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Depuis Castres, Sirea fait le pari de la réindustrialisation
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Depuis Castres, Sirea fait le pari de la réindustrialisation

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Depuis son site de Castres, dans le Tarn, Sirea développe depuis 1994 ses solutions sur les marchés de l'automatisme industriel et de l'énergie. Derrière son PDG Bruno Bouteille, la PME porte une conviction : la nécessité de réimplanter des activités industrielles pérennes sur le territoire occitan.

Bruno Bouteille (à gauche), cofondateur et PDG de Sirea Group, et Yannick Barat, chargé d'affaires, à l'occasion de la labellisation « Origine France Garantie » de leur armoire électrique d'autoconsommation AEA3000+ — Photo : ©Sirea Group

Elles ont commencé à prendre place début décembre dans les ateliers de Sirea Group à Castres, dans le Tarn : trois nouvelles machines dédiées à la production de tôlerie pour les armoires électriques et boîtiers électroniques qui constituent les deux ventes phares de la PME (35 salariés, CA 2019-2020 : 5,7 M€). "Notre ancien prestataire en protection métallique a souhaité se réorienter sur d’autres marchés : internaliser cette activité s’est finalement avéré une opportunité pour monter en puissance sur la fabrication standard, et gagner en souplesse pour les produits spécifiques. Ce sera aussi l’occasion d’engager des partenariats avec des sociétés locales qui ont besoin de faire de l’intégration", indique Bruno Bouteille, cofondateur et PDG de Sirea.

Activités pérennes et non délocalisables

Ce choix industriel a un coût : 350 000 euros pour les équipements, pour moitié financés par le Pass Rebond de la Région Occitanie, et quelque 100 000 euros supplémentaires pour les aménagements et la formation des équipes. Mais pour la PME tarnaise, l’investissement a un sens : "Notre stratégie, c’est de se positionner sur des activités pérennes et non délocalisables, résume Bruno Bouteille. Nous nous situons dans un département, le Tarn, qui a connu une forte désindustrialisation durant les dernières décennies : réimplanter de l’activité implique de développer des savoir-faire et des marchés à plus forte valeur ajoutée pour nos PME."

L’entreprise n’entend pas s’arrêter là : elle envisage à horizon 2022 un nouveau projet d’investissement pour intégrer les composants d’électronique de puissance utilisés dans certains de ses produits. "L’objectif, c’est d’intervenir de plus en plus comme industriel sur nos activités", poursuit Bruno Bouteille.

Solutions sur mesure

Sirea Group se déploie sur deux grands marchés : l’automatisme et l’énergie. L'entreprise propose aussi des prestations d’électricité industrielle et, via sa société sœur iAR en Espagne, des solutions de réalité augmentée pour le monitoring des productions. À sa création en 1994, la PME propose ses produits d’automatisme à des industriels de l’automobile puis de l’aéronautique. Dès l’année suivante, elle rachète une société locale d’électricité qui ouvre une première piste de diversification.

Pour ne pas trop dépendre des grands donneurs d’ordre industriels, Sirea engage ensuite des projets avec des acteurs de la santé, de l’énergie et de l’environnement, qui restent aujourd’hui ses trois filières fortes sur l’activité d’automatisme. "Nous fournissons à nos clients des cartes électroniques dédiées au pilotage ou au contrôle de leurs équipements de production. Il s’agit toujours de solutions sur-mesure, qui peuvent être complétées par un accompagnement sur la partie logicielle et sur l’exploitation des données", précise Bruno Bouteille.

Industrie 4.0

À l’heure où l’industrie accélère sa transformation numérique et multiplie les investissements sur les objets connectés (IoT), l’activité d’automatisme a de beaux jours devant elle. La PME a vendu 1 500 boîtiers d’automatisme en 2020 : elle anticipe un doublement de ces volumes à horizon 2023. "Le marché de l’électronique évolue vite : les nouveaux composants sont moins coûteux à l’achat et moins énergivores, ce qui permet d’alléger l’intégration et les infrastructures. Notre feuille de route sur ce marché est de consolider nos positions sur nos secteurs industriels phares", indique Bruno Bouteille. Sirea Group a choisi un positionnement différenciant sur le marché : le traitement de l’information au niveau local, ou edge computing, là où de nombreux fournisseurs de solutions 4.0 privilégient l’envoi des données sur des serveurs centralisés.

Photo : ©Sirea Group

Un choix inspiré par son expérience des solutions de contrôle-commande et de supervision. "Dans l’IoT, beaucoup d’acteurs proposent des capteurs mais peu disposent de solutions pour collecter et traiter la donnée. Avec le edge computing, on revient sur des architectures déjà bien maîtrisées par le monde industriel, qui permettent des approches plus résilientes en cas de défaillances des réseaux."

En novembre, la PME a renforcé son offre d’automatisme sur le marché de l’environnement en rachetant la start-up Sinafis, elle aussi basée à Tarn. La jeune pousse a développé des capteurs pour l’agriculture, complémentaires des solutions de contrôle-commande de Sirea. Pas question pour l’entreprise de se lancer dans la production de masse d’outils de collecte des données. Il s’agit plutôt de développer une offre intégrée pour mieux toucher les exploitants, et de répondre à un axe stratégique fort de la PME : l’engagement sur le développement durable. Les capteurs d’humectation de Sinafis permettent d’ajuster le recours à l’irrigation, afin de réduire la consommation d’eau des cultures des maraîchers et des arboriculteurs.

Efficience énergétique

Le développement durable est aussi un axe fort sur l’autre activité de Sirea : l’énergie. Tout est parti il y a quinze ans des premiers projets réalisés par l’entreprise en Afrique, dans le cadre de projets humanitaires. "Nous avons pris conscience de la problématique des villages isolés, peu ou mal reliés au réseau électrique, et avec une qualité de desserte insatisfaisante, se rappelle Bruno Bouteille. À l’époque, on ne parlait quasiment pas d’autoconsommation en Europe : les solutions que nous avons développées en Afrique sont aujourd’hui au cœur de notre offre pour le marché français." Le groupe a développé plusieurs solutions visant à améliorer l’efficience énergétique des installations, souvent en lien avec son activité d’automatisme : armoires d’autoconsommation pour les particuliers, solutions de pilotage de l’autoconsommation (smart EMS) pour les installations photovoltaïques tertiaires ou industrielles, et plus récemment stations de recharge pour véhicules électriques.

Début 2020, Sirea Group a installé sur son siège à Castres une ombrière photovoltaïque de 21 kWc pour alimenter son bâtiment : elle y a depuis ajouté une borne de recharge, issue de son catalogue, qui alimente ses trois véhicules électriques — Photo : Sirea Group

Sur ces marchés, le groupe bénéficie à plein de l’engouement actuel pour l’autoconsommation en France. "Peu d’entreprises d’automatisme ont la culture de l’énergie, et peu d’électriciens sont en capacité de proposer du pilotage. Notre double expertise est un avantage concurrentiel, et nous permet d’être identifiés par les acteurs du secteur comme une ressource", se félicite Bruno Bouteille. Pour les projets industriels ou tertiaires, Sirea intervient la plupart du temps comme fournisseur sur la brique de contrôle commande. Sur le marché des particuliers, l’entreprise s’appuie sur un réseau de 26 installateurs sur l’ensemble de l’Hexagone.

Début janvier, la PME a lancé une nouvelle version de sa plateforme web autoconsommation.eco en y ajoutant des fonctionnalités. "Les particuliers peuvent réaliser une première estimation de leur projet, incluant les subventions publiques : le site transmet les informations à l’installateur pour qu’il établisse sa proposition. Cette approche nous fait remonter les attentes des clients potentiels, et évite aussi les dérives parfois constatées sur le marché du photovoltaïque en privilégiant des professionnels qualifiés", insiste David Grand, responsable communication du groupe.

Economie de la fonctionnalité

Depuis deux ans, Bruno Bouteille est par ailleurs engagé dans l'association Terres d'EFC Occitanie, qui porte les principes de l'économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC). Une approche qui vise à privilégier la vente d'un usage ou d'un service à celle d'un bien matériel, dans une logique de baisse de la pression sur les ressources. Mais ce qui intéresse le plus le dirigeant de Sirea Group, c'est la transformation des relations entre partenaires que promeut l'EFC : "La démarche rejoint ce qui a été un pilier chez Sirea depuis sa création : accompagner nos clients en termes d’expertises et de services pour consolider leurs solutions et les rendre autonomes. En clair, une relation basée non pas sur la dépendance mais sur la confiance !"

Pour Bruno Bouteille, la notion de partenariats avec les clients et fournisseurs n'est pas qu'un slogan. En septembre 2015, les ateliers de Sirea Group prennent feu : du jour au lendemain, la moitié de l’activité disparaît. Les réseaux économiques tarnais et les industriels voisins se mobilisent pour permettre aux équipes de reprendre le travail. "Cela a été une nouvelle preuve de l'importance de pouvoir compter sur des partenaires locaux, pour se consolider les uns les autres, se souvient Bruno Bouteille. Et cela rejoint nos réflexion sur l'enjeu de réindustrialisation en France : réimplanter des activités pérennes passera, à mon sens, par des PME en capacité de créer du lien entre leurs savoir-faire pour aborder des marchés à plus forte valeur ajoutée."

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