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Rediv accélère dans les vêtements de seconde main en levant 12 millions d'euros
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Rediv accélère dans les vêtements de seconde main en levant 12 millions d'euros

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La société basque Patatam est en pleine mue : renommée Rediv, elle vient de lever 12 millions d'euros auprès de trois fonds d'investissement européens pour accélérer fortement son développement. Recentrée entièrement sur la seconde main en B to B, elle essaime son modèle logistique et grandit rapidement pour faire face à une forte demande.

En 2021, Rediv a collecté 2,5 millions de vêtements et en a remis 1,6 million sur le marché — Photo : Rediv

C’est l’histoire d’un virage à 180 degrés, pris à la fois pour survivre et saisir l’opportunité des nouveaux modes de consommation. Elle débute en 2013 lorsque trois associés fondent Patatam, une plateforme d’achat-vente de vêtements d’occasion à Saint-Pierre-d’Irube (Pays basque). Elle est créée un an après l’arrivée en France d’un ogre lituanien : Vinted. "Jusqu’à fin 2019, nous collections des vêtements via Mondial Relay. On recevait les sacs, on triait, on prenait en photo et on remettait en vente sur notre site internet. Avec Vinted, c’était compliqué de se faire un nom, d’autant plus que nous n’avions pas ses moyens en publicité. En revanche, nous avions acquis une vraie expertise de tri et de qualification et on s’est dit que ce serait dommage de s’arrêter là", raconte Eric Gagnaire, cofondateur de Patatam.

Virage vers le B to B

La suite se fait au culot. "Début 2020, nous sommes allés voir Auchan en leur disant que nous étions capables de leur vendre des vêtements de seconde main. Ils n’ont pas été difficiles à convaincre", continue le chef d’entreprise. Le secteur est en effet en pleine explosion : le marché représentait 1,16 milliard d’euros en 2020 selon Xerfi et Kantar, et sa croissance devrait doubler en Europe d’ici 2026 selon le spécialiste américain de la seconde main Thredup. "En revanche, personne ne savait faire et ils ont été contents qu’on arrive".

"Les particuliers peuvent amener des vêtements en magasin et les échanger contre des bons d'achat"

Le système repose désormais sur deux types de collectes. La première "en magasin pour les enseignes ayant besoin de beaucoup de trafic, prêtes à ce que leur force de vente fasse de la collecte en magasin. Là, les particuliers peuvent amener des vêtements en magasin et les échanger contre des bons d’achat", explique Eric Gagnaire. La seconde repose sur "des labels d’expédition édités auprès de Mondial Relay. Les gens déposent leurs cartons en point Relay et nous leur envoyons un bon d’achat au moment du traitement de leur colis". Enfin, l’offre numérique permet aux marketplaces de promouvoir le service de collecte.

Renforts logistiques

D’abord testé pour Auchan sur 5 magasins en mars 2020, le système de "corners" de seconde main (un espace d’environ 30 mètres carrés où l’on retrouve 4 à 5000 vêtements) a très vite séduit d’autres marques. Un effet "boule de neige" dont se félicite volontiers Eric Gagnaire. "Aujourd’hui, nous gérons 400 points de vente et 2 000 points de collecte". Le changement d’échelle des différentes levées de fonds en est une bonne démonstration. De 700 000 € en 2015 et 3,5 millions d'euros en 2017 levés sur son premier business de l’e-commerce, la société est passée à 7 millions d'euros collectés en 2019 en s’ouvrant à des fonds d’investissement européens : le français Colam Impact, l’espagnol Creas Impacto et le suisse Quadia. Ces derniers viennent de remettre la main au portefeuille en juin en apportant 12 millions d'euros supplémentaires à celle qui se fait désormais appeler Rediv, dont l'actionnaire majoritaire est un fonds d'investissement dont Eric Gagnaire n'a pas voulu dévoiler l'identité.

"L'automatisation est indispensable dans ce marché vu l'importance des volumes traités"

Assumant sa mue totale vers le B2B, l'entreprise est bien aidée par ses centres logistiques à Hastingues (Landes) où se regroupent 160 (et bientôt 200) personnes, Morlaàs (Pyrénées-Atlantiques) où une dizaine d’employés sont concentrés sur les clients numériques (Showroom Privé ou Spartoo, notamment) et Cambrai. Ce dernier est en cours d’installation sur 14 000 m² et entièrement équipé en robots fournis par la start-up nordiste Exotec. "40 salariés arrivent à la fin de l’été, le site sera prêt en janvier 2023. En fin d’année prochaine, nous devrions être environ 400 sur ce site", glisse le PDG. Exotec a aussi équipé le site logistique d’Hastingues. Le tout représente un investissement d’environ 9 millions d'euros. "Un Exotec coûte très cher mais cette automatisation est indispensable dans ce marché vu l’importance des volumes traités […] et c’est une barrière à l’entrée pour nos concurrents".

Ambitions internationales

Face à une solution industrielle en pleine mue, les clients se bousculent : Rediv a signé pour déployer ses corners dans les enseignes de grande distribution (Auchan, Carrefour, Système U, Cora, Intermarché) mais aussi auprès d’autres revendeurs spécialisés dans la vente de textile. Déjà présente dans 50 Kiabi en France, elle va se déployer sur 250 magasins supplémentaires de la marque d’ici à fin 2023. Promod prévoit aussi de s’ouvrir à la revente dans les prochaines semaines. Des accords de collecte de vêtements ont par ailleurs été passés avec le groupe Beaumanoir (qui gère les marques Cache-Cache, Bonobo ou Morgan), Orchestra ou La Redoute.

"Nous visons 15 millions d'euros cette année et pas loin de 45 millions d'euros en 2023"

La société, déjà présente dans plusieurs pays d’Europe (Espagne, Italie, Portugal, Pologne, Hongrie, Roumanie) grâce à ses clients, envisage d’accélérer à l’export, quitte à s’émanciper de ces derniers. "Nous passons beaucoup de temps à chercher du sourcing de collecte plus que des prestataires de revente, sauf à l’étranger pour essaimer le modèle en Europe, notamment en Allemagne", explique le dirigeant. "Nous commençons à avoir des demandes d’acteurs locaux, de grands distributeurs qui veulent faire la même chose. Pour l’instant, nous n’avons pas de filiale locale mais la question d’ouvrir un entrepôt sur place se pose".

Les prévisions de chiffre d'affaires évoluent en conséquence : "Nous réalisions 6 millions d'euros en 2021, nous visons 15 millions d'euros cette année et pas loin de 45 millions d'euros en 2023", prévoit ainsi Eric Gagnaire.

Bientôt des chaussures et des jouets ?

Enfin, Rediv réfléchit déjà à étendre son offre à d’autres types d’articles. En septembre, l’entreprise va lancer une offre destinée à toutes les friperies nationales pour se positionner à la fois sur le casual (son offre habituelle) et un nouveau segment vintage. Elle est en train de mettre en place une autre chaîne d’approvisionnement pour faire de la seconde main sur des produits culturels (jeux vidéo, livres) avec "un leader du marché européen", cherche du sourcing pour s’ouvrir au marché de la chaussure d’occasion et reçoit "énormément de demandes" pour investir le secteur du jouet. "Nous devrions proposer au moins trois nouvelles verticales à nos partenaires l’année prochaine pour enrichir notre catalogue". Qu’on se le dise, l’histoire de Rediv, tout comme celle du marché de la revente, démarre à peine.

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