Crise de l’énergie : le gouvernement se prépare à des coupures d’électricité
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Crise de l’énergie : le gouvernement se prépare à des coupures d’électricité

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La menace se précise. Face au risque de pénurie d’électricité en janvier, l’État accélère les préparatifs de son "plan national de délestage". Au programme : des coupures de courant localisées et temporaires. Pour éviter d’en arriver là, les autorités en appellent de nouveau à la "sobriété" des entreprises.

Pour éviter les délestages, cet hiver, le gestionnaire du réseau électrique RTE exhorte les entreprises en général, et les occupants des immeubles de bureaux en particulier, à se convertir rapidement à la "sobriété" énergétique — Photo : Renata Sedmakova

Les pouvoirs publics se mettent en ordre de bataille pour préparer les éventuelles coupures d’électricité de cet hiver. Longtemps hypothétique, la perspective de ces délestages a pris un peu plus de consistance le 18 novembre, quand RTE, le gestionnaire du réseau, a passé, au niveau "élevé", le risque de tensions d’approvisionnement pour le mois de janvier. Un message reçu cinq sur cinq par le gouvernement. Lors du conseil des ministres du 29 novembre, Élisabeth Borne a sonné la mobilisation opérationnelle des services de l’État, circulaire à l’appui envoyée aux préfets, afin de décliner localement le "plan de délestage électrique" arrêté au niveau national.

À quoi ressembleront ces délestages ?

Les délestages prendront la forme de "coupures tournantes, temporaires et localisées", pour reprendre les termes choisis par Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE, interrogé le 1er décembre sur France Info.

Autrement dit, en cas d’alerte avérée sur le réseau, l’électricité pourra être éteinte sur une durée de deux heures consécutives par jour maximum, soit le matin (entre 8h et 13h), soit en début de soirée (de 18h à 20h) - ces créneaux correspondant aux pics habituels de consommation du lundi au vendredi.

Ces rationnements seront répartis sur le territoire métropolitain (Corse exclue) et toucheront "alternativement des portions de départements", précise l’Élysée. Autre promesse de l’exécutif, relayée dans Le Parisien : "On ne délestera pas deux fois de suite une même zone."

Qui sera touché par ces coupures de courant ?

Au moins 60 % de la population, selon un chiffre avancé par Le Parisien, est susceptible d’être touchée par ces coupures de courant. Plus précisément, le gouvernement estimerait à 40 % la part de Français épargnés, puisque la ligne électrique, dont ils dépendent, approvisionne également un site protégé. À ce titre, son alimentation ne sera jamais interrompue.

Plusieurs catégories d’installations échapperont en effet à tout rationnement. À savoir "les infrastructures sensibles, nécessaires à la continuité de la vie de la Nation, ou permettant de garantir la continuité des soins", indique le compte rendu du dernier conseil des ministres. On y trouve donc les hôpitaux, services de secours et de sécurité, défense nationale, mais aussi des entreprises stratégiques, notamment dans l’industrie… dont la liste est tenue secrète.

"Pour les autres, affirme Le Parisien, il s’agit d’utiliser le mois de décembre pour préparer leur organisation du travail" à une éventuelle coupure. Et pour cause : les conséquences de ces délestages, même limités dans le temps et l’espace, risquent d’être bien plus larges qu’on ne l’imagine. Ces "perturbations de la vie quotidienne" affecteront le téléphone (service indisponible), "les transports, les écoles (fermeture possible le matin, NDLR), ou le fonctionnement des dispositifs automatiques dépendants de l’alimentation électrique" (feux de circulation, passage à niveaux…), énumère l’Élysée. Les usagers de la route pourraient, par exemple, être appelés à limiter leurs sorties au moment des coupures, préviennent plusieurs médias.

Quand interviendront ces mesures de rationnement ?

Le rationnement pourrait probablement démarrer à partir de janvier. RTE s’attend alors à déclencher son signal d’alarme (baptisé Ecowatt, sorte de Bison Futé du réseau électrique) sur "quelques" jours - entre 6 et 10, selon des indiscrétions de presse. "Mais il ne faut pas considérer les coupures comme une fatalité, on sait les éviter", a voulu rassurer Xavier Piechaczyk.

De fait, cette option extrême est présentée comme une solution de dernier recours. Auparavant, d’autres leviers auront été activés pour éviter d’en arriver là, a expliqué le porte-parole du gouvernement. Comme imposer une réduction de consommation à certaines entreprises volontaires (dans le cadre du dispositif dit d’effacement industriel) ou baisser la tension électrique sur certaines lignes, une pratique "absolument invisible et indolore". Pour autant, "il se pourrait que, cette année, […] la production et la demande ne soient pas totalement alignées certains jours de grand froid", a reconnu Olivier Véran. D’autant plus que la remise en marche des centrales nucléaires arrêtées pour maintenance programmée ou corrosion inopinée a pris du retard (20 réacteurs indisponibles sur 56).

Comment seront prévenus les usagers ?

Les usagers seront prévenus des coupures par le service Ecowatt, véritable boussole du réseau électrique. Trois jours auparavant, une alerte rouge y sera lancée, signe de vives tensions d’approvisionnement et donc synonyme de probable rationnement. Vingt-quatre heures avant le jour fatidique, les autorités annonceront les départements touchés. Enfin, à 17h, la veille, il sera possible de connaître les quartiers exacts soumis à la diète électrique, sur un site web prochainement mis en ligne par Enedis et RTE.

Peut-on échapper à ces coupures d’électricité ?

Pour autant, il est possible d’échapper aux coupures et ce, "jusqu’à la dernière seconde", assure Xavier Piechaczyk. C’est aussi l’intérêt et le sens d’un signal Ecowatt rouge : prévenir les consommateurs que "nous avons programmé un [délestage], mais vous pouvez l’éviter si vous faites des écogestes au bon moment, […] si, avant 8h, les entreprises n’allument pas le chauffage et font attention à l’éclairage", par exemple.

Et le patron de RTE n’insiste pas par hasard sur les entreprises : "C’est une grosse part de la consommation d’électricité en plein hiver", s’est-il justifié au micro de France Info. D’où la nécessité pour elles de jouer le jeu du plan de sobriété, présenté début octobre. Or, seule l’industrie a réduit sa demande, de l’ordre de 15 % (contre -6 % environ, au niveau national) - et encore, cette tendance s’explique davantage par le niveau des prix et le ralentissement de l’économie, plus que par un effort volontaire et réfléchi pour préserver la ressource.

Problème : dans le même temps, "on ne voit pas encore de baisse de la consommation dans le tertiaire […], dans les immeubles de bureaux", s’alarme Xavier Piechaczyk. D’où son appel à la mobilisation des entreprises. Y compris par des gestes simples, comme "passer à l’éclairage LED", "chauffer moins", ou encore éteindre systématiquement les lumières dans les bâtiments vides. Une mobilisation à moindres frais, au vu des risques de coupures en jeu cet hiver.

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