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Frédéric Sastrel (Eukles) : « Il n'y a pas que Sophia ou Château-Gombert pour entreprendre dans le numérique  »
Interview Var # Informatique # Fusion-acquisition

Frédéric Sastrel fondateur d'Eukles Frédéric Sastrel (Eukles) : « Il n'y a pas que Sophia ou Château-Gombert pour entreprendre dans le numérique  »

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Frédéric Sastrel est resté fidèle à Lorgues, une commune du Var. Il y développe Eukles, une entreprise spécialisée dans la dématérialisation documentaire, et y a créé un Campus numérique, qui affiche complet depuis son ouverture.

Frédéric Sastrel a créé un "campus numérique", accueillant 9 entreprises, à Lorgues dans le Haut-Var. — Photo : Hélène Lascols - Le Journal des entreprises

Le Journal des entreprises : Eukles est devenu l’an passé une filiale de Docaposte, société de la branche numérique du Groupe La Poste. Quelles perspectives offrent cette opération ?

Frédéric Sastrel : Le groupe La Poste n’a pas été le premier à nous approcher, mais j’avais toujours refusé de vendre Eukles, une entreprise que j’ai créée en 2010 et dont la vocation est de proposer des solutions d’hébergement de données innovantes et sécurisées. Pour le groupe La Poste, j’ai craqué parce qu’on se retrouvait notamment sur des valeurs et des ambitions communes. Ils ont notamment été séduits par notre dernière innovation, Resoposte, une application qui permet d’expédier et recevoir tout le courrier entre partenaires de manière sécurisée.

Cette cession est effective depuis le début de l’année 2018 et mon fils, Mickael Sastrel, a pris la direction générale d’Eukles le 1er mars dernier. Pour ma part, je vais accompagner cette transition et quelques projets d’acquisitions. Avec le recul, cette opération est un très bon choix pour l’avenir d’Eukles : nous avions la capacité à financer notre croissance, mais l’entreprise mérite d’avoir un statut international rapidement et Docaposte, en mettant à notre disposition les compétences de ses 5 000 salariés, en favorisant aussi les synergies, va nous permettre d’aller plus vite. Docaposte, c’est aussi plus de 23 000 entreprises et administrations clientes, plus de 50 sites en France, un chiffre d’affaires de 522 M€ en 2018. Enfin, je dois avouer que notre collaboration est magique : nous prenons des décisions par SMS, le groupe La Poste est un vrai accélérateur.

Quelles sont les ambitions d’Eukles à l’international ?

F.S. : En 2018, nous avons fortement accéléré notre déploiement international. Nous étions déjà présents en Belgique, en Suisse et dans les Dom-Tom. Nous sommes désormais aussi présents au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie, au Mali. Le Burkina-Faso, le Togo, la Tunisie et l’Algérie sont en cours d’ouverture. L’Espagne, le Mexique et le Brésil sont en projet. Dans les pays africains, la demande est très forte sur deux de nos produits : notre solution de gestion électronique des documents (GED) e-Doc Pro et le Titan®, un mini data center qui résiste au feu, à l’eau et aux explosifs et qui permet de conserver la valeur probatoire des documents électroniques en interne.

Et en France ?

F.S. : En France, nous travaillons avec presque tous les grands noms de l’informatique comme Toshiba, Sharp, Ricoh, Rex Rotary. Notre stratégie est la même depuis 10 ans : la distribution est confiée à des partenaires et nos produits sont vendus en marque blanche (12 en GED à ce jour). Ces contrats de distribution nous positionnent comme le leader national dans le domaine de la GED.

Aujourd’hui, Eukles emploie ainsi 50 salariés et compte 4 160 entreprises utilisatrices dans 94 corps de métiers. Nous avons réalisé 4,80 M€ de chiffre d’affaires en 2018. Au cours du premier trimestre 2019, nous avons enregistré une croissance de 88 % et tablons sur un chiffre d’affaires annuel de 6,80 M€. Notre croissance future sera à la fois organique et externe.

Vous avez aussi concrétisé un projet qui vous tenait à cœur, le Campus Numérique. Racontez-nous.

F.S. : Eukles a vu le jour à Lorgues, commune du Haut-Var, qui compte 10 000 habitants et s’y est développé. Moi-même, j’ai grandi à Lorgues. Une maison datant de 1856, qui fût successivement le Couvent des Clarisses Capucines et la maison de repos des pères assomptionnistes (le dernier pensionnaire est parti en 2011, NDLR), ne demandait qu’à revivre et je me suis donc porté acquéreur avec l’envie de monter un projet de campus. Grâce au concours du maire, qui nous a aidés à défendre notre projet auprès des services de la préfecture, nous avons évité la destruction de cette maison. J’ai signé son acquisition le 29 mars 2017 et engagé six mois de travaux.

Une semaine après l’achat du bâtiment, j’avais déjà tout loué. J’ai investi un peu plus d’1 M€ dans les travaux de rénovation et le site a été ouvert en début d’année 2018. Aujourd’hui, le Campus (1 600 m² de bureaux et 400 m² d’espaces communs : cuisine, salle de détente, terrasse, NDLR) accueille 9 entreprises technologiques. Nous avons réussi à attirer des compétences, à fédérer des énergies, à favoriser les échanges. Ce Campus apporte la preuve que les conditions de travail sont importantes et que cela est positif pour nos salariés et nos entreprises, qui ressentent toutes « les bienfaits » de leur installation. D’ailleurs, j’ai pratiquement une à deux demandes d’entreprises chaque mois, mais nous sommes pour le moment complets. J’ai un projet d’agrandissement et suis en attente d’autorisation mais j’ai la certitude qu’avec 160 m² supplémentaires, je remplis en moins de 10 jours.

Aujourd’hui, mon souhait serait de voir ce projet de Campus de Lorgues se reproduire dans d’autres villes rurales. Il n’y a pas que Sophia-Antipolis ou Château-Gombert pour entreprendre dans le numérique. J’aimerais avoir donné envie, demain, à quelqu’un de reproduire ce même modèle, qui marche et qui crée des emplois.

Pour attirer de nouveaux talents, vous menez aussi des initiatives auprès des jeunes ?

F.S. : En effet. Nous nous sommes rapprochés de la cité scolaire Thomas Edison à Lorgues, qui abrite plus de 1 800 élèves et avons signé une convention, impliquant les entreprises du Campus et les acteurs institutionnels, notamment Pôle Emploi. Dans un contexte où nous manquons notamment de développeurs (ils sont une petite dizaine en poste chez Eukles, NDLR), nous voulons faire prendre conscience de l’intérêt des métiers des nouvelles technologies. L’idée est de sensibiliser et intéresser les jeunes aux métiers du numérique et en particulier les jeunes filles, qui ont toutes les qualités pour devenir de très bonnes développeuses mais manquent d’informations. Ainsi, 35 filles ont participé à une réunion au cours de laquelle elles ont pu échanger avec du personnel féminin issu de différentes entreprises du Campus et découvrir que « quand on veut, on peut » et qu’elles ont toute leur place dans le monde numérique, qui n’est ni réservé aux hommes, ni aux ingénieurs.

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