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À Lyon, l'accélérateur H7 rebat les cartes
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À Lyon, l'accélérateur H7 rebat les cartes

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Le nouveau lieu « totem » H7, 5 000 m² dédiés à l’hébergement d’entreprises de la « tech » dans le quartier Confluence, inauguré mi-mai, manque encore de lisibilité. Désormais réunie sous la bannière commune French Tech One Lyon Saint-Etienne, la grande famille de l’écosystème numérique local est circonspecte. Mais elle veut pourtant croire à la réussite de cette entreprise hybride, qui doit faire rayonner Lyon au-delà des frontières hexagonales.

— Photo : Brice Robert

Depuis 2015 et la naissance du label French Tech, la « bulle » numérique lyonnaise n’a cessé de grossir. Désormais uni avec Saint-Étienne sous la bannière « French Tech One », l’écosystème lyonnais représente à lui seul 10 accélérateurs, 16 « living labs » (lieux d’innovation partagés par citoyens, habitants et usagers), « fablabs » (lieux de fabrication ouverts à tous) et autres « hackerspaces » (laboratoires communautaires ouverts), plus de 20 incubateurs, 11 espaces de coworking, mais aussi 4 clusters numériques. Ajoutons à cela quelque 600 événements par an (soit deux à trois par jour). Le tout pour environ 900 start-up et une centaine de scale-up.

« Cette diversité fait la richesse de notre territoire » s’enthousiasme Anne Podunavac, présidente de Boost In Lyon, incubateur associatif affublé d’une solide réputation. Cette communauté, allant de simples structures d’hébergement à du mentoring opéré par des dirigeants expérimentés, a, bon an mal an, trouvé son modèle économique dans un environnement où chaque nouvel entrant creuse sa place au milieu des plus anciens.

Un écosystème numérique déjà solide

Parmi les plus crédibles, l’historique école de management EM Lyon, dotée d’un incubateur depuis trente ans. Dans son sillage ont émergé d’autres structures académiques : Beelys, rattaché à l’Université de Lyon, Manufactory pour l’université Jean-Moulin Lyon 3 ou le Campus HEP René-Cassin. Émergent aussi des espaces thématiques dont celui du Barreau de Lyon, de l’Isara (ingénieurs agronomes), le Foodshaker (incubateur pour les filières agricoles et agroalimentaires), tandis que Le Centsept ou Ronalpia sont tournés vers l’inclusion.

Plus récemment, des structures corporate poussent leurs pions, tels le B612 rattaché à la Caisse d’Épargne (fintech) ou LH Accelerator pour Lafarge Holcim (BTP). Au cœur de la ville, le Tubà se définit, lui, comme le « tube à essais » local pour relier des entreprises et des pépites dans le domaine de la smart city. Sans oublier 1Kubator, acteur désormais national de l’amorçage, créé il y a à peine trois ans et qui noue des partenariats financiers solides avec, par exemple, le laboratoire Boehringer Ingelheim ou l’ETI de Vénissieux Serfim.

La « cathédrale » H7 inquiète

C’est donc dans ce paysage éclectique - joyeux bazar à l’activité débordante - que déboule H7. Un espace de 5 000 m² dédié, à terme, à l’hébergement de scale-up (jeunes entreprises en forte croissance). Très attendue, l’ouverture du lieu « totem » dans les anciennes Halles Girard, quai Perrache, au cœur du quartier Confluence vient, l’air de rien, chambouler la donne. H7 génère des peurs. Et pas mal de réticences. La faute à une accumulation de petites maladresses ? Peut-être.

Quelques jours avant l’installation des premières start-up, plusieurs centaines de personnes furent conviées dans la nef de H7. Une scène, des écrans géants, des enceintes dignes des Nuits Sonores… Un « show » de plus de deux heures qui n’a pas été de nature à apaiser les craintes. « Parler d’un lieu totem est un peu réducteur, introduit le président de Lyon Métropole, David Kimelfeld. Ici, ce serait presque une cathédrale ! », s’enthousiasme-t-il. Sauf que l’événement renvoie une image à l’exact opposé de l’humilité que le binôme Cédric Denoyel, le président de H7, et Marie Esquelisse, directrice, veulent renvoyer.

Cédric Denoyel, PDG de H7, et Marie Esquelisse lors du Web Summit de Lisbonne en novembre 2018 — Photo : Audrey Henrion

Un lieu unique en réponse à deux injonctions

Pas question de mettre en doute la bonne volonté de ces deux « patrons ». L’un, élu président pour quatre ans au minimum, est le cofondateur de la PME Capsa. La seconde se qualifie de « globe-trotteuse » et est une ex-chef de projet « transformation numérique » de la banque LCL. Ces deux-là répondent à une double injonction, un peu contradictoire.

La première est politique. Propriétaire de l’ancienne chaudronnerie restaurée à hauteur de 12 millions d’euros et « bailleur » de H7, Lyon Métropole, qui ne siège pas dans les différentes instances de décisions de la structure, lui demande cependant de « créer ce qui n’existe pas ». « Nous avons besoin d’idées nouvelles, de femmes et d’hommes qui font bouger les choses », glisse ainsi David Kimelfeld.

« On se demande comment ne pas se faire cannibaliser. »

La seconde injonction, économique, est inhérente au modèle voulu par la Métropole. Car la SAS H7, 100 % privée, s’est créée ex nihilo. Son actionnariat est composé du groupe d’entrepreneuriat social SOS (CA : 1 Md €), de la société d’événementiel Arty Farty, de l’accélérateur Axeleo et, pour 1 % symbolique, de French Tech One. H7, qui verse un loyer à la Métropole, se donne un objectif de rentabilité d’ici à deux ans. Conséquence : les dirigeants du lieu s’appuient sur la bienveillance et la participation active (et bénévole) des différents responsables d’incubateurs et accélérateurs. Tout en cherchant des financements…

« On s’interroge sur la pertinence de ce modèle, à la fois subventionné et qui semble, pour l’instant, davantage faire concurrence à l’écosystème que l’aider », constate cet interlocuteur qui fut proche d’H7. Pourtant, depuis novembre et la mise en avant d’H7, le binôme à sa tête n’ignore rien des tensions apparues au fil des réunions de cadrage. Mais il n’a pas réussi à rassurer. « C’est peu dire que nous sommes dubitatifs. On se demande comment ne pas se faire cannibaliser. Mais comme nous sommes tous « French Tech », il n’est pas illogique que l’on rame collectivement dans le même sens », glisse cet acteur de premier plan, se sentant « coincé entre le marteau et l’enclume ». « Des incubateurs ? Il y en a trop à Lyon, consent le patron de H7 Cédric Denoyel. À un moment, il en restera moins, car on n’échappe pas à la loi du marché. »

Quand French Tech One retarde son emménagement

Autre source de tensions : la méthode. Les dirigeants du lieu travaillent en mode work in progress. « Nous n’avons pas la science infuse, nous travaillons dans la coconstruction », assure pourtant Cédric Denoyel. Au risque de créer de la déception. Plusieurs incubateurs ont accepté de taper dans la main pour prendre des places dans H7 et participer activement à la vie du lieu. Mais sont « tombés de l’armoire » en découvrant les conditions rédigées sur le contrat, non-conformes à l’engagement oral. Et ont fait marche arrière.

« J’ai perçu ces craintes. Mais le H7, tout le monde l’a voulu. Il est là. Il faut lui faire sa place. »

Même l’emménagement de French Tech One (FTO) dans H7 était, à l’heure où nous bouclions ces lignes mi-avril, décalé. Les deux parties doivent se mettre d’accord sur la convention de partenariat. Jusqu’alors installé sur 120 m² dans les bureaux de la rue de la Charité (Lyon 2e) pour lesquels Orange versait le loyer sous forme de mécénat, les trois salariés de FTO devront se serrer dans 26 m² à H7.

L’association qui devra, à sa grande surprise, verser un loyer à la structure, entend ne pas perdre au change, en déménageant dans un lieu destiné par essence à l’héberger. Et attend donc de se mettre d’accord par écrit avant de déballer les cartons. « D’ici un ou deux mois », estime Renaud Sornin, président de FTO et ancien directeur achats chez Bouygues Construction. L’homme est, à son habitude, optimiste. « Je n’ai pas envie qu’en déménageant FTO paye plus cher. Mais nous avons tous envie que ça fonctionne ! »

En réponse aux critiques, aux couacs, Cédric Denoyel l’assure : « J’ai perçu ces craintes. Mais le H7, tout le monde l’a voulu. Il est là. Il faut lui faire sa place, et dans un an ou deux, nous allons irriguer Lyon de nombreux dossiers ».

Au sein de H7, la place couverte baptisée HEAT (le H de H7 et "Eat") d'une surface de 600 m² accueillera des start-up culinaires toute l'année. — Photo : Vurpas Architectes

Ces partenaires qui croient au projet H7

Parmi ceux, nombreux, qui croient au potentiel du lieu figurent les partenaires. Au premier rang desquels le Crédit Mutuel du Sud-Est, déjà sponsor des Nuits Sonores d’Arty Farty. « Au moins six autres banques se sont montrées intéressées », glisse Olivier Fallourd, responsable innovation de la banque. L’établissement s’installe fièrement à H7 et, en tant que « fondateur », aura l’oreille de son comité stratégique pendant trois ans.

L’assureur lyonnais Apicil s’engage, lui, à un niveau financier un peu inférieur à celui du Crédit Mutuel, pour un an, à travers la location de 20 postes et le programme de 9 mois « Apicil by H7 » pour « renforcer le dispositif de santé au bénéfice des plus fragiles ».

« H7 est l’occasion de rendre les incubateurs et accélérateurs plus visibles et plus lisibles. »

LPA (Lyon Parc Auto), la société d’économie mixte (donc publique) dirigée par Louis Pelaez signe, elle aussi, un partenariat financier d’environ 50 000 euros sur une année pour créer une autre « verticale » sur le thème des nouvelles mobilités. Le géant EDF lui, paye pour voir. « H7 peut incarner un espace de veille intéressant. C’est encore un peu frais à notre goût pour s’investir davantage », glisse une chargée de mission.

Pour Pauline Raud, en charge de la stratégie de marque de B612 pour la Caisse d’Épargne, qui loue 15 places au sein de l’hôtel d’entreprises, « H7 est l’occasion de rendre les incubateurs et accélérateurs plus visibles et plus lisibles ». « H7, c’est positif. Plus il y a de lieux emblématiques de ce type et mieux c’est », claque Brieuc Oger, fondateur de Hub Grade, qui vend à H7, en marque blanche, un logiciel de gestion d’espaces. L’association « historique » La Cuisine du Web, elle, reste rue de l’Abondance (Lyon 3e), dans l’immeuble d’1Kubator où le loyer n’est « que » de 160 euros HT par mois en open space, contre 350 HT à H7.

Bienveillance relative dans le milieu économique lyonnais

Les représentants de l’économie « réelle » sont, pour l’heure, bienveillants, mais prudents. À l’image de Franck Dunière, dirigeant de IP Line (80 salariés, CA : 10,3 M€) et président du Cercle Pépites, réseau de 72 scale-up lyonnaises. « Pour moi, H7 c’est un programme immobilier porté par une société anonyme où sont hébergés French Tech One, un bar à bière, des écoles… ».

Laurent Fiard, président du Medef Lyon-Rhône, est dans le même esprit. Ce lieu, est pour lui « comme Bel Air Camp ou le futur Campus Numérique de Charbonnière, très bon pour l’attractivité de Lyon ».

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