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La polémique autour du vaccin de Valneva révèle le problème profond du financement des biotechs
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La polémique autour du vaccin de Valneva révèle le problème profond du financement des biotechs

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Première biotech à avoir trouvé un vaccin contre le Covid-19, le nantais Valneva produira son vaccin en Angleterre et non en France. "Ce terrible sentiment de gâchis face à cet échec français et européen" comme le dénonce par Christelle Morançais est partagé depuis longtemps par le secteur des biotechs et en particulier par les biotechs nantaises très engagées contre le Covid-19. Il révèle le fossé qui s'est creusé depuis des années entre les Etats-Unis et l'Europe sur la question du financement des biotechs.

Un des laboratoires de la biotech Valneva — Photo : © Andi Bruckner

La polémique a enflé ces derniers jours : la biotech nantaise Valneva (500 salariés, 130 M€ de chiffre d'affaires en 2019), la première biotech française à avoir trouvé un vaccin contre le Covid-19, ne produira pas son vaccin en France et ne vaccinera pas les Français en premier. Les Britanniques, avec qui l'entreprise a signé un partenariat cet été, seront servis avant. Les Européens attendront 2022.

Comme le soulignait la présidente de la Région Pays de la Loire Christelle Morançais le 1er février, ce "terrible sentiment de gâchis et d’incompréhension qui domine face à cet échec français et européen" révèle le problème très ancien du financement des biotechs françaises.

L'Union européenne aux abonnés absents

Retour en arrière. L’accord de Valneva avec le Royaume-Uni a été conclu le 20 juillet. Il était alors déjà question de fournir jusqu’à 100 millions de doses du vaccin en cours d’élaboration contre le Covid-19. Le gouvernement britannique s’engage également à investir dans l’usine de Valneva située à Livingston, en Écosse, afin d’en augmenter les capacités de production, ainsi qu’à financer les essais cliniques du vaccin. Un contrat qui pouvait représenter jusqu’à 1,4 milliard d’euros de revenus pour Valneva.

Valneva n’a alors pas de retours de la part de l’Union européenne. Celle-ci, qui centralise la procédure pour les 27 États membres, décidait au même moment de conclure des accords avec quatre autres laboratoires : le français Sanofi (qui a, depuis, annoncé qu’il abandonnait ses recherches), l’américain Johnson & Johnson, l’allemand Curevac et le britannique AstraZeneca.

Pendant ce temps-là, de l’autre côte de l’Atlantique, dès le mois de mars 2020, les États-Unis passaient des précommandes et accordaient des financements de l’ordre de 1 milliard de dollars à Johnson & Johnson, 2 milliards à Pfizer et 2,5 milliards à Moderna.

Le fossé entre les États-Unis et l’Europe

La crise a révélé le fossé qui s’est creusé entre les États-Unis et l’Europe sur le sujet plus global du financement des biotechs, le nerf de la guerre dans la course aux vaccins.

Franck Grimaud, le directeur général de Valneva, qui est aussi le président du pôle de compétitivité Atlanpole Biothérapies, le déplorait déjà cet été dans nos colonnes : "Aux États-Unis, 500 millions d’euros ont mobilisés par projet dès le mois de février. Il a fallu attendre juin pour que l’Union européenne annonce qu’elle centralisait les demandes, puis août pour avoir des précommandes. Il faudrait que l’Europe monte un fonds de 2 à 3 milliards qu’elle puisse débloquer à tout moment", précise-t-il.

"Il faut absolument renforcer les financements, abonde l'association France Biotech dans un communiqué publié le 3 février. Le modèle des biotechs est basé sur l'atteinte de jalons créateurs de valeur et non sur des métriques financières classiques. Dans ce contexte, ces entreprises ne génèrent pas de chiffres d'affaires pendant plusieurs années et nécessitent de lourds investissements".

Pour répondre à l’avenir à ses besoins de financements, Valneva, cotée en Bourse en France, a annoncé, en novembre, qu’elle envisageait une cotation aux Etats-Unis sur le Nasdaq, seule solution pour trouver assez de financement pour la dernière phase de développement de son vaccin contre la maladie de Lyme.

Les biotechs nantaises toujours en course contre le covid-19

Le sujet n’est pas nouveau. Depuis des années, les biotechs françaises se plaignent du manque de financement européen. "En Europe, il n’y a même pas de fonds dédiés alors qu’aux États-Unis, il y en a 25", déplorait Franck Grimaud en septembre. "Le Covid-19 a fait prendre conscience qu’il fallait se donner les moyens pour développer un produit et donc faire venir des investisseurs internationaux", pointe Maryvonne Hiance, ancienne présidente de France Biotech et vice-présidente d’Osé Immunotherapeutics, l’autre biotech nantaise qui développe elle aussi un vaccin contre le Covid-19.

Car en dépit de ce contexte, les biotechs nantaises parviennent à tirer leur épingle du jeu. Ainsi Osé Immunotherapeutics (40 salariés, 10 M€ de CA) a commencé l’essai clinique de son vaccin contre le Covid-19. La première aide de la part du gouvernement français est arrivée en décembre : 5,2 millions d'euros venant de Bpifrance. "Ce vaccin a vocation à anticiper une évolution et une mutation du virus, ce qui devrait renforcer son potentiel de protection à long terme", indique Osé Immunotherapeutics.

Autre biotech nantaise toujours dans la course au vaccin, Xenothera a affirmé cette semaine que le Xav-19, son traitement anti Covid-19, était efficace. Il aurait même un effet bloquant "contre les différents variants circulant actuellement, dits britannique, sud-africain, brésilien, danois et écossais." Le Xav-19 est actuellement en essai clinique en France et a reçu le label "priorité nationale de recherche" en décembre. À ce jour, une vingtaine d’hôpitaux proposent aux patients volontaires de participer à l’essai piloté par le CHU de Nantes.

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