Concurrence : La nouvelle donne espagnole
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Concurrence : La nouvelle donne espagnole

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Les entrepreneurs espagnols, confrontés à une conjoncture maussade viennent prendre des marchés en Aquitaine, surtout dans les secteurs de la construction et du transport.Les entreprises locales dénoncent une concurrence déloyale et pointent la responsabilité des donneurs d'ordre. Yann Buanec et Orianne Esvan
— Photo : Le Journal des Entreprises

Les entreprises de bâtiment sont les premières à avoir constaté la recrudescence d'entreprises espagnoles sur l'Aquitaine. «Depuis un an, de plus en plus de chantiers sont pris par des Espagnols, déclare Bruno Garabos, président de la FFB (Fédération française du bâtiment) Gironde. Je peux comprendre leur situation: le chiffre d'affaires des entreprises de construction en Espagne et au Portugal a chuté de 11% en 2011, et devrait encore baisser de 12% en 2012. Il est logique qu'elles viennent chercher des marchés de l'autre coté des Pyrénées. Le problème, c'est que les entreprises françaises ont des marges qui ne cessent de diminuer. Cette concurrence, pas toujours loyale, risque d'aggraver nos difficultés». Si Bruno Garabos évoque une concurrence pas toujours loyale, c'est qu'il sait les contrôles ô combien difficile sur les chantiers. «Certes, le droit français s'applique en France. Mais comment vérifier si un ouvrier espagnol travaille 35h ou 50h sur un chantier? Et les contrôles ne sont pas assez nombreux pour vérifier que tout le monde est bien déclaré». Le président de la FFB Gironde dénonce aussi l'hypocrisie des maîtres d'ouvrage, public notamment, qui ferment les yeux sur les pratiques de ces entreprises car leurs prix sont attractifs.




Argument moral face à argument financier

Car si les entrepreneurs espagnols décrochent des contrats en Aquitaine, c'est bien que des maîtres d'ouvrage locaux font appel à eux. Une situation que déplore le président de la FFB Gironde, en s'appuyant sur des arguments moraux plus que juridiquespuisque les marchés sont ouverts à l'échelle européenne depuis bien longtemps. Pascal Bertrand, président régional de la Fédération des promoteurs immobiliers, conteste le constat de Bruno Garabos: «Quelques promoteurs font appel à des entreprises étrangères, mais cela demeure l'exception. Parfois, l'emploi de main-d'oeuvre espagnole ou portugaise est une nécessité pour pallier au manque d'ouvriers français». Mais les prix attractifs des PME espagnoles n'intéressent pas que les maîtres d'ouvrage. Certaines entreprises de construction régionales utilisent la main-d'oeuvre ibérique en sous-traitance, histoire de reconstituer leurs marges...




Libéralisation totale du cabotage pour 2014

Dans le transport routier, les entreprises espagnoles, déjà très présentes sur nos routes, bénéficient depuis quelques mois d'un assouplissement du droit concernant le cabotage légal. Un véhicule peut désormais effectuer trois chargements en France dans le cadre d'un transport international. «Les Espagnols, dont la consommation interne s'est effondrée, réalisent leurs retours vers leur pays avec de la marchandise qu'ils déchargent dans le Sud-Ouest, explique François-Xavier Mintegui, président de l'OTRE (Organisation des transporteurs routiers européens) Aquitaine. Et la situation ne va pas s'améliorer, la libéralisation totale du cabotage est prévue pour 2014!» Jérôme Bessière, délégué régional de la FNTR (Fédération nationale des transporteurs routiers) s'inquiète pour sa part de la modification du droit du travail espagnol: «Nous allons devenir encore moins compétitifs. Nous souffrons déjà d'écarts sur les charges sociales, le temps de disponibilité des conducteurs et le prix du gazole!» Et encore les deux représentants syndicaux n'évoquent-ils que la concurrence légale... Le contrôle du cabotage est difficile sur route, et surtout peu fréquent. «Les sanctions sont effrayantes sur le papier, mais les contrôles sont tellement rares qu'ils n'effraient pas grand monde, estime Jérôme Bessière. Les contrôles chez les chargeurs sont beaucoup plus efficaces, mais exceptionnels».




De la main-d'oeuvre pour la filière agricole

Du côté de la filière agricole, la concurrence des produits espagnols notamment sur la fraise, est une réalité depuis de nombreuses années. Mais mis à part cette concurrence produit, le secteur fait face à une autre situation. Étant confronté à une pénurie de main-d'oeuvre, la filière est assez satisfaite de trouver des saisonniers espagnols souvent missionnés par des agences d'intérim spécialisées. «Ce qui pose parfois problème, explique Virginie Cherprenet, délégué régional au syndicat des entrepreneurs du territoire Aquitaine, c'est que ces agences ne respectent pas forcément la législation. Or s'il y a des contrôles le donneur d'ordre est également responsable et peut être soumis à des sanctions financières.»

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