruit d’un travail collectif.

Sur le volet économique, vous venez de lancer votre propre société de gestion. Enerfip change-t-elle de modèle ?

Chaque jour nous cassons les codes du financement participatif en démontrant qu’il peut être un outil aussi sérieux que le financement bancaire. Le financement participatif est un modèle de court terme, entre une et cinq années de maturité d’investissement. Mais les porteurs de projets ont aussi besoin de financements de plus long terme, de sept à dix ans. Il s’agissait donc d’étoffer notre capacité d’action pour apporter ce type de services. À la demande de l’AMF (Autorité des marchés financiers, NDLR), nous avons obtenu, en 2022, un agrément pour Enerfip Gestion, qui nous a permis de créer un premier fonds commun de placement désormais bien doté. Nous allons bientôt ouvrir un fonds de détail, sous la forme d’un fonds commun de placement à risque, pour investir en parallèle sur les mêmes dossiers. Nous prévoyons d’atteindre 100 millions d’euros en cumulé d’ici 18 à 24 mois.

Au sein de cette offre de services, vous avez aussi créé un outil de capital-innovation. Pourquoi vous tournez-vous vers les start-up ?

Il s’agit cette fois d’une offre additionnelle sous l’égide d’Enerfip. Nous avons pris conscience que nous sommes souvent sollicités pour des financements en transition énergétique mais aussi en financement conventionnel pour des projets en développement ou à construire. Cet outil répond donc à notre volonté de soutenir les projets portés par les start-up (technologies innovantes, preuves de concept, etc.) en nous appuyant sur notre base d’investisseurs (plus de 51 000 à ce jour, NDLR). Les risques associés sont plus importants par rapport à notre activité historique, d’où l’importance de bien l’étiqueter. D’ici la fin 2024, nous prévoyons de boucler de 3 à 5 dossiers sur des tickets de 500 000 à 1,5 million d’euros, y compris en cofinancement car nous nous positionnons aux côtés des autres acteurs territoriaux de l’investissement corporate.

Le marché de l’énergie est historiquement le plus gros business mondial, et la transition énergétique accélère son évolution. Comment la voyez-vous ?

En s’appuyant sur ses nouvelles filiales en Espagne (4 personnes), en Italie (2 personnes) et prochainement aux Pays Bas afin d’adresser ce pays et la zone du Benelux sur la thématique investisseurs, Enerfip elle-même évolue en plateforme paneuropéenne. Cela nous correspond car l’Union européenne dispose d’une réglementation protectrice des êtres humains, nous aidant à construire les projets que nous portons. Mais cette croissance nous donne un regard global et même si c’est dur à croire, nous pensons que la transition énergétique ne fait que commencer. En 2023, les Pays Bas ont installé 4 GWc (gigawatts-crête, NDLR), l’Allemagne 14 GWc et la France seulement 3,1 GWc. Elle est encore loin de ses objectifs. Même si l’État renouvelle, comme il l’annonce, la filière nucléaire, les 2 premiers EPR ne seront pas mis en route avant 2040. Dans l’intervalle, il reste d’énormes besoins énergétiques à adresser.

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