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Coronavirus : « La crise va nous apprendre à travailler différemment »
Interview Gironde # BTP

Marie-Ange Gay-Ramos présidente de la Fédération Française du Bâtiment en Gironde Coronavirus : « La crise va nous apprendre à travailler différemment »

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Alors que le confinement a été prolongé jusqu'au 11 mai, Marie-Ange Gay Ramos, présidente de la délégation girondine de la Fédération Française du Bâtiment, évoque la situation du BTP Girondin. Elle invite les acteurs de la construction au dialogue et à la solidarité pour que la sortie de crise soit le moins difficile possible.

— Photo : FFB Gironde

La FFB 33 a participé à la rédaction du très critiqué guide de reprise des chantiers. Où en est l’activité du BTP girondin aujourd’hui ?

Marie-Ange Gay-Ramos : Le 17 mars, 95 % des entreprises du BTP girondin ont fermé. 80 % le sont toujours aujourd’hui. Les 20 % restants sont des artisans qui travaillent seuls, ou des opérateurs de travaux urgents dans le milieu de la santé, par exemple. Pour que la reprise des chantiers soit lancée, tous les acteurs de la construction doivent travailler de concert, discuter et être solidaires. Nous avons mis en place des ateliers menés par l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) qui a réalisé le guide, et la FFB33 pour rassurer les entrepreneurs et faire de la prévention.

Selon vous, la reprise dépend-elle davantage des moyens plutôt que de la volonté ?

Marie-Ange Gay-Ramos : On veut tous reprendre notre activité à un moment. Mais nous devons le faire dans de bonnes conditions, et tous en même temps. L’argent doit rentrer. Aujourd’hui, certains d’entre nous ne sont toujours pas payés de leurs travaux de fin février arrivés à échéance fin mars. Un vrai problème de trésorerie des entreprises va se poser. Si les entreprises sont en berne et qu’il leur faut des matières premières pour les autres chantiers, ce sera problématique.

Sur 10 entreprises que nous contactons, 8 ne sont pas correctement payées. Des maîtres d’ouvrage ne payent pas. Il devrait y avoir des avances pour aider les entrepreneurs. Les entrepreneurs seront plus sereins dés lors que leurs clients les accompagneront, viendront les voir, les aideront. Les entrepreneurs doivent d’abord être payés pour le travail accompli.

Les gestes barrières sont indispensables à la poursuite de toute activité. Peuvent-ils être mis en place aisément dans votre secteur ?

Cela dépend des spécialités. C’est possible dans la peinture par exemple. Le seul inconvénient c’est le temps perdu, parce qu’on doit faire seul ce qu’on faisait à deux ou trois en temps normal. En revanche, pour les métiers de la menuiserie ou le génie électrique, il est presque impossible de mettre en place les gestes barrières, ce qui explique le faible nombre d’entreprises en mesure de poursuivre leur activité. Cette situation génère des frais complémentaires, qui concernent la mobilisation du personnel, l’achat des masques, gants et lunettes de protection, mais aussi le temps supplémentaire que nous sommes amenés à passer sur les chantiers. Quand le déconfinement sera amorcé, l’application des gestes barrières doit continuer, et ce, jusqu’à la fin de l’année.

Au-delà de l’application des gestes barrières et des versements en attente, quelles solutions proposeriez-vous pour amorcer la reprise ?

Marie-Ange Gay-Ramos : Nous avons mis sur pied une cellule de crise avec la fédération du bâtiment, les architectes et la Fédération des Promoteurs Immobiliers pour réfléchir au lancement de chantiers tests. Il faut identifier plusieurs opérations pouvant reprendre, voir comment cela fonctionne et s’en imprégner pour l’avenir. Ces chantiers tests permettront d’ajuster notre façon de faire. Nous en avons un en projet, c’est un grand bâtiment où le maître d’ouvrage prend en charge les frais de nettoyage (2 000€ par semaine). Ce sont des frais non négligeables pour nous qui sommes en flux tendu depuis quelque temps. On sort de 10 ans de crise et on repart pour 10 ans, qui vont être pires.

Nous devons cependant rester optimistes, pour que nos entreprises soient pérennes. Nous devons pouvoir compter sur les solidarités et aller tous dans le même sens. Quand tout le monde ira dans la même direction, tout ira mieux. Une remise en question est nécessaire et nous devons trouver de nouvelles manières de faire notre travail. C’est ce que nous devons distiller sur les chantiers tests. Nous avons mis en place dans le bâtiment le lean construction (une gestion plus efficace des chantiers par la collaboration, NDLR). Nous devons aller dans ce sens-là. Une fois que le coût sera pris en compte par nos maîtres d’ouvrage, on pourra travailler différemment.

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