Laser Mégajoule : De l'outil militaire à la machine à innovation

Laser Mégajoule : De l'outil militaire à la machine à innovation

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Le Laser Mégajoule est entré en fonction le 23 octobre après 15 ans de chantier. La création de cet outil de dissuasion nucléaire a permis l'émergence d'une filière laser de premier plan en Aquitaine. Une dynamique d'innovation s'est mise en place qui doit profiter aux PME.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Après 15 ans de chantier, le Laser Mégajoule (LMJ) est entré en fonction le 23 octobre. Ce jour-là, le Premier ministre Manuel Valls a procédé au premier tir de ce laser quasiment unique au monde (les États-Unis possèdent une installation du même type). Certes, l'intérêt de cet outil est d'abord militaire, puisqu'il permet au CEA (Commissariat à l'énergie atomique) d'étudier le comportement des matériaux dans des conditions extrêmes similaires à celles atteintes lors du fonctionnement d'armes nucléaires. Mais il est aussi industriel, au regard de la filière qui a vu le jour en Gironde depuis l'annonce de l'implantation du LMJ.




Ecosystème quasi unique

« Un éco-système quasi unique a été bâti, explique Hervé Floch, délégué général du pôle de compétitivité Route des lasers. Nous avons la formation initiale avec l'Institut d'optique, la formation continue avec la plateforme Pyla, un centre de ressources techniques qui sert d'ascenseur pour la maturation de l'innovation avec Alphanov, et des parcs d'activités avec la SEML Route des lasers. Actuellement, une centaine d'entreprises en Aquitaine "consomment" de la photonique ou ont comme coeur d'activité l'optique-laser ». Parmi ces entreprises, on compte quasi exclusivement des TPE et PME. « L'enjeu, aujourd'hui, est de les amener vers les industriels », explique Hervé Floch. La technologie laser est utilisée dans de nombreux secteurs d'activité : l'aéronautique, le médical, l'automobile, l'énergie... On estime que la filière pèse 364 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'échelle mondiale. Et que ce chiffre atteindra près de 500 milliards d'euros en 2020. « Le XXe siècle était le siècle de l'électron, le XXIe sera celui du photon », prévient Hervé Floch.




Recherche de financement

Une entreprise illustre le potentiel fantastique de la filière laser : Amplitude Systèmes. Créée en 2002, la société pessacaise spécialisée dans les lasers à impulsions courtes a levé 30 millions d'euros en 2012. La course à la levée de fonds est d'ailleurs l'un des enjeux majeurs des PME du secteur. Car les entreprises innovantes ont besoin de moyens pour développer leur technologie ou lancer leur commercialisation. Vingt start-ups étaient ainsi présentes les 9 et 10 octobre à Bordeaux lors de la convention d'affaires Invest in Photonics, avec comme objectif de lever 70 millions d'euros. Mais en quoi la mise en service du LMJ va-t-elle avoir un impact sur les entreprises locales ? Les retombées immédiates et directes ne concerneront que les sociétés actives dans la maintenance. « Le maintien en condition opérationnelle représentera une dépense d'environ 100 millions d'euros par an, déclare Jean-Pierre Giannini, directeur du CEA Cesta. Et cette installation, qui va vivre pendant 30 ans, va évoluer en fonction des avancées technologiques ». Certains industriels régionaux considèrent toutefois que si le LMJ constitue un formidable totem pour la filière, aucun lien n'existe entre leur développement et celui du LMJ. En fait, c'est surtout du côté de la recherche que la mise en service du LMJ a accélérée, et va continuer à accélérer la maturation d'innovations. « Plus de 300 ingénieurs du CEA sont présents sur le LMJ, explique Benoît Appert-Collin, Dg d'Alphanov. Ils travaillent sur des thématiques identiques à celles des entreprises, qui alimentent les projets de collaboration et la R & D. Une dynamique d'innovation s'est mise en place, à laquelle contribue la communauté académique. Dans la grande chaîne du LMJ, on va trouver des briques technologiques utiles à l'industrie. Le pôle de compétitivité et Alphanov servent ensuite de passerelles ».




Technologies duales

Un argument que reprend à son compte Jean-Pierre Giannini : « Les industriels se sont appropriés certaines technologies, dites duales. Et n'oublions pas que le LMJ sera ouvert à la communauté académique. Le secteur de la santé, notamment, est très intéressé. Par exemple pour la protonthérapie, qui permet d'améliorer avec un coût moindre et plus de précision le traitement des cellules cancéreuses ». Déjà, des entreprises régionales comme SEIV ou ISP se sont convertis au laser en intégrant des technologies de la filière dans leur process. « L'optique laser est une technologie transversale, comme le numérique, explique Isabelle Laporte, Dg de la SEML Route des Lasers. La filière doit trouver des applications dans de nombreux secteurs d'activité. Cela conduira à la création de grosses PME, mais sans commune mesure avec l'aéronautique ou l'automobile. Le marché est porteur, aux vues des entreprises qui viennent me voir en ce moment pour s'agrandir ».




Révolutions technologiques

Les spécialistes de la photoniques promettent des révolutions technologiques issues de leur filière pour les prochaines années. Déjà, un laser a été mis au point pour tracer le contenu des grands crus. Au-delà de cet exemple local, on nous promet des innovations majeures pour façonner les matériaux, économiser l'énergie ou transmettre des informations par la lumière. Le laser n'a pas fini de briller.