Hérault
Anne-Lise Melki (Biotope) : "La sauvegarde de la biodiversité réclame de nouveaux talents"
Interview Hérault # Ingénierie # Ressources humaines

Anne-Lise Melki directrice générale de Biotope "La sauvegarde de la biodiversité réclame de nouveaux talents"

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Pionnière en France de l’ingénierie écologique, la société héraultaise Biotope, spécialisée dans la conservation de la nature et la gestion des espaces naturels, lance un plan d’embauche portant sur 200 postes. Pour sa directrice générale Anne-Lise Melki, la prise de conscience économique autour des enjeux de biodiversité se généralise même si de nombreuses actions restent à inventer.

Anne-Lise Melki dirige, avec Frédéric Melki, la société Biotope, fondée à Méze (Hérault) il y a près de 30 ans — Photo : Biotope

Biotope, qui emploie déjà 400 salariés, ouvre 200 postes supplémentaires d’ici la fin 2022. Qu’est-ce qui motive de tels besoins au sein d’un cabinet d’études ?

Nous sommes positionnés sur la croissance verte, un marché extrêmement porteur. Nous recevons des demandes de plus en plus diversifiées, auxquelles nous devons être en capacité de répondre. Notre activité a toujours été portée par la production d’études réglementaires, et cela reste vrai. Mais de nombreux clients viennent nous voir pour accompagner leurs actions en matière de biodiversité en dehors de ce cadre réglementaire, en lien avec leur politique de RSE. Il s’agit de collectivités territoriales, ou d’entreprises de tous secteurs – comme l’hôtellerie, la promotion immobilière ou l’extraction minière –, qui se questionnent sur leur stratégie de gestion des espaces naturels. Le sujet qui monte le plus est celui de préjudice écologique : celui qui crée ce préjudice doit le réparer, or il faut trouver des milieux adaptés pour mettre en œuvre cette réparation. En parallèle, nous devons aussi nourrir notre maillage territorial : nous nous appuyons sur 20 agences en France et 4 en Outre-mer, ainsi que 4 filiales françaises et 7 à l’étranger. Nous ouvrons ces postes sur toutes ces entités.

Sur quels critères décidez-vous d’implanter une agence ?

Notre métier est basé sur l’étude de terrain, donc il nous faut être au plus près du terrain à investiguer. Le plus souvent, nous ouvrons une agence quand nous avons capté le marché local, comme nous l’avons fait en 2021 à Strasbourg ou en Guadeloupe. Mais nous en créons aussi, en lien avec deux sujets que nous voulons pousser. D’une part, le secteur des énergies renouvelables marines, pour lequel nous avons installé une équipe de 12 personnes à Nantes. D’autre part, la restauration écologique, qui sera gérée par un nouveau site ouvert près de Salon-de-Provence. Ces deux thématiques réclament des compétences plus fortes, d’autant plus que nous commençons à signer des contrats de suivi sur 30 ans ! Nous recrutons du niveau Bac + 2 à celui de docteur, sans oublier certains diplômes nombreux en région comme les BTS ou les formations d’ingénieurs agronomes.

La jeune génération se dit très engagée sur les enjeux environnementaux. Le percevez-vous dans les réponses à vos campagnes de recrutement ?

Non, ces campagnes sont difficiles. Beaucoup de choses ont changé en 30 ans. Les gens de ma génération auraient pris ces postes sans hésitation. Aujourd’hui, le jeune public en sortie d’études préfère les CDD car il veut rester libre de faire évoluer sa carrière. C’est pourquoi, après avoir détecté un potentiel, nous nous employons à former la recrue afin qu’elle se sente bien tout de suite, à rebours du traitement qu’on a parfois réservé à ce public pendant le Covid. Je travaille à améliorer la visibilité de Biotope pour faire passer ces messages. Par exemple, nous sommes fiers d’avoir récemment décrit 150 espèces nouvelles de poissons en Guyane. Ce sont des apports non négligeables pour la connaissance en biodiversité, qui devraient interpeller les jeunes sensibles à ces sujets.

La filière des énergies renouvelables est en forte croissance, boostée par des plans d’aide massifs en France et en Europe, mais aussi par une innovation technologique constante. Comment vous greffez-vous à cette dynamique ?

Le secteur de l’énergie représente 30 % de notre clientèle. Nous travaillons sur l’éolien de longue date, mais aussi sur les barrages hydrauliques. Notre plus-value réside dans notre capacité à organiser de grandes collectes de données et à les valoriser. Par exemple, nous avons acquis la plus grande expertise sur la mortalité des chauves-souris et des oiseaux causée par les éoliennes. Nous savons tirer de ces données des algorithmes, puis des applications métier que nous mettons à disposition de nos clients. En tant qu’éditeur de logiciels, nous proposons une solution conçue pour arrêter un champ d’éoliennes en cas de recrudescence de collisions, mais aussi pour minimiser cette période d’arrêt. Par ailleurs, l’éolien off-shore nous occupe beaucoup également. Nous sécurisons tous les grands projets de parcs éoliens en mer en cours de développement, et ce depuis le premier du genre, le projet du Tréport, que portait en 2007 l’ex-société montpelliéraine La Compagnie du Vent (rachetée par Engie, NDLR). Inutile de préciser qu’en 2007, l’état des connaissances sur la mortalité des oiseaux et des espèces marines liée à ces opérations était très faible.

Depuis la période que vous citez, la France ne dispose toujours pas d’un seul parc éolien marin en exploitation. L’action des consultants comme Biotope est-elle un accélérateur des procédures, ou le contraire ?

Il est certain qu’il y a une réflexion à mener sur l’amélioration des procédures administratives. Mais il faut garder à l’esprit que ces parcs offshore sont des projets industriels complexes à développer. Il y a de nombreux protocoles de sécurité à mettre en place, ne serait-ce que pour les personnels qui vont travailler au large. Un acteur comme Biotope est là pour sécuriser ces projets. Il est normal de prendre son temps. De plus, nous avons tous conscience qu’il faut lutter contre le réchauffement climatique. Et nous savons tous que la biodiversité ne peut pas continuer à chuter. Il nous faut donc travailler sur ces deux sujets en simultané pour sauvegarder ce qui peut l’être. Ils se nourrissent mutuellement, et à travers l’action de Biotope, ils produisent de nouvelles connaissances.

Quelles sont les demandes des industriels, hors secteur énergétique ?

Les secteurs les plus demandeurs sont le transport et l’industrie extractive, mais les industriels au sens classique le sont encore assez peu. Ils sont dans une approche parfois expérimentale. Sur les sujets techniques, ils ont à leur disposition des méthodes éprouvées, dans l’efficacité énergétique ou le traitement des eaux usées par exemple, où les aléas sont rares. Mais sur un sujet comme le nôtre, la gestion des espaces naturels proches d’un site industriel, l’approche est moins simple. Il faut prendre en compte le phénomène de la biodiversité où, comme nous le disions, il y a peu de retours d’expérience. D’où les besoins en recrutement de Biotope. En attirant de nouveaux talents, nous développerons au mieux l’approche pluridisciplinaire qui inventera les actions adaptées à mettre en place.

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