Grasse
Coronavirus : Le parfumeur Arthes va pérenniser sa production de gel hydroalcoolique
Grasse # Industrie

Coronavirus : Le parfumeur Arthes va pérenniser sa production de gel hydroalcoolique

S'abonner

Depuis la fin mars, l’usine de parfum Arthes a produit quelque 200 000 litres de solution hydro alcoolique. À l’aube du déconfinement, l’entreprise grassoise se prépare à faire face à une explosion de demandes de la grande distribution. Exemple à la fois d'agilité et de résilience, elle travaille également à préparer « l’après » en produisant cette fois à partir de septembre, du gel hydroalcoolique parfumé.

Depuis la fin mars, le groupe Arthes (120 salariés, 17 M€ CA 2019), fabricant de parfum à Grasse, a réorganisé ses lignes de production pour répondre en priorité aux besoins du milieu hospitalier en solution hydroalcoolique. Il travaille actuellement à la création d'un gel parfumé à destination du grand public — Photo : Arthes

Les salariés du groupe Arthes le savent, ils ne refabriqueront pas de sitôt autant de parfums et de cosmétiques qu'avant la crise. La société familiale tourne à 100 % de sa production mais désormais, trois de ses cinq lignes sont dédiées à la fabrication de solution hydroalcoolique : 200 000 litres en à peine plus d’un mois.
Fondée à Grasse en 1978, Arthes compte près de 120 collaborateurs. Elle réalise les deux tiers de son activité via sa gamme vendue en grande distribution et le reste à l’export. Le 23 mars, tout a changé pour répondre à la demande de l’hôpital de Grasse voisin, alors en pénurie de biocide. Masques, gel, respirateurs, blouses… le foisonnement d’exemples solidaires dans les entreprises françaises ferait presque oublié qu’une telle reconversion ne peut se faire en un claquement de doigts.

Un effet boule de neige depuis un mois

« Nous avons complètement changé nos lignes de production pour fabriquer de la solution hydroalcoolique qui doit répondre à des normes très strictes, bien au-delà de celles qui encadrent la fabrication du parfum », explique Gaël Boillet, directeur du site. « Il a fallu nous approvisionner en matières premières, en flacons en plastique. Nous avons formé le personnel. Du jour au lendemain, nous avons arrêté les parfums pour passer dans un univers qui n’est pas du tout le nôtre. Tout s’est joué à ce moment-là. Aujourd’hui, énormément d’acteurs fabriquent du gel ou de la solution hydro alcoolique, mais nous, nous l’avons fait très tôt, l’effet boule de neige s’est enclenché il y a un mois. »

« Les gens qui travaillent ici ont le cuir endurci. Ils savent ce que c’est de travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ils ne veulent pas revivre ça. »


Au début, Arthes distribuait gratuitement la solution aux soignants puis, pour assurer l’augmentation de la cadence et maintenir les salaires, la PME a aligné ses prix de vente suivant le décret. D’autres hôpitaux de la région ont rapidement fait appel à l’entreprise puis des EHPAD, des collectivités locales, la police et des clients de la grande distribution.

Sortie l’an dernier de son plan de sauvegarde

Une réelle preuve d’agilité pour l’entreprise tout juste sortie de son plan de sauvegarde en juin dernier. « Pendant dix ans, nous avons remboursé une dette énorme. Il y a eu des licenciements. Les gens qui travaillent ici ont le cuir endurci. Ils ne veulent pas revivre ça. » Et cette expérience semble toujours nourrir l’état d’esprit résilient et combatif de l’entreprise tout entière alors qu’elle « ne voit pas encore revenir l’activité parfum ».

« Aurons-nous les reins assez solides pour investir dans des équipements neufs ou devrons-nous décliner les demandes ? »

Aujourd’hui, elle se prépare à faire face à la vague liée au déconfinement. Ses clients l’ont alertée il y a plusieurs semaines déjà : la grande distribution veut doubler son offre quand les collectivités veulent de la solution hydro alcoolique pour équiper notamment les écoles et autres bâtiments accueillant à nouveau du public.

Mais comment Arthes pourra-t-elle affronter cette explosion de demandes alors que l’usine tourne déjà à plein régime ? « Nous nous interrogeons sur la nécessité d’investir dans des équipements neufs », reprend Gaël Boillet, « mais aurons-nous les reins assez solides pour cela ou devrons-nous décliner les demandes ? Cette nouvelle activité nous a permis et nous permet de survivre, mais pas de gagner de l’argent. Notre priorité est de maintenir les salaires et les emplois. Il faudra aussi honorer les charges aujourd’hui reportées. »

La dérogation prendra fin en septembre

En attendant de pouvoir résoudre l’équation, la PME prépare déjà l’étape qui viendra encore après. La dérogation accordée aux entreprises pour pouvoir fabriquer des solutions et gel hydroalcoolique a été reportée à septembre. C’est ce à quoi travaille donc Arthes qui espère pouvoir réintégrer la totalité de ses effectifs (les commerciaux sont en majorité en chômage partiel) d’ici la fin mai, lorsque les mesures sanitaires pourront être pleinement appliquées.

« Le grand public préfère du gel à la solution hydroalcoolique. C’est une question de texture, l’efficacité est la même. Nous œuvrons à ce qu’il soit réglementaire au-delà de la dérogation actuelle. Pour garder le lien avec l’ADN de l’entreprise, il sera parfumé. Nos graphistes travaillent actuellement sur le design des étiquettes des flacons. Ce sera un coup de dé. Il est impossible à ce jour de nous projeter, ne serait-ce que sur des volumes. » Arthes affiche son optimisme, non sans prudence. Mais après avoir relevé un premier défi inédit, le fabricant de parfum espère avoir passé le plus dur et vise malgré tout pour 2020 un chiffre d’affaires de 17 millions d’euros, soit autant que l’an dernier.

Grasse # Industrie