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DSM Firmenich réinvestit dans son pôle parfumerie landais
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DSM Firmenich réinvestit dans son pôle parfumerie landais

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Le géant de la chimie DSM Firmenich, né du mariage de deux groupes néerlandais et suisse en 2023, vient d’inaugurer deux nouveaux bâtiments de production pour son site de Castets (Landes). Ce complexe de 26 hectares est dédié à l’activité "parfumerie et beauté" du groupe, un secteur hautement stratégique et à forte valeur ajoutée qu’il veut continuer à muscler.

Le groupe Dsm Firmenich a mobilisé 65 millions d’euros d’investissements dont 3,8 millions d’euros d’aides publiques pour construire et équiper ces deux nouvelles unités de production à Castets (Landes) — Photo : Dsm Firmenich

Deux lignes de production inaugurées en même temps. C’est le choix qu’a fait le géant helvético-néerlandais DSM Firmenich (12,3 Md€ de CA, 29 301 employés dans une soixantaine de pays), né en 2023 du mariage entre le suisse Firmenich, plus grande entreprise familiale du monde dans le secteur des parfums et arômes et pionnier des parfums de synthèse, et le groupe néerlandais de chimie DSM. En ouvrant les portes de son site landais de Castets pour faire découvrir ses deux nouvelles unités de production installées sur un vaste complexe de 26 hectares dédié à sa branche parfumerie et beauté, elle a dévoilé quelques secrets de l’un de ses business les plus rentables.

Les deux nouveaux équipements ont bénéficié d’un investissement total de 65 millions d’euros depuis 2021, dont environ une quarantaine pour le premier et plus de 20 pour le second, et participent à la création de 27 emplois directs (dont 22 pour DRT).

Une quatrième usine pour DRT

Le premier est une nouvelle unité de production pour la société DRT - Dérivés résiniques et terpéniques (547 M€ de CA pour plus de 1200 salariés), une ETI de la chimie biosourcée basée à Dax (Landes) rachetée par Firmenich en 2020 pour plus d’un milliard d’euros.

L’Unité 4, la plus grande de toutes (la première ayant vu le jour en 1987), est répartie sur 17 000 m2 de surface de production et quatre étages. Elle comprend deux réacteurs, 4 colonnes de distillation et 21 stockeurs.

Le bâtiment 4, qui a commencé sa production en janvier 2022, fabrique des produits (finis et intermédiaires) d’origine renouvelable pour le marché de la parfumerie. L’investissement a reçu une subvention de 2,8 millions d’euros de la part de la région Nouvelle-Aquitaine.

Concernant l’augmentation des capacités de production de l’Unité 4, si Firmenich évoquait 50 % d’augmentation avant la construction en 2021. "On gagne sans mal plus de 10 % de capacité, sachant que l’unité n’est remplie qu’à moitié et que nous avons déjà des plans pour la compléter", indique Amaury Roquette, vice-président de la division ingrédients chez DSM Firmenich.

DRT continue d’investir

Fondée en 1932 par des sylviculteurs landais pour créer des matières premières issues des dérivés du pin, cette société tire 78 % de ses revenus de l’export.

Les produits de DRT, fabriqués à base de dérivés de colophanes et de terpènes issus de la résine de pins en provenance d’Europe, fournissent de nombreux secteurs, de la parfumerie à la nutrition et santé (produits de beauté, boisson, hygiène, chewing-gums…) en passant par l’industrie (adhésifs, pneumatiques, biocombustibles…).

Leader mondial de la distillation de co-produits papetiers, DRT a notamment été le fournisseur unique dans la fabrication de la lessive St-Marc, créée à Bordeaux en 1902. L’ETI est présente sur 4 sites de production en France, tous situés entre les Landes et les Pyrénées-Atlantiques : Castets, Lesperon, Mourenx et Vielle-Saint-Girons.

Ce dernier site, qui produit des ingrédients biosourcés pour l’industrie, bénéficie lui aussi d’investissements importants pour construire une "usine de pointe dans la production de colophane hydrogénée et de dérivés de résine". Le démarrage est prévu pour la mi-2024, selon DRT.

Relocalisation de musc

Le deuxième site a avoir été inauguré, de son côté, se concentre sur la production d’un seul ingrédient, très demandé par les clients du groupe : l’habanolide, un musc biodégradable "aux notes chaudes et légèrement boisées" utilisé en parfumerie. Elle est décrite comme la première unité de production d’habanolide en Europe.

Le bâtiment, dont la moitié droite fabriquait déjà depuis 1998 un produit chimique d’étape intermédiaire à la création du musc star de DSM Firmenich, vient donc de (quasiment) remplir sa partie gauche, qui devrait démarrer son activité dans les prochaines semaines.

Étendue sur 4 niveaux, la nouvelle installation augmente les capacités de production de l’habanolide, jusqu’à présent fabriqué à Newark (États-Unis). Le projet a bénéficié d’une subvention d’un million d’euros de la part du conseil régional et du gouvernement (plan de relance des investissements industriels).

"En terminant la production de ce musc sur place, on évite un phénomène de tourisme moléculaire, c’est-à-dire l’envoi du produit d’étape intermédiaire aux États-Unis pour la finalisation de la production d’habanolide et son retour en Europe chez nos clients. Nous dépensons donc moins d’argent en logistique, émettons moins de CO2 et rajoutons de la capacité, Newark étant déjà plein. Le site américain et celui de Castets s’inscrivent aussi dans un plan de continuité de production, au cas où l’un des deux rencontrerait des difficultés", explique Amaury Roquette.

Un secteur à forte valeur ajoutée

Si le géant de la chimie investit autant dans les unités de production d’ingrédients pour parfums et arômes malgré l’essoufflement de l’industrie chimique en Europe (dont la production a reculé de 3,3 % en France en 2022 selon France Chimie), ce n’est pas un hasard.

"Si l’industrie, et en particulier la chimie, souffre d’un manque de compétitivité, nous avons la chance de travailler dans celle des arômes et des parfums, très résiliente car liée à l’évolution de la classe moyenne et de la démographie mondiale. C’est un secteur très peu volatil et on a la chance de jouir d’une croissance constante. Ce pôle est la plus grosse division du groupe en chiffre d’affaires et en contribution de marge", poursuit Amaury Roquette.

Chiffres à l’appui : d’après son bilan 2023, DSM Firmenich a réalisé 3,7 milliards d’euros de ventes dans cette seule branche pour un Ebitda de 783 millions d’euros.

En comparaison, sa branche "Nutrition et santé animale" a réalisé des 3,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires (-15 %) pour un Ebitda de 128 millions d’euros (-76 %), ce qui pourrait expliquer son intention annoncée de se séparer de ce pôle d’activité en le revendant d’ici à 2025. L’activité des sites landais de DRT et de Firmenich (qui avaient d’ailleurs créé une joint-venture à Castets, Fider, destinée à la production d’ingrédients et intermédiaires pour la parfumerie en 1993) a donc visiblement de beaux jours devant elle.

Désartificialisation contre croissance industrielle

Si le site de Castets regroupant les activités de DRT et de Firmenich est déjà vaste, son extension à 45 hectares serait déjà à l’étude, à en croire le maire de Castets, Philippe Mouhel (UDI), intervenu au micro à l’occasion de l’inauguration du 13 mars 2024. "Nous sommes en train de réviser le plan local d’urbanisme, qui devrait aboutir en mai. Il pourrait autoriser 45 hectares à l’entreprise", a-t-il souligné.

DSM Firmenich n’utilise pourtant pas tout l’espace de ce complexe landais : "environ deux tiers sont utilisés et le dernier est en réserve. Nous voulons garder ce tiers de réserve si nous continuons de grandir, donc l’extension foncière proposée par l’élu n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, elle nous intéresse", glisse Amaury Roquette, porte-parole du groupe DSM Firmenich et vice-président du pôle ingrédients (division Parfumerie et Beauté).

Le groupe a beau s’inscrire dans une logique d’industrie "verte" (il compte abaisser de 25 % ses émissions directes d’ici à 2030), elle ne devrait a priori pas échapper aux objectifs du Zéro artificialisation nette (ZAN) instaurés par le gouvernement, prévoyant de passer de 250 000 hectares à 125 000 hectares artificialisés en France en dix ans d’ici à 2031. Qu’en pense l’industriel ? "On ne peut pas passer au-dessus des lois. Néanmoins, il faut les adapter de la meilleure façon pour permettre la poursuite d’un développement industriel, très important pour la France".

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