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Devianne invite la seconde main et l'upcycling dans ses magasins
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Devianne invite la seconde main et l'upcycling dans ses magasins

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Indépendant depuis moins d’un an, le distributeur de prêt-à-porter multimarques Devianne compte se redresser en se positionnant, dès 2022, sur les marchés de la seconde main et du surcyclage (ou upcycling), sous la forme de services. Les particuliers pourront désormais revendre ou transformer leurs vêtements via les 39 magasins de l’enseigne. Les ventes en ligne vont aussi accélérer, grâce au lancement d’une marketplace.

Devianne va proposer, dès 2022, des services autour de la seconde main et de l'upcycling, dans ses 39 magasins en France — Photo : Devianne

En 2022, l’enseigne Devianne fêtera ses 140 ans et probablement le succès de son plan de retournement. Ce distributeur de prêt-à-porter multimarques, basé à Wasquehal (Nord), est indépendant depuis février 2021, en raison de la liquidation du groupe de mode nordiste Verywear, auquel il appartenait. Son ambition est de renouer, dès l’année prochaine, avec le chiffre d’affaires qu’il réalisait avant la crise sanitaire, à savoir 85 millions d’euros, contre 80 millions actuellement. Un cheminement que devrait également suivre la rentabilité. "Nous voulons retrouver, en 2022, le même niveau de rentabilité qu’avant la crise sanitaire. Nous étions alors à l’équilibre", indique Stéphane Roche, directeur général de Devianne.

Une enseigne indépendante

Pour le distributeur nordiste, l’année 2020 a donc été marquée par l’entrée en redressement judiciaire du groupe Verywear, suivie de sa liquidation, sur fonds de crise sanitaire. Cette crise, caractérisée par la fermeture des points de vente durant plusieurs mois, aura été le point d’orgue d’une situation déjà compliquée pour le groupe de mode. "Avant le Covid, nous avons connu des baisses de fréquentation en magasins, liées aux manifestations des Gilets jaunes ou contre la réforme des retraites, explique Stéphane Roche. À présent, Devianne repart allégé de sa dette et des boutiques qui perdaient de l’argent. L’autre enseigne du groupe Verywear, le distributeur de prêt-à-porter Astermod (marques Mustang, Julie Guerlande, C’est beau la vie, etc.), a, elle aussi, pris son indépendance". Devianne emploie 500 collaborateurs et compte 39 magasins en France (contre 43 avant la crise), complétés par un site de vente en ligne, Des Marques et Vous.

Stéphane Roche occupe le poste de directeur général depuis la prise d’indépendance de l’enseigne, afin d’accompagner son retournement. Il est également actionnaire minoritaire de Devianne, aux côtés de la famille de Joël Toulemonde, ex-dirigeant du groupe Verywear, décédé en octobre dernier. Pour accomplir ce renouveau, le distributeur nordiste a retenu plusieurs axes de développement, dont le déploiement d’une gamme de services autour du vêtement. "Il sera toujours possible d’acheter des vêtements multimarques dans les magasins Devianne, mais aussi d’en vendre, d’en réparer ou d’en créer. Nous voulons devenir la première enseigne de mode à faire la vente et l’après-vente d’articles textiles", résume le directeur général.

Accroître le trafic en magasins

Concrètement, cela va se traduire par le lancement, en avril 2022, d’une application baptisée Red (pour Re-Devianne), conçue avec la start-up lilloise MooM. Cette application permet au distributeur de faire un pas sur le marché de la seconde main. Tout particulier souhaitant revendre un vêtement, peu importe la marque, pourra le faire en se rendant dans un magasin Devianne. Le magasin lui rachètera le vêtement au prix du marché, grâce à un algorithme qui scrute les prix pratiqués sur les plateformes de seconde main. "Devianne rachète l’article à un prix juste, contre des bons d’achat, le nettoie, le répare si besoin et le revend ensuite en magasin, dans un espace dédié, résume Stéphane Roche. Cela correspond aux attentes de notre clientèle, âgée de plus de 35 ou 40 ans, qui n’a pas forcément envie de photographier ses vêtements pour les revendre, de préparer des colis ou d’acheter de la seconde main à l’aveugle en ligne".

En plus de la seconde main, Devianne s’aventure aussi sur les terres de l’upcycling, ou surcyclage, une pratique qui consiste à créer un nouveau produit, en valorisant des matériaux usagés. Les particuliers vont pouvoir apporter leurs propres vêtements en magasin, pour les transformer : il s’agira par exemple de les remettre au goût du jour ou même de créer d’autres articles textiles à partir d’eux, comme un sac depuis un pantalon. Ces deux innovations s’inscrivent dans l’ADN de l’enseigne, puisqu'elle a été fondée dans le Nord, en 1882, par Jean-Louis Devianne, un maître tailleur. En outre, "nous avons dans chaque magasin un atelier de couturières, jusque-là dédié à la retouche. Aucune autre enseigne de prêt-à-porter n’a ça, ni en France, ni en Europe", affirme le dirigeant. Il a donc choisi de capitaliser sur cette particularité, et même de la renforcer, puisque l’enseigne prévoit d’embaucher une cinquantaine de couturières pour mettre en œuvre ces services, dans l’ensemble des 39 magasins.

Face à l’actuelle pénurie de main-d’œuvre, Devianne a noué un partenariat avec l’école de couture Informa, basée à Roubaix (Nord), pour créer la Red Académy, une formation d’une durée d’un an, dédiée au stylisme et à l’upcycling. "Nous aurons des promotions de 13 personnes, qui passeront 3 semaines en magasin et une semaine à l’école", précise le dirigeant. Cette Red Académy doit démarrer en janvier 2022.

Une accélération sur le numérique

Avec ces nouveaux services, Devianne ne cherche pas à s’imposer comme un acteur de la seconde main ou de l’upcycling. La volonté première du dirigeant, c’est de dynamiser la fréquentation de ses 39 magasins. "Pour le moment, l’objectif est simplement de retrouver un trafic positif. Le marché du prêt-à-porter connaît un trafic en baisse depuis quelques années, en raison de facteurs conjoncturels, comme la crise sanitaire, ou structurels, comme l’essor du numérique". Devianne ne manque d’ailleurs pas d’ambitions sur ce dernier volet. L’enseigne réalise déjà 10 % de son activité en ligne, via le site Des Marques et Vous. Un score qu’elle compte encore améliorer ces prochaines années en lançant une marketplace, courant 2022, en partenariat avec une licorne française de l’e-commerce, Mirakl. "Elle va codévelopper avec nous cette marketplace, qui va proposer des articles de grandes marques internationales. Nous comptons ainsi multiplier par quatre nos références en ligne".

Ces grandes marques plaisent à la clientèle sur le web, comme en magasins : Stéphane Roche a ainsi choisi de réduire à un tiers la part des six marques propres présentes en boutiques, contre deux tiers auparavant. Au total, ces nouveaux services, ainsi que le lancement de la Red Académy et de la marketplace, représentent un investissement de 5 à 6 millions d’euros, sur ces trois prochaines années, financé en fonds propres. Ce montant comprend aussi la rénovation de certains magasins, sachant qu’"aucune ouverture n’est prévue d’ici trois ans".

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