Ces entreprises qui surfent déjà la vague des Jeux olympiques de Paris 2024
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Ces entreprises qui surfent déjà la vague des Jeux olympiques de Paris 2024

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À l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, les opportunités business se multiplient. Pas moins de 50 % des marchés prévus par le comité d’organisation s’ouvrent cette année, pour une enveloppe d’un milliard d’euros. Sans parler des occasions de communiquer comme partenaire ou sponsor de cet événement mondial. Une foule d’entreprises ont déjà saisi la balle au bond.

Cérémonie de passation entre les JO de Tokyo et de Paris, au Trocadéro, en août 2021 — Photo : Flora Metayer

Encore une longue attente avant les JO de Paris 2024 ? Pas pour tout le monde… En coulisses, voilà déjà trois ans que les Jeux ont débuté. Côté organisation, les préparatifs battent leur plein. Et ouvrent une myriade d’opportunités aux entreprises. Car les Jeux Olympiques et Paralympiques revendiquent la place de premier événement sportif au monde.

4 milliards de téléspectateurs

Réunissant près de 15 000 athlètes issus de plus de 200 délégations du monde, la compétition captivera 13 millions de spectateurs. Auxquels s’ajoutera la bagatelle de 4 milliards de téléspectateurs, dixit l’organisation. Les retransmissions TV s’échelonneront sur plus de 100 000 heures de programmes. Associer son nom à l’événement donc offre un coup de projecteur mondial. Mais cette gigantesque machine va aussi remplir le carnet de commandes d’un grand nombre d’entreprises hexagonales, puisque le coût global des JO 2024 devrait s’élever à environ 7 milliards d’euros.

Partenariats, licences et marchés publics

Bonne nouvelle, au-delà des grands sponsors internationaux comme Coca Cola, des entreprises de toutes tailles peuvent y participer. Via trois possibilités principalement : en tant que partenaire (financier ou apporteur de services), comme fabricant de produits officiels sous licence de marque ou en captant des marchés lancés pour la construction d’infrastructures et l’organisation. "Toutes les options sont encore sur la table. Et y resteront au moins jusqu’en 2023", indique François Xavier Bonnaillie, directeur des partenariats et de la licence pour Paris 2024. Un poste clé, dont le rôle consiste tout simplement à financer les Jeux, qui reposent quasi intégralement sur des fonds privés.

Decathlon habille les volontaires

Partie visible de l’iceberg, les partenaires officiels financent les Jeux, avec la possibilité de participer en outre à l’organisation. Via une offre de services, un peu comme du mécénat de compétences. "PwC réalisera ainsi les analyses stratégiques et le support comptable des Jeux, Enedis effectuera tous les raccordements électriques de l’événement", liste François Xavier Bonnaillie. Quant à Decathlon, l’enseigne habillera l’ensemble des 45 000 volontaires chargés d’encadrer les épreuves. Le spécialiste de l’équipement sportif grand public sponsorise ici pour la première fois une très grande compétition internationale. En parallèle, une série d’actions a été programmée afin de promouvoir la pratique sportive et les JO au sein de ses 330 magasins français. Enfin, Decathlon va commercialiser des produits aux couleurs de l’évènement. Dans une interview à L’Équipe, le DG de Decathlon France, Arnaud Gauquelin, estime que "plus d’un million de pièces", textile et chaussures, seront fabriquées pour l’occasion, "dont la majorité produite en France".

Un milliard d’euros de marchés en 2024

Mais question opportunités business, l’actualité la plus chaude concerne aujourd’hui les marchés publics. Une manne de 5 milliards d’euros à capter pour les entreprises. Dans le détail, la moitié des marchés sera lancée par le Cojo (le comité d’organisation), l’autre via la Solideo (société de livraison des ouvrages olympiques). Ces marchés sont soumis au code de la commande publique. Car si l’organisateur reste une association privée, l’État français se porte garant. En cas d’éventuel déficit, ce serait donc lui qui réglerait la facture. D’où l’obligation de se soumettre aux règles des marchés publics.

À lui seul, le Cojo publiera cette année "des centaines d’appels d’offres" pour un montant total d’un milliard d’euros. Ici dans la restauration (celle des sites d’entraînements et du principal centre des médias…), là dans les équipements et le mobilier du village des athlètes, mais aussi dans le nettoyage, la gestion des déchets, les transports, la signalétique, jusqu’à la sécurité ou la fabrication des médailles…

Une PME signe le drapeau de la Tour Eiffel

Cette liste de courses longue comme le bras, de nombreux groupes mais aussi des PME s’en sont déjà emparé. Pour preuve, le drapeau géant aux couleurs des JO qui flottera au sommet de la Tour Eiffel, sans doute le plus grand symbole des Jeux, sortira tout droit de l’usine du mayennais MP3 PLV. Plus habituée à concevoir des affiches, packaging et présentoirs pour Leclerc, Armand Thierry ou Hermès, cette PME de 30 employés (6,40 M€ de CA) a en effet créé un drapeau aussi grand qu’un terrain de football ! Le fruit de 300 heures de recherches et tests, avant environ 60 heures de fabrication. Un vrai défi. "Fabriquer un drapeau de 90 x 60 mètres avec un tissu habituel aurait pesé jusqu’à 1,5 tonne ! Impensable, rembobine Antonio Marques Da Costa, le patron de la PME mayennaise. Alors je me suis rapproché d’une société du Morbihan, Air et Toiles Concept, spécialisée dans les structures gonflables et toiles tendues. On a alors inventé un procédé, à base d’hélium notamment, qui a permis de diviser le poids du drapeau par cinq… Et nous avons décroché le contrat." Pour l’anecdote, c’est seulement à la fin que l’entrepreneur apprendra (non sans émotion) la destination finale de cette commande pour les JO.

Le BTP livre le village des athlètes

Les commandes des Jeux de Paris 2024 apportent 30 millions d’euros à l’entreprise de construction alsacienne Mathis, que dirige Frank Mathis — Photo : Anne Milloux

Cet exemple est loin d’être isolé. Nombre de PME et d’ETI ont par ailleurs décroché des commandes pour la réalisation du village des athlètes situé au Nord de Paris. Spécialiste des maisons modulaires en bois, le breton Pincemin (250 salariés) s’apprête ainsi à réaliser là-bas une résidence hôtelière de 240 chambres sur 8 étages, posée sur l’île Saint-Denis et vouée à devenir ensuite une cité universitaire. Filiale du vendéen Liébot, la société MéO (420 collaborateurs) va, elle, livrer ses fenêtres bois-aluminium sur ce vaste site. Certaines PME et ETI multiplient même les projets, comme l’entreprise de construction alsacienne Mathis (200 salariés, 45 M€ de CA) qui intervient à la fois sur les chantiers du village, du centre aquatique de Saint-Denis, de l’Arena, du siège du Cojo et du Grand palais éphémère. Les commandes ont débuté en 2019. "Cela représente 30 millions d’euros étalés sur cinq ans", chiffre son directeur général, Frank Mathis. Devant être terminés d’ici la fin d’année, ces chantiers ne figurent certes pas parmi ses plus grosses commandes, mais restent "les plus visibles" parmi ceux réalisés par l’entreprise familiale.

Enfin, dans un tout autre secteur, la Solideo a retenu un groupement incluant Fermentalg et Suez, en vue de livrer des solutions innovantes de traitement de l’air urbain. La société girondine (63 salariés) et le géant de l’énergie sont en effet déjà associés dans la co-entreprise CarbonWorks, qui propose un système de captation du CO2 grâce à la photosynthèse de micro-algues.

"Selon les marchés, il peut y avoir 20 à 40 % de critères d’achat environnementaux ou sociaux"

Jusqu’ici, les deux tiers des prestataires retenus par le Cojo pour ses appels d’offres sont des TPE et des PME. Et même si ce chiffre devrait baisser avec la vague de grosses commandes attendues cette année, les opportunités existeront encore d’ici à la cérémonie d’ouverture. Avec la possibilité de gagner un marché seul ou en groupement, voire de glaner des commandes comme sous-traitant. "Selon les marchés, il peut y avoir 20 à 40 % de critères d’achat environnementaux ou sociaux. On encourage donc énormément l’association entre les grandes entreprises et les petites sociétés qui ont des compétences très spécifiques pouvant leur permettre de gagner des commandes, souligne François Xavier Bonnaillie. On souhaite que tous types d’entreprises participent. Et il existe des outils pour cela."

Deux sites pour capter les offres

Philippe Roué, dirigeant du constructeur breton de maisons en bois Pincemin, va réaliser une résidence hôtelière de 240 chambres pour les JO — Photo : Néréa Brouard

Ces outils se nomment principalement entreprises2024.fr et ess2024.org. Il s’agit de deux plateformes web au service des entrepreneurs. La première, lancée avec le concours du Medef, de la CPME et de l’U2P, affiche 17 000 entreprises inscrites aujourd’hui (87 % de PME), dont la moitié basées en Île-de-France, où une très grande partie des chantiers prendra place. La seconde, pilotée par l’association parisienne Les Canaux, fédère plus de 5 000 acteurs de l’économie sociale et solidaire, auxquelles s’ajoutent des acteurs de l’économie circulaire, des entreprises à mission, voire des structures plus classiques désirant s’associer à eux pour répondre à des offres. Véritables mines d’informations, ces sites recensent tous les marchés publiés par le comité d’organisation et la Solideo. Des compilations relayées par des newsletters et des alertes e-mails en fonction de son secteur (d’activité ou géographique).

Ces sites offrent en outre un précieux accompagnement. À son agenda, entreprises2024.fr annonce par exemple l’ouverture d’une formation pour répondre aux appels d’offres (à destination des petites sociétés), une réunion d’information de la Solideo sur les marchés olympiques liés aux espaces publics, etc. "L’objectif étant d’avoir une plateforme qui centralise l’information. Et de favoriser l’accès aux marchés publics pour les PME-TPE", explique Céline Micouin, conseillère auprès du président du Medef.

"On donne toutes les clés pour faciliter la réponse au marché"

Son homologue de l’ESS suit une logique comparable. Sur son site, celui-ci va détailler l’offre, les besoins du donneur d’ordres, lot par lot lot, en réalisant un focus sur les lots les plus accessibles aux petites structures de l’ESS, avant d’expliquer le déroulement de la procédure… Afin d’exposer des marchés importants pour l’ESS, la plateforme va même organiser des rencontres en présentiel ou par webinaire. Comme cette réunion récente en Seine-Saint-Denis où les 152 lots d’un marché lié à la sécurité ont été présentés. L’occasion aussi d’y rencontrer des partenaires pour constituer un groupement et répondre en commun (la plateforme aide d’ailleurs à monter ces groupements en question). À noter qu’ESS 2024 a ensuite instauré une hotline à travers laquelle les entreprises ont pu exprimer leurs difficultés et leurs besoins d’accompagnement sur ce marché. "On donne toutes les clés pour faciliter la réponse au marché, résume Solène Mollière, chargée de communication pour ESS 2024. Le message est de dire que les acteurs du secteur ont toute leur place au sein des JO. En sachant qu’on s’adresse à des structures qui n’ont parfois jamais répondu à un marché public".

ESS 2024 va même parfois jusqu’à effectuer un travail de sourcing à la demande du comité d’organisation, sur certains marchés spécifiques en dessous d’un certain montant, pouvant être passés de gré à gré. "On appelle alors les entreprises pour estimer leur capacité à répondre à la demande, livrer les volumes, tenir les délais… Puis, on pousse ces entreprises auprès des donneurs d’ordres et des acheteurs". Petite force de lobbying, la plateforme réalise enfin des "cahiers d’impact" à l’attention de l’organisateur des Jeux. Elle y expose les solutions apportées par l’ESS sur des thématiques comme la gestion des déchets de chantier ou la restauration durable, avec un petit annuaire des structures offrant ces services.

Du fabricant de pin’s à l’usine textile

Dernière façon de s’associer à l’organisation des JO, reste le "licensing", autrement dit la fabrication de produits pour les marques Paris 2024, Équipe de France, Allez les Bleus… Avec un éventail de possibilités très large, allant du stylo aux vêtements.

Là aussi des PME se positionnent, comme les franciliens Maison Drago sur les pin’s, ou Artertre qui fabrique des tours Eiffel en métal made in France en lien avec une entreprise d’insertion.

"L’organisation recense déjà une trentaine de licenciés. Et prévoit d’en compter 60 à 70 au final. Paris 2024 ambitionne d’être présent dans plus de 30 000 boutiques en France", annonce François Xavier Bonnaillie. Avec d’importantes retombées, comme le rappelle le directeur des partenariats de Paris 2024. "Si l’on additionne tous les produits sous licence, cela pourrait représenter un chiffre d’affaires commercialisé de 2 milliards d’euros". Un chiffre, là encore, loin d’être anecdotique…

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