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Comment les campings bretons font face aux défis du Covid
Enquête Bretagne # Hôtellerie # Conjoncture

Comment les campings bretons font face aux défis du Covid

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Avec plus de 700 campings, la Bretagne s'affirme comme l'une des destinations phares des amateurs d'hôtellerie de plein air. La région concentre une grande majorité d'établissements de trois à quatre étoiles, dont le dénominateur commun est la montée en gamme via l'investissement continu. 2021 s'annonce comme la saison de tous les enjeux.

Implanté dans le Morbihan, près de Ploërmel, le camping Domaine de Kervallon a perdu 170 000 euros en 2020 — Photo : David Bignolet / Domaine de Kervallon

Les vacances d'été arrivent à grands pas. Après une année 2020 plus que chaotique, les campings, premier mode d'hébergement touristique en France et en Bretagne, ne veulent plus avancer masqués en 2021. Quelles perspectives pour les 700 établissements d'hôtellerie de plein air de la région ? Les dernières projections du cabinet Xerfi mettent en avant un fort rebond de l'activité pour la saison estivale 2021 et les suivantes. « Le chiffre d'affaires de l'hôtellerie de plein air devrait ainsi croître de 3,5 % par an en moyenne en 2022 et 2023 après un retour quasi-équivalent au niveau d'avant-crise en 2021 », attestent ces experts.

Pour l'heure, le spectre de la saison dernière est encore dans tous les esprits. « 2020 aura été une mauvaise année pour le camping. Si l'été a été bon, il n'aura pas suffi à effacer les pertes du printemps », résume Nicolas Dayot, exploitant du camping La Plage de Tréguer à Plonevez-Porzay (Finistère) mais également président de l'Union Bretonne de l'Hôtellerie de Plein Air (UBHPA) et également président national de cette même fédération. En moyenne, les établissements bretons d'hôtellerie de plein air auraient perdu 20 % de chiffre d'affaires. Fortement soumis à une saisonnalité de leurs activités en juillet-août, les campings régionaux espéraient tirer leur épingle du jeu avec une arrière-saison qui pèse chaque année un peu plus. Raté pour 2020. « Nous fondions des espoirs sur septembre et octobre. Ils ont été douchés par la réplique de l'épidémie », reprend Nicolas Dayot.

Parmi les poids lourds du secteur, le Domaine des Ormes (105 salariés, 13 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019), installé à Épiniac en Ille-et-Vilaine, est composé d'un resort et d'un camping cinq étoiles (plus de 650 emplacements). Gérée par la famille de La Chesnais, la SA Domaine des Ormes a enregistré plus de 2 millions d'euros de pertes en 2020, conséquence notamment d'un nombre de nuitées bien moins important que prévu (41 000 contre 85 000 habituellement). Fermé depuis le 6 avril, le Domaine des Ormes souhaite pouvoir ouvrir début mai, même avec des restrictions sanitaires. L'entreprise a souscrit un prêt garanti par l'État de 2 millions d'euros pour faire face à ces difficultés et compte bien s'appuyer cet été sur l'un de ses leviers majeurs : son parc aquatique sous bulle de verre, inauguré à l'été 2019, et pour lequel il a investi 10 millions d'euros.

20 à 25 % du chiffre d'affaires hors taxe réinvesti

L'investissement et la montée en gamme sont une tendance de fond pour l'hôtellerie de plein air. Ils sont aussi le moteur de cette industrie touristique qui doit séduire une clientèle de plus en plus large. La Bretagne n'échappe pas à la règle, sachant que ce sont surtout les grands établissements 3 étoiles et 4 étoiles qui concentrent la majorité des investissements. Une cartographie qui colle à la démographie des établissements régionaux. « Un camping investit en moyenne 20 à 25 % de son chiffre d'affaires hors taxes chaque année. Ces investissements se répartissent en général pour moitié dans l'hébergement et l'autre moitié dans les équipements de loisirs et autres attractions », précise Nicolas Dayot de l'UBHPA.

Propriété de la famille Calippe, le camping de l'Atlantique, dans le Finistère, a connu une importante rénovation entre 2018 et 2019 pour un montant supérieur à 10 millions d'euros — Photo : Camping de l'Atlantique

« C'est une chance d'avoir investi quand on l'a fait, juste avant l'arrivée du coronavirus », estime ainsi Erwan Calippe, propriétaire avec sa mère et son frère du camping de l'Atlantique, à Fouesnant dans le Finistère, qu'ils ont repris en 2006 (80 salariés en pleine saison, chiffre d'affaires non communiqué). En 2018 et 2019, ils ont refait l'espace aquatique et les espaces collectifs (restaurants, commerces, etc.) pour un investissement total de plus de 10 millions d'euros. « Si nous devions faire ces efforts aujourd'hui, aurait-on l'accord de la banque ?, s'interroge-t-il. Il y a trois ans, tous les voyants étaient au vert. » Reste qu'il faut rembourser les emprunts contractés pour réaliser ces travaux. « Heureusement, des accords ont été trouvés au niveau national pour repousser des échéances d'un an. Ce n'est pas parfait, mais ça permet à certains d'avoir un peu de répit », juge Erwan Calippe, qui est aussi président du syndicat professionnel des campings du Finistère.

Investissements ciblés

Investir encore et toujours, c'est aussi le choix du Ranolien (près de 5 M€ de CA en 2020), l'un des établissements premium bretons. Propriété du groupe Sandaya depuis avril 2019, le camping 5 étoiles de Perros-Guirec, dans les Côtes-d'Armor, ne renonce pas à ses investissements. Au contraire. « Nous les avons maintenus, renforcés mais surtout beaucoup mieux réfléchis », détaille Jérôme Drouhin, directeur de l'établissement. 25 mobil-homes ont été remplacés cet hiver, soit un investissement de 600 000 euros. « Une seconde enveloppe de 250 000 euros a été consacrée à des travaux nécessaires pour améliorer le service offert aux clients. »

Dans le Morbihan, près de Ploërmel, le Domaine de Kervallon (45 hébergements, 30 emplacements, un espace de réception) est l'un des très rares établissements de plein air à avoir été créé ex nihilo. Depuis sa création, il y a douze ans, il ne cesse d'investir. « Un camping a une logique d'investissements réguliers pour séduire et s'adapter aux aspirations de sa clientèle. Depuis 2009, nous avons investi quelque 3 millions d'euros, dont un million ces trois dernières années », souligne Sylvain Dubois, dirigeant du Domaine (320 000 euros de chiffre d'affaires en 2020) avec son épouse Sandrine. Après avoir couvert leur piscine et installé des toboggans, leur dernier investissement en hébergement est né d'une réflexion suite à la dernière saison. « 60 % de notre activité est liée au camping et à l'hébergement et 40 % pour les services de réception et de séminaire. En 2020, nous avons perdu 170 000 euros, surtout sur cette partie événementielle et un peu sur la baisse de fréquentation des hébergements en avril. Nous voulions affiner notre stratégie pour mieux sécuriser 2021. » Puisque leur activité hébergement est en croissance de 15 à 20 %, ils ont investi dans 15 nouveaux habitats supplémentaires.

Outre une stratégie orientée sur les investissements autour de l'offre, certains revoient leur positionnement. C'est le cas du Domaine des Ormes. Le resort travaille sur un modèle « moins britannico-dépendant », éclaire Philippe de Bellevue, en s'ouvrant à une clientèle plus régionale. Après un modèle 70 %-30 % à majorité internationale, la balance s'est inversée et ce sont désormais les touristes français qui sont les plus nombreux. Ceci se vérifie d'ores et déjà dans la majorité des campings bretons. « Nous accueillons globalement moins de clientèle étrangère que d'autres régions. Les campings bretons sont fréquentés à 80 % par des Français. Ce qui a été bénéfique en 2020 », corrobore Nicolas Dayot.

Le camping La Plage de Tréguer dispose de 281 emplacements les pieds dans l'eau à Plonevez-Porzay, dans le Finistère — Photo : Camping La Plage de Tréguer

2021, saison cruciale

Cap désormais sur la saison 2021. En aval de la filière, les centrales de réservation sont au cœur du réacteur pour avoir une idée des tendances. Installée à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, la société Camping and Co (25 salariés, 15 M€ de volume d'affaires en 2020), est une plateforme de réservation en ligne pour les vacances en camping. Avec 1 500 campings référencés, son principal marché reste la France. La société commercialise une petite centaine de campings bretons (du 3 au 5 étoiles) sur les quatre départements. « Toutes les structures de campings attendent une levée des restrictions sanitaires et se tiennent prêtes à recevoir les clients. Mais ceux-ci hésitent à réserver tant qu'ils ne savent pas s'ils vont pouvoir partir. Où, et quand... Tout va se jouer en dernière minute. », estime Guillaume Patrizi, dirigeant fondateur Camping and Co.

La dernière minute, une donne à laquelle ces professionnels s'habituent même si elle met parfois les équipes à rude épreuve et les nerfs à vif. Après un calendrier des vacances de printemps bousculé et de nouvelles restrictions de déplacement qui ont incité beaucoup d’établissements à fermer, l'été devrait être bénéfique. « Nous sommes très confiants. L'été se profile bien. Sur l'événementiel, c'est et ce sera compliqué. Nous essayons de proposer une autre date en plus de la date choisie par nos clients », note le Morbihannais Sylvain Dubois, du Domaine de Kervallon. Un optimisme que partage avec prudence Nicolas Dayot pour son établissement La Plage de Tréguer (1 million d'euros de chiffre d'affaires) qui passe d'une salariée permanente à une quinzaine de salariés en saison, auxquels s'ajoutent des intérimaires : « On y va avec des pincettes. »

Recrutements prudents

L'autre équation à résoudre concerne le recrutement. Sur la Côte de granit rose, Le Ranolien compte 23 salariés permanents et il fait travailler entre 60 et 70 saisonniers. « Alors que normalement, en mars, les équipes sont au complet, nous avons retardé les embauches en 2021. Je prends l'exemple du bar, que nous gérons en direct, et qui doit rester fermé administrativement jusqu'à une date indéterminée. Les huit salariés sont en stand-by. Idem au niveau des animations. »

À l'instar de cet établissement, les professionnels ont appris à travailler en misant sur la polyvalence et la flexibilité des équipes. Adaptation sera encore le maître mot de cette nouvelle saison, comme le résume Erwan Calippe, le propriétaire de l'Atlantique, dans le Finistère : « 2021 sera moins bon que 2022, mais meilleur que 2020 ! »

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