Crise de l’énergie : la CPME redoute "un risque systémique" pour les entreprises
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Crise de l’énergie : la CPME redoute "un risque systémique" pour les entreprises

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La flambée des prix de l’énergie met en péril l’activité immédiate de bon nombre d’entreprises. La CPME et les TPE-PME tirent la sonnette d’alarme et appellent le gouvernement à trouver des solutions rapidement.

François Asselin, président de la CPME — Photo : JDE_Cyril Raineau

"Près de 150 000 entreprises dans le pays vont être confrontées à des impasses face au prix de l’énergie", estime François Asselin, le président de la CPME, en se basant sur des enquêtes réalisées par l’organisation patronale. Un chiffre auquel il convient d’ajouter "toutes les entreprises qui ne connaissent pas la date de renouvellement de leur contrat et n’ont pas pris conscience que les prix vont exploser. Pour le moment, leur facture d’énergie, intégrée dans leurs coûts fixes, n’est pas un sujet". Alors qu’un grand nombre de contrats viennent à échéance en fin d’année et doivent être renégociés, "Si rien n’est fait, le risque systémique est là. Soit de se retrouver avec des entreprises devant le tribunal de commerce parce que leur facture énergétique était inaccessible".

Et le président de la CPME de préciser que si la facture énergétique vient à "dépasser le montant de vos résultats N-1", se pose la question de poursuite de l’activité avec "des prévisionnels qui ne tiennent plus la route".

Des factures qui triplent ou quadruplent

Si Emmanuel Macron a enjoint les entreprises à "ne pas signer aujourd’hui" à "des prix fous" leurs contrats d’électricité, elles doivent pourtant pouvoir faire tourner leur activité et ne pas prendre le risque d’éventuelles coupures. L’entreprise de maintenance hydraulique Mecanhydro (6 salariés), près de Chambéry, est au pied du mur. Pourtant TPE de moins de 10 salariés réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’entreprise, qui a souscrit un contrat supérieur à 36 kVA (NDLR : correspond au kilovoltampère, qui mesure la puissance électrique achetée par une entreprise), pour pouvoir faire tourner ses machines, ne peut bénéficier ni du bouclier tarifaire ni des aides d’urgence prévues par le gouvernement. Son contrat d’électricité arrivé à échéance au 31 décembre 2022, elle a le choix entre un contrat sur trois ans de plus de 55 000 € avec le fournisseur d’électricité verte Ekwtaeur, soit un engagement avec son fournisseur d’énergies actuel, TotalEnergies, qui lui annonce une facture de 52 000 € sur deux ans.

"Les conséquences compliquent le développement de notre structure, avec des investissements qui sont irréalisables, des embauches remises en question et la peur d'être déficitaire"

Une situation que Marie-Emmanuelle Contesse, sa dirigeante, déplore : "Nous sommes en train de les étudier pour savoir lequel est le moins pire. Cela nous oblige à payer a minima plus de 18 000 à 26 000 € d’électricité par an, contre un coût qui avoisinait les 6 000€ en 2020. Les conséquences compliquent le développement de notre structure, avec des investissements qui sont irréalisables, des embauches remises en question et la peur d’être déficitaire par la suite et de ne pas pouvoir accéder à l’emprunt". La dirigeante, qui n’a pas répercuté ces hausses de prix sur ses prix de vente, avoue "grapiller ses marges aujourd’hui". Avec un chiffre d’affaires de 991 000 € en 2022, la TPE a enregistré un résultat de plus de 20 % en 2020-2021, qui pourrait pour le moment couvrir la hausse des prix de l’énergie. "Mais demain ce ne sera pas possible", annonce-t-elle.

Répercuter les hausses ou mourir

Pour faire face au doublement de sa facture d’électricité entre 2021 et 2022 et à des propositions de contrats tout aussi faramineuses que sa consœur à partir du 1er janvier 2023, Jean-Dominique Reggazzoni a quant à lui augmenté ses prix de vente de 6 % pour pouvoir rester à l’équilibre. En fonction du nouveau contrat d’électricité qu’il signera, le dirigeant, à la tête de Sotratex et EMO, deux PME dans l’industrie textile à Troyes employant au total 110 salariés, a prévu d’augmenter à nouveau ses tarifs de 10 à 12 % cette année. Le chef d’entreprise, qui travaille notamment avec Agnès B, Petit Bateau et Saint James, craint de "perdre certains de [ses] clients", devant faire face à des "concurrents redoutables comme l’Espagne et le Portugal qui ne subissent pas les mêmes coûts de l’énergie". Mais il insiste sur l’obligation de répercuter ces hausses sur ses tarifs : "Si je ne le fais pas, je meurs".

Tarif réglementé pour les PME

Pour toutes ces entreprises, la CPME attend avec impatience une solution européenne sur l’instauration d’un tarif réglementé des prix de l’électricité pour les PME. Prenant régulièrement le pouls des quelque 243 000 entreprises qu’elle représente, la CPME alerte sur "l’angoisse montante" de ces chefs d’entreprise : "Les PME sont très inquiètes car elles avancent dans le brouillard et c’est très anxiogène". L’organisation demande a minima de pouvoir encadrer les coûts de l’énergie : "On accepte la variabilité mais il faut pouvoir les contingenter car pour le moment c’est la roulette russe !", constate François Asselin. Si la confédération a bien conscience que ce qui est fait outre-Rhin – un plan massif de 200 milliards d’euros pour soutenir l’économie –, n’est pas envisageable en France, qui "n’a pas les moyens d’engager un bouclier tarifaire pour l’ensemble de l’économie", elle attend néanmoins des mesures, sans toutefois aller jusqu’au "quoi qu’il en coûte".

Donner des perspectives aux entreprises

Étant donné que les mesures de soutien du gouvernement ne peuvent pas fonctionner avec "des paramètres qui ne correspondent pas à la réalité des entreprises", l’organisation patronale souhaite que " toutes les entreprises de moins de dix salariés qui réalisent jusqu’à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires soient concernées par les aides" sans autre critère restrictif. En outre, le président de la CPME souhaite que le gouvernement donne aux entreprises "des perspectives à partir du 1er janvier 2023 sur les mesures de soutien qui pourraient leur permettre de continuer à vivre". Enfin, la CPME plaide pour plus de clarté sur les factures énergétiques. "Il faut être un spécialiste pour arriver à les décrypter", relève François Asselin.

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