Recrutement de salariés handicapés : en 2020, toutes les entreprises seront concernées
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Recrutement de salariés handicapés : en 2020, toutes les entreprises seront concernées

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En 2020, toutes les entreprises seront concernées par la loi sur l’emploi de personnes handicapées. Entre nouvelle législation, rôle social de l'entreprise et quête de la performance, le handicap devient plus que jamais l'affaire de tous.

Plus de la moitié des entreprises de plus de 20 salariés respecte l’obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés. Mais attention, le mode de calcul change en 2020. — Photo : @StockPhotoPro - stock.adobe.com

Les employeurs osent de plus en plus se confronter à la différence. En 2016, 80 % des entreprises privées de 20 salariés et plus employaient au moins une personne en situation de handicap. C’est 20 points de plus qu’en 2006. Dans le même laps de temps, la part d’entreprises ne menant aucune action positive en faveur du handicap s’est, elle, réduite, tombant de 29 %, en 2006, à 8 %, en 2016. Désormais, plus de la moitié des entreprises respecte l’obligation d’emploi de 6 %. L’emploi de personnes handicapées est donc en croissance. Mais le taux de chômage de cette population reste extrêmement élevé. Il est deux fois plus supérieur au taux de chômage moyen.

Le déclic de la loi du 11 février 2005

À l’origine de l’amélioration de l’emploi des personnes handicapées : la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle détermine les obligations des employeurs. Elle s’adresse à toute entreprise d’au moins 20 salariés. Les effectifs de ces entreprises doivent compter au minimum 6 % de personnes handicapées. Soit en recrutant, ou bien en sous-traitant au secteur protégé ou adapté, en accueillant des stagiaires handicapés ou en concluant un accord de branche ou d’établissement portant sur l’emploi des personnes handicapées.

Les entreprises qui ne remplissent pas ces obligations versent une contribution financière à l’Agefiph. Celle-ci est comprise entre 400 et 600 fois le Smic horaire par salarié handicapé manquant. Par exemple, si une entreprise de 100 salariés n’emploie que trois collaborateurs handicapés sur les six exigés par la loi, elle devra s’acquitter d’une cotisation de 12 000 euros. La facture s’alourdit encore pour les entreprises qui n’emploient aucune personne handicapée et n’ont entrepris aucune action concrète en leur faveur pendant plus de trois. La contribution est alors équivalente à 1 500 fois le Smic horaire par personne handicapée manquante.

Ce qui change en 2020 pour les entreprises

La réglementation s’apprête à évoluer, toujours dans le but d’inciter les entreprises à recruter des personnes handicapées. En 2020, toutes les entreprises, y compris celles de moins de 20 salariés, devront déclarer leur nombre de salariés handicapés. Pour éviter un surcroît de paperasse, la déclaration se fera via la Déclaration sociale nominative (DSN). Toutefois, seules les entreprises de plus de 20 salariés continueront d’être soumises à une obligation d’emploi de 6 %, sous peine de pénalités financières.

Et elles peuvent d’ores et déjà sortir la calculette, car les règles du jeu changent l’an prochain. D’une part, seuls les emplois directs (CDI, CDD, stage, intérim, etc.) seront pris en compte. Les contrats de sous-traitance avec les entreprises adaptées, les établissements et services d’aide par le travail (Esat) ou le recours aux travailleurs indépendants, ne rentreront plus dans le calcul de l’obligation de 6 %. Ces formes d’emplois indirects permettront toutefois de réduire la contribution financière Agefiph de l’entreprise.

D’autre part, l’unité d’assujettissement ne sera plus l’établissement mais l’entreprise. « Un changement majeur, puisque pour une entreprise possédant plusieurs établissements, l’obligation d’emploi ne s’appliquera plus à chaque établissement individuellement, mais à la somme des effectifs des établissements de l’entreprise. Des aménagements de transition seront proposés jusqu’à fin 2024 », explique Hugues Defoy, directeur de la mobilisation du monde économique et social, à l’Agefiph. Délivrant conseils et aides financières, l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées constitue un excellent centre de ressources pour les entreprises qui font face à une problématique liée au handicap.

Entre performance et charge supplémentaire

Reste à savoir si ces aménagements législatifs permettront de réduire les 19 % de taux de chômage des travailleurs handicapés en France. Car, si elle est généralement vécue comme une contrainte pour les dirigeants d’entreprise, la loi a, dans le passé, fait ses preuves. D’abord, la crainte des sanctions pécuniaires a amélioré l’employabilité des populations en situation de handicap. Ensuite, cette contrainte a permis de faire un peu évoluer les mentalités. Les dirigeants sont en effet moins réfractaires qu’il y a dix ans.

Mais une enquête menée par l’Agefiph, en octobre 2018, montre que les employeurs perçoivent le recrutement de personnes handicapées aussi bien comme une opportunité, que comme une charge supplémentaire. Deux dirigeants sur trois estiment encore que le recrutement d’une personne handicapée est difficile. Ce sentiment est ressenti plus fortement dans les zones rurales et par les petites entreprises.

« 80 % des handicaps ne se voient pas. Les aménagements de poste ne sont donc ni systématiques, ni forcément coûteux. »

L’enquête montre aussi que les entreprises voient du positif dans l’intégration de travailleurs handicapés. C’est l’opportunité de s’ouvrir à de nouveaux profils, de stimuler la performance et l’innovation au sein des équipes. C’est aussi une occasion pour mettre en place de nouvelles organisations, favorables à la qualité de vie au travail, à l'image du mode de management Cristal mis en place chez Bretagne Ateliers, près de Rennes. Selon une étude MKTG 2018, près de 8 décideurs RH sur 10 se disent prêts à soutenir l’embauche de personnes handicapées. Et dès lors que le personnel a l’expérience du travail avec des collègues handicapés, la perception de facilité d’intégration grimpe.

Malgré tout, certains clichés ont la vie dure. Entre fauteuils roulants et cannes blanches, les dirigeants imaginent souvent que leurs locaux sont inadaptés. En réalité, seules 2 % des personnes sont en fauteuils roulants. « Il faut revenir à une juste représentation du handicap, rappelle Hugues Defoy. 80 % des handicaps ne se voient pas. Les aménagements de poste ne sont ni systématiques, ni forcément coûteux. Et quand il y en a, il est important d’échanger avec le personnel, pour informer et ne pas laisser croire à un traitement de faveur. »

Si le handicap est rarement visible, il gagne du terrain en France. Selon l’Insee, en 2017, 2,8 millions de personnes d’âge actif ont une reconnaissance administrative de leur handicap (7 % du total), en croissance de 4 % en deux ans. Les carrières s’allongent et les accidents de la vie touchent toute la population (seuls 15 % des handicaps sont de naissance). Pour ces raisons aussi, inclure les personnes handicapées dans l’entreprise, devient un peu plus l’affaire de tous.

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