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Les Paysans de Rougeline cultivent leurs ambitions environnementales
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Les Paysans de Rougeline cultivent leurs ambitions environnementales

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Le groupement coopératif des Paysans de Rougeline, basé à Marmande (Lot-et-Garonne), a bouclé l’année 2022 sur un chiffre d’affaires en hausse, en trompe-l’œil dans un contexte d’inflation toujours tendu. Pas de quoi toutefois entraver les ambitions de l'entreprise en matière d'environnement.

Le groupement coopératif Paysans de Rougeline produit annuellement 85 000 tonnes de fruits et légumes, essentiellement des tomates — Photo : Paysans de Rougeline

C’est un équilibre tendu auquel se livre la coopérative lot-et-garonnaise Paysans de Rougeline (196 coopérateurs, 3 000 emplois). Dans son dernier bilan économique, elle présente un chiffre d’affaires 2022 en hausse de 6 % à 191 millions d’euros, une performance à nuancer face à des volumes de production en baisse de 5 % et une inflation qui pèse de plus en plus lourd dans sa balance, ses coûts de production ayant augmenté de "30 % en moyenne".

Les coopérateurs de Rougeline, présents dans sept grands bassins de production, regroupent ainsi 85 000 tonnes de fruits et légumes dont 73 000 tonnes de tomates. Le directeur général de la coopérative marmandaise se questionne déjà sur la tenue de l’exercice 2023, qui débute. "Comme notre marché est quotidien, notre prix moyen ne sera connu qu’à la fin de la saison, en octobre ou novembre 2023. Face à nous, le marché est incertain, tenu en pression par la chappe du pouvoir d’achat et la réalité de ce que sera le comportement des consommateurs dans les mois qui viennent. Tous les paris sont ouverts mais l’enjeu principal va être de résister pour passer le cap", précise ainsi Gilles Bertrandias.

Gilles Bertrandias, directeur général des Paysans de Rougeline et président du collectif "Nouveaux Champs", qui porte le label "Zéro Résidu de Pesticides" — Photo : FACENDA

Chemins de diversification

Pour se différencier et proposer des produits à plus forte valeur ajoutée, le groupement mise sur la diversification de ses gammes. Sur 1 000 hectares de production "Paysans de Rougeline", 700 sont en plein champ et 300 sont couverts, dont 168 hectares sous écoserre. Ce modèle de serre écologique que la coopérative a initié privilégie les énergies alternatives pour chauffer les serres, réduit la consommation d’eau, gère mieux les déchets produits et introduit des insectes "utiles" pour limiter les attaques de ravageurs et l’utilisation de pesticides. Ainsi, 45 % de ses surfaces de serres de Paysans de Rougeline disposent d’une énergie alternative, seule ou mixte.

Plusieurs modèles sont testés : géothermie, biomasse et même une serre landaise (à Parentis-en-Born) alimentée depuis 2015 par de l’énergie issue du traitement de déchets ménagers. En 2022, les serres d’Auïtou (Corrèze) ont produit 2 500 tonnes de tomate en les nourrissant en eau de pluie récupérée, et prévoient d’en produire 4 100 en 2023. Plusieurs projets de solaires thermique, de géothermie, de chaudière biomasse ou de récupération de chaleur fatale sont déjà à l’étude pour augmenter cette part d’énergies alternatives.

"C’est en Nouvelle-Aquitaine que nous sommes les plus avancés. Cette préoccupation nous a donné une forme de résilience l’année dernière par rapport à la flambée des coûts de l’énergie. On développe cinq à six projets de ce type par an mais tout ne va pas au bout parce qu’il faut connecter du foncier ou s’assurer des ressources en eau pour qu’ils aboutissent. Il faut 1,5 à 1,8 million d’euros pour investir dans une nouvelle serre, donc nous avons besoin de sécurité pour réaliser tout ça", explique Gilles Bertrandias.

Guerre des labels

Une sécurité facilement remise en cause par la consommation : si les 1 000 tonnes produites en bio (maraîchage et kiwis) ne sont pas le cœur de la stratégie de Rougeline, limitant ainsi l’impact de la crise du bio, 72 % de ses surfaces de production sont en Haute Valeur Environnementale, une certification remise en cause devant le Conseil d’État par un collectif d’associations pour "tromperie du consommateur". Un faux débat pour le patron de Rougeline. "HVE est un peu otage d’un combat politique. Je ne trouve pas beaucoup de sens à opposer les agricultures. Il y a autre chose à faire que d’alimenter cette guéguerre sur certification HVE, relativement récente et dont les référentiels évoluent".

En revanche, le label Zéro Résidu de Pesticides, lui, affiche une meilleure santé avec une hausse de 9 % de son chiffre d’affaires en 2022. Chez Rougeline, ce label porté par le collectif Nouveaux Champs (dont Gilles Bertrandias est le président), représente 15 % du chiffre d’affaires, la majorité en grande distribution, Intermarché représentant 27 % des parts de marché des légumes portant l’étiquette verte. "Nous voulons augmenter cette part dans les années à venir, sachant que nous sommes sur des prix de 20 à 30 % supérieurs au conventionnel mais moins chers que le bio. Dans les bonnes pratiques de l’écoserre, certaines sont au service du label, dont le bénéfice direct sur la protection de l’agriculture parle d’avantage aux consommateurs", poursuit le porte-parole.

Pour concurrencer l’import, Rougeline va augmenter sa production de tomates cerises pour alimenter une référence de barquette qui cherche à se passer totalement de plastique — Photo : Paysans de Rougeline

Plastique et souveraineté

Enfin, Les Paysans de Rougeline travaillent encore à supprimer le plastique de ses emballages. S’il l’a diminué de 140 tonnes en 2022 et qu’il a mis en place des barquettes 100 % cartons sur des "volumes mineurs" de tomates en 2022, le groupement de producteurs travaille à une barquette en carton protégée par un emballage en papier translucide, qui sera disponible en 2023 sur quelques références comme les tomates cerises, pour lesquelles il a développé un format 200 grammes à 0,99 centime pour concurrencer l’import, qui représente la moitié de la consommation des fruits et légumes en France. "On veut passer de 1 600 distribuées en 2022 à 2 800 tonnes en 2023 sur ces barquettes", termine le directeur de Rougeline, n’hésitant pas à se positionner en chantre du local, 78 % des fruits et légumes produits par ses coopérateurs ayant été consommés dans leur région de production en 2022.

Face à un solde commercial agricole en dégradation depuis dix ans, le combat de la "souveraineté alimentaire", largement commenté à l’occasion du Salon de l’Agriculture, est loin d’être gagné pour le directeur du groupe. "La planète alimentaire dort sur un volcan. Beaucoup d’efforts sont faits au service de cette équation entre alimentation et santé, mais tout cela pèse sur les épaules des agriculteurs. Nous voulons montrer qu’il est possible de développer de la production en France". Le futur label rouge et l’IGP pour la tomate de Marmande, derniers combats en dates des agriculteurs lot-et-garonnais, en sont sans doute la dernière illustration. Rougeline, qui en a commercialisé 1 000 tonnes en 2022, espère bien y contribuer.

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