Plan de sobriété : comment les entreprises peuvent contribuer aux économies d’énergie
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Plan de sobriété : comment les entreprises peuvent contribuer aux économies d’énergie

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La sobriété énergétique, mode d’emploi. Le gouvernement a présenté, le 6 octobre, son plan pour faire baisser de 10 % en deux ans les consommations de gaz, d’électricité et de carburant en France. Chauffage et éclairage, train et vélo, télétravail et visioconférence… les entreprises ont désormais l’embarras du choix pour passer à l’action.

Les entreprises vont devoir surveiller de très près leurs radiateurs cet hiver. Le chauffage des locaux à 19 degrés maximum est l’une des principales mesures exposées dans le plan de sobriété du gouvernement — Photo : Olivier Hamard JDE

Le plan de sobriété entre dans le concret. Lancée au début de l’été, cette initiative du gouvernement en réponse à la crise de l’énergie a officiellement accouché, le 6 octobre, d’un vaste catalogue d’actions mis à la disposition des acteurs économiques. Ils y trouveront, le plus souvent, suggestions et recommandations, aides et accompagnements parfois, contraintes et obligations rarement.

Une sobriété "choisie" qui s’impose aux entreprises

Objectif du plan de sobriété : parvenir à une réduction de 10 % (par rapport à 2019) de la consommation française de gaz, électricité et carburant d’ici à 2024… mais, dans la mesure du possible, dès cet hiver. Car cette stratégie, à la fois course aux économies et chasse au gaspillage, est clairement présentée comme une réponse immédiate aux tensions actuelles, et à venir, sur l’approvisionnement et les prix de l’énergie. Autrement dit, pour reprendre les mots de la Première ministre Élisabeth Borne, "la sobriété, c’est un concept simple : des économies choisies, plutôt que des coupures subies". Même si l’hypothèse de délestages imposés n’est pas écartée en cas d’efforts insuffisants, d’hiver rigoureux et de coupures du gaz russe.

C’est pour éviter d’en arriver là que le gouvernement a donc ficelé un copieux paquet de prescriptions. Son "plan de sobriété" comprend des mesures d’ordre général, adaptées et prolongées par d’autres, sectorielles. Commerce, industrie, transports, logistique, numérique, ou encore sport et culture, font ainsi l’objet de préconisations spécifiques.

Autant dire que les entreprises sont vivement incitées à prendre leur part dans cette mobilisation générale. Preuve en est : quel que soit leur domaine d’activité, une charte complémentaire d'une quinzaine d'engagements leur a été spécialement dédiée. Les dirigeants peuvent ainsi librement adhérer (ou pas) à ce document, également mis en ligne sur la plate-forme "Les entreprises s’engagent", vouée à servir de véritable "centre de ressources" et de "partage des meilleures pratiques" pour les acteurs économiques.

En attendant, comment passer de la théorie à la pratique de la sobriété ? Voici les principaux leviers d’action, à la main des entreprises, tels qu'identifiés par le plan du gouvernement.

Bâtiments : chauffer et éclairer ses locaux avec doigté

Garder le chauffage, la climatisation et la ventilation sous contrôle. C’est le premier réflexe à prendre, car celui qui peut générer le plus d’effets avec le moins d’effort. Et pour cause : il s’agit, ni plus ni moins, que de respecter des règles déjà en vigueur sur les températures intérieures. Selon le Code de l’énergie, les bureaux et locaux recevant du public sont ainsi supposés être chauffés à 19 degrés au plus et climatisés à 26 °C au moins. Cette simple directive représente, à elle seule, près de la moitié des 50 térawattheures d’économies espérées par le gouvernement avec son plan de sobriété. Les entreprises, en particulier, sont donc appelées à "appliquer des consignes strictes" en la matière.

Si les bâtiments restent vides sur une période prolongée, le chauffage peut être encore réduit à 16 °C (durée d’inoccupation d’1 à 2 jours) et 8 °C (au-delà de 48 heures). Ces seuils ne sont toutefois pas valables pour certaines activités (dans la santé, par exemple) ou lieux spécifiques (ateliers, zones logistiques, etc.). Autre option : diminuer ou arrêter la ventilation, lorsque l’entreprise est fermée (nuits et week-ends inclus). À noter que ces lignes directrices peuvent varier en fonction des secteurs d’activité.

Toujours en matière de chauffage, d’autres actions sont envisageables, comme "décaler de 15 jours le début et la fin de la période" d’allumage, isoler les canalisations ou respecter l’obligation de maintenance des chaudières. Il est même possible d’aller jusqu’à "réduire l’utilisation de l’eau chaude sanitaire dans les bureaux", sauf usages "indispensables" (cas des douches, notamment).

Fermer la porte pour ne pas chauffer (ou refroidir) dehors. La mesure fait partie des rares injonctions imposées par le plan de sobriété, à travers un nouveau décret. Il interdit aux commerces, mais aussi aux "activités tertiaires marchandes ou non marchandes" de laisser ouvertes leurs portes, "y compris pendant les heures d’ouverture aux usagers", dès lors que le chauffage ou la climatisation fonctionne. Seule exception autorisée : l’aération des locaux pour raisons sanitaires (contre le Covid-19, par exemple). En cas de non-respect, après mise en demeure, l’entreprise pourra recevoir une amende de la mairie, pour un montant allant jusqu’à 750 euros.

Réduire ou éteindre les éclairages inutiles ou superflus la nuit. Un effort particulier des entreprises est attendu sur le sujet. Il s’agit, en particulier, d’éteindre les lumières intérieures dès que les bâtiments sont vides, et de les réduire à l’extérieur, voire les couper à partir d’1 h du matin. Sur ce point, le gouvernement recourt même à la contrainte pour les publicités et enseignes lumineuses. Un décret, paru au Journal officiel du 6 octobre, impose en effet leur extinction de nuit, entre 1 h et 6 h, dans toutes les communes françaises, sous peine de contravention (après mise en demeure).

S’équiper pour automatiser la gestion des bâtiments. Pour ne pas gâcher son temps à ne pas gaspiller l’énergie, le plan de sobriété conseille aux entreprises de se doter de "systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments (BACS)". Thermostats, minuteurs, détecteurs de mouvements, etc. peuvent en effet faciliter un pilotage plus fin et systématique de la température et de l’éclairage, en fonction des heures d’activité, de la lumière du jour et même des pics de consommation d’énergie.

À ce titre, le gouvernement envisage "d’étendre l’obligation d’installer [ce genre d’équipements] à tous les bâtiments tertiaires équipés de chauffage ou de refroidissement d’une puissance supérieure à 70 kW, avant l’échéance prévue en 2027". En parallèle, il promet de doubler, en 2023, l’aide actuelle à l’investissement dans ces systèmes.

Industrie : économiser l'énergie sans réduire la production

Investir dans les audits et l'efficacité énergétique. Le gouvernement avait déjà prévenu : pour les usines, la sobriété ne rimera pas avec baisse de l'activité. L'industrie est donc plutôt poussée à choisir la facilité, à savoir cibler leurs dépenses sur des économies d'énergie avec "retour sur investissement rapide" (systèmes de management, étanchéité des réseaux, isolation thermique...). Mais elle peut également, en amont, prendre le temps de réaliser des audits et autres diagnostics sur son efficacité ou ses performances énergétiques. Autant d'actions qui sont d'ailleurs, plus globalement, recommandées à tout type d'entreprise.

Informatique : étendre les écogestes aux usages numériques

Adapter ses usages numériques pour limiter la consommation. En la matière, il est possible d’adopter une foule de pratiques moins gourmandes en énergie : utiliser le wi-fi plutôt que le partage de connexion des téléphones portables ; réduire la luminosité des écrans ; éteindre les appareils inutilisés (matériel réseau, ordinateurs, etc.) ; ou encore "rationaliser le stockage des données", e-mails inclus.

Bien choisir et optimiser ses équipements informatiques. En cas d’acquisition de nouveaux appareils, il est recommandé de prêter attention à leur indice de réparabilité, ainsi qu’aux labels environnementaux (comme EPEAT et TCO Certified). Autre possibilité : "adapter les systèmes de refroidissement des serveurs" en place dans l’entreprise.

Transports : préférer le vélo et le train à l’avion et la voiture

Limiter les déplacements professionnels. Le plan de sobriété invite les entreprises à éviter les trajets "inutiles" (par un recours accru à la visioconférence), sinon à les rationaliser (regroupement des trajets dans le temps et par zones géographiques).

Se détourner de l’avion et de la voiture. Impossible d’annuler un voyage ? Alors il va au moins falloir renoncer au jet privé. La charte de la sobriété en entreprise stipule en effet que "la voie aérienne, exclusivement par ligne régulière, ne devra être utilisée que lorsque le temps de trajet par voie ferroviaire est supérieur à 4 heures pour un aller ou 6 heures aller-retour dans une même journée". Pour les trajets plus courts ou du quotidien, le train devrait également être privilégié, de même que les transports en commun, au détriment de la voiture.

Orienter les salariés vers le vélo ou les transports en commun. Pas de conseil particulier en la matière, mais un simple rappel aux employeurs sur les aides à disposition pour favoriser des déplacements domicile-travail plus verts. À commencer par le forfait mobilités durables et le remboursement des abonnements aux transports publics, l’un et l’autre revalorisés dans le paquet pouvoir d’achat, adopté cet été.

S’y ajoutent deux promesses : l’éligibilité, pour la prise en charge des frais liés aux services de location de vélo électrique, "des loueurs privés (conventionnés) dès janvier 2023", ainsi qu’une "aide renforcée au covoiturage" prévue à la même date.

Dernière piste d’amélioration pour les employeurs : la mise en place d’un plan de mobilité dans l’entreprise.

RH : adapter l’organisation du travail à la sobriété énergétique

Désigner un "ambassadeur" de la sobriété. Dans un souci de concertation et de dialogue social, les entreprises sont invitées à nommer un référent, en interne, sur ces sujets d’économies d’énergie. Il sera chargé "de l'animation, du conseil et du contrôle des mesures décidées", précise la charte de la sobriété au travail.

En parallèle, l’État conseille aux patrons de présenter, soit en comité social et économique (CSE), soit aux délégués syndicaux, une "trajectoire de réduction" des consommations de l’entreprise et le plan d'actions associé.

Prévoir les modalités d’un passage en urgence au télétravail. Pas question de rétablir le distanciel obligatoire dans le secteur privé. Mais, au cas où, c’est-à-dire en cas d’alerte EcoWatt rouge (approvisionnement électrique sous tension, avec risque de coupures), les employeurs devraient quand même envisager de vider leurs bureaux. L’État leur demande donc, en amont, de "prévoir, avec les partenaires sociaux, une organisation en télétravail adaptée" à cette situation exceptionnelle. "Associé à la fermeture des bâtiments concernés", ce dispositif "pourrait être déclenché dans les situations d’urgence […], afin de maximiser les économies d’énergie liées à l’activité dans les bâtiments".

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