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“Le millésime 2017 a été difficile techniquement, économiquement et moralement”
Interview Gironde # Agroalimentaire

Pascal Henot directeur du pôle oenologique Enosens à Coutras “Le millésime 2017 a été difficile techniquement, économiquement et moralement”

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Le directeur d'Enosens dresse le portrait du millésime via les 1500 viticulteurs (30% du département) fédérés par le groupe de laboratoires. Si 2017 restera une année noire, le viticulteur retient aussi la qualité et les nombreux enseignements du millésime.

Photo : Caroline Ansart

Le Journal des Entreprises : Qu’est-ce qui caractérise le millésime 2017 ?

Pascal Henot : On en parlera longtemps de ce millésime, on le racontera à nos enfants… Il est très particulier d’abord parce qu’il a été très précoce. En avril, il faisait 25°C, jusqu’aux derniers jours où il a gelé. Ce qui a causé la perte de 50% de la production en moyenne pour les vins de Bordeaux. La conséquence technique est une très grande hétérogénéité de la vendange, une hétérogénéité de la maturité, des difficultés à remplir les cuves. Il a fallu trouver des solutions. Au final on pouvait craindre un millésime pas terrible, mais le résultat est bien au-delà de nos espérances en terme de qualité. Une partie de la production est moyenne, avec des vins un peu légers, mais le reste est bien. Personnellement c’est un millésime que j’ai beaucoup aimé vinifier (mon 31ème!), parce qu’on a beaucoup appris, c’est un millésime de techniciens. Mais c’est un millésime difficile techniquement, économiquement et moralement. Certains n’ont rien pu produire. Toute la région va souffrir, toute la filière, les fournisseurs... Bien sûr qu'il va y avoir un rééquilibrage au niveau des prix, en fonction de l’offre et la demande, c’est mécanique. On observe déjà une hausse des prix de l’ordre de 10 à 15%, mais ce ne sera pas suffisant.

Quelles leçons tirez-vous de cette année, qu’il faut des cuves plus petites pour ne plus être confrontés au problème de remplissage par exemple ?

P.H : On sait ça depuis longtemps que les petites cuves c’est mieux, mais c’est plus cher. Des investissements seront probablement faits en ce sens mais à moyen terme. Là, il faut déjà digérer la perte de 50% de production… Quant aux solutions qu’on a pu trouver en général, on pourra effectivement s’en servir mais dans des conditions très similaires, or par exemple, ce millésime ne ressemble pas du tout à celui de 2011 qui avait aussi été frappé par le gel. Le vin demande toujours beaucoup d’adaptation.

Qui sont les concurrents du Bordelais aujourd’hui et quel vin est attendu sur le marché ?

P.H : Nos concurrents sont les viticulteurs européens, d’Espagne et d’Italie, qui font bon et moins cher. Et ceux du Nouveau Monde (Argentine, Chili, Australie…). Il faut constamment développer de nouveaux marchés. La force de Bordeaux c’est sa capacité d’adaptation. La grande tendance aujourd’hui n’est plus aux vins de garde mais aux vins simples à comprendre, aux jolies couleurs, aux fruits, à la souplesse, au plaisir, sans agressivité. C’est le style de vin que veut boire le monde entier. A Bordeaux on sait le faire, et mieux qu’hier.

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