Coronavirus : dans le BTP, le guide de reprise des chantiers fait déjà débat
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Coronavirus : dans le BTP, le guide de reprise des chantiers fait déjà débat

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L’organisme de prévention du BTP a publié le très attendu guide de préconisations de sécurité sanitaire façonné pour assurer la reprise des activités de construction, à l’arrêt depuis le début du confinement. Une vingtaine de pages de mesures et conseils à appliquer qui pourront aiguiller les entreprises du secteur mais qui risquent également de tendre les relations contractuelles entre les acteurs.

Le gouvernement veut utiliser la publication du guide de bonnes pratiques pour relancer l’activité dans la construction — Photo : Clem Onjeghuo - Unsplash

C’est tout un secteur qui l’attendait. Face à la colère des entreprises et salariés du BTP invités à poursuivre leur activité malgré les consignes de confinement, l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP) a enfin diffusé, le 2 avril au soir, son « guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction ». Validé par le gouvernement et les fédérations d’employeurs du secteur (Capeb, FFB, FNTP), il dresse une liste des « mesures urgentes et spécifiques à mettre en œuvre pour garantir la sécurité et la santé des salariés appelés à travailler ».

Suivre les consignes ou stopper son activité

Un pis-aller rédigé deux semaines après l'accord signé entre le gouvernement et les fédérations professionnelles pour tenter de rassurer le million de salariés français du BTP et faire repartir les 80 % d’entreprises et de chantiers à l’arrêt actuellement. Le guide d’une vingtaine de pages répond « point par point et de façon opérationnelle aux questions que les entreprises […] se posent pour organiser leur activité dans le contexte d’épidémie du coronavirus. Il rappelle des consignes générales prioritaires à suivre », décrit l’OPPBTP. Au menu : des affiches à placarder dans les bureaux, ateliers, dépôts et chantiers, des fiches conseils décrivant la façon de porter un masque ou les protocoles d’intervention chez les particuliers, ou encore des outils pour préparer, sécuriser et organiser les chantiers.

Mandaté pour élaborer ce guide pratique qui oblitère toute notion de responsabilité de l’employeur, l’organisme de prévention du secteur prend des garde-fous. Il dit insister « sur la nécessité pour les entreprises de suivre strictement les consignes, et à défaut de pouvoir les suivre, de stopper leurs activités ». Une précaution que le gouvernement, accusé de vouloir envoyer les ouvriers du BTP au casse-pipe, a également faite sienne. « Pour les chantiers dans l’impossibilité d’adapter leur fonctionnement ou de mettre en œuvre les recommandations applicables, les entreprises concernées pourront faire appel aux dispositifs de soutien […], notamment l’activité partielle », rappelle ainsi le gouvernement dans un communiqué.

La responsabilité de l'employeur en question

Au lendemain de la publication du guide, les questions abondent déjà dans la profession, notamment sur les surcoûts que vont engendrer l’entretien des infrastructures et le matériel nécessaire à la protection des salariés, ou encore sur l’impact de telles mesures sur les relations contractuelles entre maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises de BTP.

Les réactions sont contrastées entre les acteurs satisfaits et ceux qui doutent de la mise en oeuvre de telles mesures. "Cela ne résoudra pas tout. Seule une activité partielle sera possible. Reprendre les chantiers à la même cadence qu'avant l'épidémie me semble impossible. Le problème dans tout cela est le renvoi de responsabilité, que les pouvoirs publics, à tort ou à raison, ne souhaitent pas endosser", estime par exemple ce directeur technique chez un gros acteur rennais de la promotion immobilière, dans un post sur LinkedIn. C'est "complètement inapplicable, une usine à gaz impossible à mettre en œuvre", commente à son tour ce dirigeant d'une société niçoise de négoce de matériaux de construction.

Une position partagée par certains syndicats. "Nos organisations refusent une reprise du travail dans le BTP" et "dans les carrières, les tuiles et briques, les cimenteries, les négoces de matériaux", écrivent la CGT, FO, la CFTC et la CFE-CGC dans un communiqué commun publié le 3 avril en fin d'après-midi. "L'objectif (du guide) est bien de faire reprendre l'activité en protégeant juridiquement les employeurs, en utilisant des formules comme 'il est recommandé', 'dans la mesure du possible', 'selon disponibilité', ou en jetant un doute sur la personne à qui incombe les obligations", préviennent les représentants des salariés.

Les préfets, vigies de la reprise des chantiers

De quoi alimenter encore les débats et nécessiter de nouvelles mesures législatives pour réguler les pénalités de retards qui vont commencer à s’accumuler. "Nous n'avons pas vocation à édicter des règles au-delà de ce qui peut concerner les salariés du BTP", tranche pour sa part le directeur général de l'OPPBTP dans une interview à Batiactu.

En attendant, l’État compte bien utiliser la publication du guide pour relancer rapidement l’activité dans la construction. Une circulaire a été adressée aux préfets le 3 avril afin qu’ils « veillent à la poursuite et à la reprise des chantiers ».

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