Compétitivité : l'industrie française toujours loin du compte pour espérer briller à l'international
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Compétitivité : l'industrie française toujours loin du compte pour espérer briller à l'international

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Le printemps de l’industrie française n’est pas encore pour tout de suite. Pour Rexecode, les usines tricolores n’ont toujours pas résolu leurs soucis de compétitivité, bien au contraire. Et il ne faudrait pas en rejeter seulement la faute sur la crise du Covid-19. Le mal pourrait être bien plus profond, met en garde cet institut d’études économiques.

Pour Rexecode, la perte de parts de marché de la France à l’international tient plus de facteurs structurels (manque de compétitivité et désindustrialisation) que conjoncturels (crise du Covid-19) — Photo : DIgilife

Et si la renaissance de l’industrie française n’était qu’un mirage ? À l’heure où les (re) localisations d’usines dans l’Hexagone, soutenues par l’État, semblent signer leur retour en grâce, une étude de Rexecode jette le trouble et refroidit un peu l’ambiance. L’institut redoute en effet le retour "à une dégradation structurelle de la compétitivité et à la désindustrialisation relative" de la France. Un risque encore incertain, car le Covid-19 a largement brouillé les cartes, mais "la menace doit être considérée très sérieusement", met en garde ce rapport.

La France perd ses parts de marché à l’étranger

Pour appuyer son propos, Rexecode aligne les contre-performances enregistrées par la France à l’international, à commencer par le déficit commercial record de 2021. Tout aussi inquiétant, le recul de ses parts de marché : les ventes tricolores de biens ne représentaient plus que 2,7 % de la valeur totale des exportations mondiales en 2021 (-0,4 point en deux ans) et 12,6 % de celles de la zone euro (-1,3 point, quand l’Allemagne n’en perdait que 0,8 au même moment). Dans les deux cas, ces indicateurs sont tombés à leur plus bas niveau historique.

Même constat si on y ajoute les services : la part de marché française se situe alors à 13,6 %, en baisse de 0,9 point (contre +0,1 pour l’Allemagne). Ce qui se traduit par un trou de 47,4 milliards d’euros, selon l’étude. "Les années 2020 et 2021 ont ainsi mis fin à une période de stabilisation", constate Rexecode. La faute à la pandémie ? Pas si sûr, répond l’institut économique, qui écarte justement la plupart des explications conjoncturelles.

La désindustrialisation pointée du doigt

Certes, les secteurs traditionnellement les plus dynamiques à l’étranger (aéronautique en tête) sont aussi ceux qui ont le plus souffert de la crise du coronavirus. Mais cette spécialisation à l’export, "par rapport à celle de la zone euro, n’explique que 21 % des pertes accusées par la France sur la période 2020-2021". Or, sur ces deux années, et contrairement à ses voisins, l’Hexagone a perdu des parts de marché "sur la quasi-totalité des catégories de produits […] à l’exception de deux [de ses] points forts" (boissons, ainsi que cuir et peaux, les deux étant associés à l'industrie du luxe).

Dans ces conditions, Rexecode redoute donc "un mouvement plus structurel", en relation avec la désindustrialisation relative du pays (c’est-à-dire comparée au reste de l’Europe), survenue de manière concomitante. "Ce phénomène d’attrition progressive" se manifeste en particulier par l’effritement du poids de la France dans la valeur ajoutée industrielle de la zone euro. Il est passé de 17,9 %, en 2000, à 13,9 %, en 2021, "un plus bas historique". Il est d’ailleurs à noter que, sur ce lien entre performances à l’export et production de l’industrie, le ministre de l’Économie s’est récemment montré beaucoup plus catégorique : "Il n’y a pas d’autres solutions que de réindustrialiser massivement, rapidement notre pays" pour enrayer la fuite en avant du déficit commercial, avait assuré Bruno Le Maire, le 8 février.

Sauf que, pour ne rien arranger, les usines actuelles peineraient aussi à maintenir leur rang en matière de compétitivité. Rexecode en veut pour preuve son enquête annuelle auprès de 480 acheteurs européens : en 2021, leur jugement sur les tarifs des biens intermédiaires et d’équipement made in France se dégrade "brutalement" et enregistre un recul "général sur la quasi-totalité des critères hors prix, ainsi que sur le rapport qualité-prix".

Privilégier l’attractivité sur la compétitivité, une erreur ?

Or, dans le même temps, la politique économique d’Emmanuel Macron tarde à faire sentir ses effets, regrette Rexecode. D’autant que la priorité donnée à "l’attractivité" ne paye pas vraiment dans les faits : "Les enquêtes suggèrent que cet objectif est bien perçu par les acteurs internationaux, mais les résultats n’en sont pas encore tangibles", juge l’étude.

Ses auteurs déplorent, plus largement, "une dispersion des mesures" à l’impact incertain, car ancrées dans le moyen-long terme. Et de regretter le relatif abandon du soutien à la compétitivité-prix, engagé par François Hollande (CICE, Pacte de responsabilité).

Seule la baisse des impôts de production en 2021 est jugée, en la matière, "significative". Mais c’était trop peu et trop tard, au goût de Rexecode : l’institut juge "souhaitable" de ramener ces prélèvements au niveau de la moyenne de la zone euro. Ce qui impliquerait une réduction de 39 milliards d’euros, en plus des 9,8 milliards consentis par le gouvernement l’an dernier.

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