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Comment le Château Lanessan veut redorer son blason 
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Comment le Château Lanessan veut redorer son blason 

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En 2009, la famille Bouteiller, propriétaire du Château Lanessan, à Cussac, en Gironde, confiait les rênes de l'exploitation à l'œnologue espagnole Paz Espejo. Dix millésimes plus tard, les 80 hectares de vignes en Haut-Médoc poursuivent leur cure de jouvence menée tambour battant pour répondre à la complexité d'un marché versatile.

Pour continuer à se développer, Château Lanessan, à Cussac, dans le Médoc (Gironde), va consacrer ses prochains investissements à un nouveau chai de vinification et au développement de ses activités dédiées à l'oenotourisme, avec la création de gîtes. — Photo : DR

« À mon arrivée, le potentiel de la propriété était magnifique, mais celle-ci s'était endormie. Il fallait redorer le blason de la marque », se souvient Paz Espejo, directrice du domaine viticole du Château Lanessan (30 salariés, 3 millions de chiffre d'affaires), à Cussac, dans le Médoc (Gironde). Objectif de l'œnologue embauchée en 2009 : hisser à nouveau Lanessan au rang des crus incontournables. Des audits technique, commercial et marketing sont engagés pour établir une stratégie à dix ans.

« La famille Bouteiller, propriétaire de Château Lanessan depuis le XVIIIe siècle, a eu le courage de faire appel à une femme, qui plus est une étrangère, pour incarner ce nouveau souffle et cette volonté de prendre enfin le virage technique que tout le monde avait pris au cours des années 1990-2000 ». Native d'Espagne, Paz Espejo affiche quatorze ans passés au sein de deux grandes maisons bordelaises de négoce Calvé et Cordier. Une aubaine pour Château Lanessan, qui vend 95 % de sa production sur la place de Bordeaux. Son expérience de la vinification en Argentine et en Espagne, ainsi que sa connaissance des techniques bourguignonnes et languedociennes, vont également être mises à profit.

Identifier les terroirs qualitatifs

D'emblée, une remise à plat du vignoble est amorcée : des parcelles sont arrachées pour repositionner la vigne sur des terroirs identifiés comme plus qualitatifs. L'AOC Haut-Médoc autorise jusqu'à 120 hectares à exploiter sur les 390 de la propriété. À l'heure actuelle, l'entreprise en exploite 80, dont 40 en Château Lanessan. « Les plantations en cours permettront de passer de 80 à 87 hectares d'ici à 2023 », confie Paz Espejo. Sept nouveaux hectares qui profiteront des nouvelles techniques de travail des sols engagées dans le cadre d'une démarche environnementale depuis 2011. Les herbicides ont ainsi disparu, l'usage des produits phytosanitaires a été revu à la baisse, et l'enherbement (moyen de protéger les sols de l'érosion et des effets de la pluie, du gel et du soleil) est étendu.

Augmenter le rendement

À la clé, les certifications ISO 14 001 et Haute Valeur Environnementale de niveau 3 obtenues en 2014. Quant au bio, « ce n'est pas une demande des actionnaires », balaie la directrice du château sans pour autant taire ses préoccupations, particulièrement en termes d'approvisionnement en eau. « Nous n'aurons pas d'autres choix que de changer de paradigme face au dérèglement climatique », prévient-elle. Les volumes décevants de cette décennie passée sont à l'avenant. En deçà des 50 hectolitres par hectare obtenus en 2009, le rendement ne satisfait pas la dirigeante. De 30 hectolitres par hectare après le gel désastreux de 2017, il est remonté à 41,7 hectolitres par hectare en 2018, une année contrariée par la forte pression de mildiou. « Depuis dix ans j'attends un rendement potable... Ce millésime est certes joli, mais toujours quantitativement insuffisant ». La production annuelle représente environ 450 000 bouteilles.

Conforter la part de l'export

Autre cheval de bataille de la directrice générale : l'obtention de la distinction "cru bourgeois exceptionnel". Des échantillons de cinq millésimes sont en cours de dégustation sous la houlette du bureau de contrôle Bureau Veritas. Château Lanessan saura dans quelques semaines s'il reste en lice à l'issue d'une première sélection, pour des résultats définitifs publiés en février 2020. « Ce serait un plus, notamment face à des marchés qui peinent à s'ouvrir. Mais difficile de savoir si ce classement nous permettrait d'augmenter nos prix », s'interroge celle qui souhaite poursuivre une démarche de segmentation, à la faveur de ses 300 000 cols étiquetés Château Lanessan.

En ligne de mire, l'export, qui représente 65 à 70 % du chiffre d'affaires, et particulièrement les États-Unis, « un marché de connaisseurs, le seul qui demeure dynamique. Partout ailleurs c'est compliqué », consent Paz Espejo. Sans surprise, les inquiétudes viennent d'outre-Manche et des conditions autour du Brexit, mais aussi d'Asie : « Quand l'Angleterre tousse, les marché chinois, taïwanais et le hub majeur de négoce qu'est Hong Kong réagissent. Or la Chine est le premier marché des vins de Bordeaux ».

Quoi qu'il en soit, Château Lanessan, les investissements se poursuivent. Plus de 500 000 euros ont été consacrés en dix ans à du matériel plus performant et un nouveau chai d'un million d'euros est attendu en 2021.

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