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Les biotechs nantaises dans la course contre le Covid-19
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Les biotechs nantaises dans la course contre le Covid-19

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Osé Immunothérapeutics, Valneva et Xenothera. Trois biotechs nantaises se sont lancées dans la course contre le Covid-19. Vaccins ou traitements, chacune d'entre elles est partie sur des pistes de recherche et des modèles de financements différents. Toutes parient sur une production pour 2021.

— Photo : Xenothera

Elles se sont lancées dans la course contre le coronavirus dès le confinement. Dès le mois de mars, les biotechs Osé Immunotherapeutics basée à Nantes et Valneva installée à Saint-Herblain engageaient leurs équipes dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19. La nantaise Xenothera est de son côté sur la piste d’un traitement aux coronavirus depuis plusieurs années et s’est focalisée sur le Covid-19 dès les premières alertes en Chine. Six mois plus tard, toutes ont obtenu des premiers résultats pré-cliniques positifs et se préparent à entrer en phase 1 de développement clinique. Xenothera a même annoncé être entrée en phase 2 mi-septembre. Objectif : présenter un remède ou un vaccin courant 2021. Toutes trois restent donc dans la course mondiale engagée contre le Covid-19.

Rien ne garantit que les projets des américains Moderna et Pfizer, du britannique AstraZeneca et du chinois Sinovac, entrés en juillet en phase 3 de développement - la dernière étape de tests avant l’autorisation de mise sur le marché - aboutissent. Quelque 168 vaccins sont en cours de développement dans le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Parmi les biotechs en lice, les nantaises conservent toutes leurs chances de décrocher le Graal. « Nous avons pour objectif que les premières doses du vaccin soient disponibles à l’été 2021. Sanofi annonce son vaccin pour le printemps. Nous sommes donc tout à fait dans la course. Si jamais il y avait trop de vaccins disponibles sur le marché européen, nous les mettrions à la disposition d’autres États, notamment moins riches », avance Franck Grimaud, directeur général de Valneva.

Chez Osé Immunotherapeutics, 20 collaborateurs sont mobilisés sur la recherche d'un vaccin contre le covid 19. — Photo : Osé Immunotherapeutics

Les trois biotechs nantaises sont parties sur des recherches et des modes de financement différents. La plus avancée est Valneva (plus de 500 salariés, 130 M€ de CA en 2019). Elle prévoit de débuter la phase 1 d’ici la fin de l’année et de produire les premières doses du vaccin à l’été 2021. « Valneva a fait le choix de développer un vaccin selon une approche éprouvée, la même que celle qui est utilisée pour le vaccin contre la grippe, l’hépatite A ou encore Ixiaro, notre vaccin contre l’encéphalite japonaise. L’intérêt de cette technologie inactivée est qu’elle est bien connue et réputée sûre. Elle permet de vacciner tout le monde, y compris les personnes les plus fragiles », explique Franck Grimaud.

Des phases 1 prévues pour fin 2020

Chez Osé Immunotherapeutics (40 salariés, 10 M€ de CA), les 20 personnes dédiées à la recherche sont mobilisées sur le sujet depuis mars. Nom du vaccin : CoVepiT. « Nous avons décidé de faire des recherches sur les lymphocytes T mémoires. On avait déjà travaillé sur le sujet pour des programmes précédents. Seules quelques biotechs travaillent sur le même sujet dans le monde. À ma connaissance, nous sommes à ce jour les seuls à avoir publié des résultats positifs », rapporte Alexis Peyroles, directeur général de la biotech nantaise créée en 2013. Osé Immunotherapeutics prévoit, comme Valneva, d’entrer en phase 1 sur CoVepiT fin 2020.

Franck Grimaud, directeur général de l'entreprise lyonnaise Valneva et président du pôle de compétitivité Atlanpole Biothérapies à Nantes — Photo : Valneva

En France, une dizaine de biotechs seraient actuellement engagées dans cette course au vaccin, selon France Biotech, l’association qui réunit les entreprises de biotechnologies françaises. « Il doit y en avoir une vingtaine en Europe dont dix qui ont les capacités de développement et de production », précise Franck Grimaud, également président d’Atlanpole Biothérapies, le pôle de compétitivité qui fédère les compétences des laboratoires, plateformes et entreprises du Grand Ouest.

Xenothera (8 salariés, pas encore de CA), qui est parti en quête d’un traitement, a démarré mi septembre les inclusions de l’essai clinique de phase 2 de son traitement XAV-19. Il est coordonné par le CHU de Nantes. Ce traitement, qui pourrait être commercialisé en 2021, est basé sur la production d’anticorps protecteurs et destiné aux patients en début d’hospitalisation. Il enrayerait l’aggravation de la maladie et éviterait notamment un transfert en réanimation.

C’est depuis 2015 que Xenothera oriente ses microscopes sur la famille des coronavirus. « Nous savions qu’ils étaient susceptibles de provoquer des infections graves, qu’ils étaient hautement contagieux et qu’il n’y avait pas de solution vaccinale », se souvient la fondatrice et présidente de la biotech Odile Duvaux.

« Pour le covid, le financement doit être assumé par les pouvoirs publics »

Odile Duvaux, Alexis Peyroles, Franck Grimaud ont constamment un œil sur les résultats cliniques et un autre sur les finances de l’entreprise. Produire un traitement ou un vaccin coûte cher. Facilement plus de 200 millions d’euros. La recherche de fonds était déjà un parcours semé d’embûches avant la crise sanitaire. La pandémie chamboule un peu les habitudes.

Pas possible, comme il est d’usage dans les dernières phases de développement classique d’un vaccin, de demander à une big pharma de sortir le portefeuille. « Pour le covid, cela doit être assumé par les pouvoirs publics, c’est un risque trop important pour les big pharma. Personne ne sait ce qui va marcher ou pas. On ne sait même pas si on va avoir besoin de ces vaccins », explique Franck Grimaud.

La biotech Xenothera développe le Xav-19, un remède au Covid — Photo : Xenothera

Pour financer leur course contre le Covid, chacune des biotechs nantaises a choisi un chemin différent. Xenothera, qui ne dégage pas encore de chiffre d’affaires, a décidé de faire appel aux particuliers puis aux pouvoirs publics dès les premières phases de développement. Dès la mi-mars, Odile Duvaux lançait un appel pour lever 3 millions d’euros. Dons de particuliers, subventions de Nantes Métropole, de la Région des Pays de la Loire et de l’Union Européenne mais aussi soutien de ses actionnaires et prêt de Bpifrance : elle parviendra finalement à dépasser les 10 millions d’euros en quatre mois. Un record. Et un soulagement : « Nous avons pris des risques entrepreneuriaux en avançant dans la mise au point du médicament sans attendre d’avoir réuni les financements nécessaires », indiquait en avril Odile Duvaux.

Un soutien de l’État à hauteur de 5 millions d’euros est destiné à la production des premiers lots cliniques puis, si tout va bien, à un traitement à l’échelle industrielle. « Mais attention, observe Odile Duvaux, les versements de l’Europe et de l’État sont conditionnés à des franchissements d’étapes, dont les essais cliniques. »

Osé Immunotherapeutics a aussi reçu une aide de Nantes Métropole pour financer le début des recherches, mais la biotech assume l’essentiel de ses recherches sur fonds propres pour le moment. « Pour les phases intermédiaires 1 et 2, cela devrait coûter 15 millions d’euros. Même si nous n’avons pas eu besoin de lever des fonds depuis notre introduction en Bourse en 2015 grâce à nos accords avec des pharmas, Nous devrons être soutenus pour ces étapes cliniques de notre projet CoVepit », indique Alexis Peyroles.

Un marché à plus d’un milliard d’euros

Osé Immunotherapeutics ne pourra pas non plus se passer du soutien des pouvoirs publics pour financer la phase 3 de développement de son vaccin. Cette dernière étape avant la production est aussi la plus coûteuse puisqu’il faut financer des études cliniques sur 40 000 personnes. Comptez plus de 50 millions d’euros. À ce stade, Osé Immunotherapeutics aura besoin d’un coup de pouce comme une pré-commande d’un État. L’Union Européenne, qui centralise la procédure pour les 27 États membres, a conclu cet été des accords avec 4 laboratoires : le Français Sanofi, l’Américain Johnson & Johnson, l’Allemand Curevac, le britannique AstraZeneca.

Valneva a, de son côté, déjà conclu un accord avec le Royaume-Uni pour fournir jusqu’à 190 millions de doses de son vaccin contre le Covid-19. Ce marché pourrait représenter jusqu’à 1,4 milliard d’euros de revenus pour Valneva entre 2021 et 2025. Le gouvernement britannique s’est également engagé à investir dans l’usine de Valneva située à Livingston en Écosse, afin d’en augmenter les capacités de production, ainsi qu’à financer les essais cliniques du vaccin. Valneva est également en discussion avec l’Union Européenne et d’autres gouvernements.

Ces engagements des États sont des passeports indispensables pour rester dans la course mondiale au vaccin. Si la crise sanitaire a fait prendre conscience à tous les gouvernements de la nécessité d’avoir une souveraineté nationale sur le sujet des vaccins, la crise a révélé le fossé qui s’est creusé entre les États-Unis et l’Europe sur le sujet plus global du financement des biotechs.

Le président d’Atlanpole Biothérapies déplore le retard pris par l’Union Européenne par rapport aux États-Unis. « Aux États-Unis, ils ont mobilisé 500 millions d’euros par projet tout de suite, dès le mois de février. Il a fallu attendre juin pour que l’Union Européenne annonce qu’elle centralisait les demandes, puis août pour avoir des pré-commandes. Il faudrait que l’Europe monte un fonds de 2 à 3 milliards qu’elle puisse débloquer à tout moment », précise-t-il. Pas question pour la France d’aller seule sur ces sujets, elle n’aurait pas les moyens d’assumer tous ces investissements.

Le covid a déclenché une prise de conscience

Le sujet n’est pas nouveau. Depuis des années, les biotechs françaises se plaignent du manque de financement. Certaines sont contraintes de partir aux États-Unis pour continuer leur développement. « En Europe, il n’y a même pas de fonds dédiés, alors qu’aux États-Unis, il y en a 25 », déplore Franck Grimaud. « Le Covid-19 a fait prendre conscience qu’il fallait se donner les moyens pour développer un produit et donc faire venir des investisseurs internationaux », pointe Maryvonne Hiance, vice-présidente d’Osé Immunotherapeutics et de France Biotech. C’est ce qui l’a amenée à organiser la deuxième édition de HealthTech Innovation Days à Paris, les 5 et 6 octobre prochains. Objectif : attirer les principaux groupes pharmaceutiques internationaux et les investisseurs.

La crise pourrait-elle les convaincre d’investir dans les pépites françaises ? Le gouvernement, semble, enfin, prendre le sujet en main.


« Il y a aujourd'hui une volonté politique »

Le gouvernement surveille de près les travaux des biotechs françaises. C’est ce que constate Franck Mouthon, président de France Biotech. « Depuis le début de la crise, nous avons des réunions régulières avec les pouvoirs publics. Il y a aujourd’hui une volonté politique pour que les administrations et autorités publiques (régulateurs, évaluateurs, payeurs, financeurs...) contribuent, en tiers de confiance, au rayonnement de la France en matière d’attractivité et de compétitivité dans le secteur de l’innovation en santé pour notre indépendance sanitaire et pour la création de richesse sur notre territoire.»

Le gouvernement a aussi pris conscience de la nécessité de devenir indépendant sur le sujet de la production de médicaments. « Aujourd’hui, à part Sanofi, il n’existe pas de structures. Ce n’est pas suffisant ». Peut-être dans l’ouest ? Signe que l’ouest pourrait en effet être une éventuelle terre d’accueil, un des membres du gouvernement s’est déplacé pour évoquer le sujet à l’assemblée générale d’Atlanpole Biothérapies, début septembre.

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