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La Savoie mise gros sur la saison estivale
Enquête Savoie # Tourisme # Conjoncture

La Savoie mise gros sur la saison estivale

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La Savoie est l'un des départements français qui ont été les plus touchés par la crise du coronavirus. Avec la saison estivale qui débute, les acteurs locaux de la montagne et du tourisme entendent tirer parti des envies de grands espaces des vacanciers pour remonter la pente. Mais petites et grandes stations de montagne ne sont pas toujours logées à la même enseigne.

La Savoie est, selon l'Insee, le département de France métropolitaine dont l’économie est la plus tournée vers le tourisme (15 % de sa richesse dégagée) — Photo : David Malacrida

Dans les stations de ski, la saison hivernale s’annonçait prometteuse, avec un enneigement et des réservations au rendez-vous. « Ce devait être la meilleure saison jamais vue », insiste Rémy Counil, directeur général de l’office de tourisme de la station de La Plagne. Mais en Savoie, où le secteur du tourisme représente jusqu’à la moitié de l’activité économique dans la vallée de la Tarentaise, le Haut-Chablais, ou encore le Grand Massif, la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de coronavirus a frappé de plein fouet. Résultat : -38 % d'activité dans ce département le plus touché de la région et au niveau national, selon une étude de l’Insee sur les impacts économiques de la crise sanitaire en Auvergne Rhône-Alpes publiée en mai. « L’impact lié au tourisme d’hiver est majeur. L’hôtellerie-restauration contribuerait, à elle seule, à faire baisser l’activité de 8 % », précise l’institut de statistiques.

Un tiers de l’exploitation hivernale perdu

En Auvergne Rhône-Alpes, deuxième région touristique de France avec 21,2 milliards d’euros de revenus par an selon Auvergne Rhône Alpes Tourisme), la Savoie génère 25 % de cette manne, avec près d’un quart des salariés du département. Or, durant la première semaine de confinement, les transactions bancaires de ce territoire ont chuté de 60 % par rapport à 2019. À La Plagne, ce sont entre 20 et 30 % du chiffre d’affaires annuel qui se sont envolés. « Nous avons perdu six semaines d’ouverture, soit un tiers de la période d’exploitation hivernale, qui représente 98 % de l’activité de l’année », déplore Rémy Counil.

Dans les stations de haute altitude, celles qui investissent le plus, l’impact a été considérable. « Nombre d’entre elles ont décidé de reporter leurs investissements, ce qui va avoir une incidence sur l’ensemble du tissu économique de la région, regrette Benoît Robert, directeur du cluster montagne, spécialisé dans la promotion et l'aménagement des activités de montagne. Le fait que les collectivités ne soient pas en place en raison du report des élections municipales accentue encore ce phénomène, car nombre de stations sont encore publiques. »

Un été qui canalise les espoirs

Dans les petites et moyennes stations, l’impact est moindre. À la mi-mars, la saison était déjà bien entamée. Et, en raison des risques de moindre enneigement, leur activité est depuis longtemps plus équilibrée sur l’année. Très rapidement, ces stations ont reporté leur attention sur la saison estivale.

Les Arcs en Savoie — Photo : David Malacrida

Avec raison : la montagne arrive en tête des destinations plébiscitées par les Français. Dans une étude de l'association VVF (ex Villages Vacances Familles) publiée fin mai, 44 % des personnes interrogées envisageaient de rejoindre la montagne ou la moyenne montagne pour les vacances. « Après avoir pris le temps de se reconnecter à eux-mêmes pendant deux mois et demi, les vacanciers ont la volonté de se reconnecter à la nature et aux grands espaces », espère le directeur de La Plagne.

Pas si facile pour les stations cependant, avec l’annulation des gros événements et des réservations tardant à venir. « Nous anticipons une baisse de 60 % des réservations par rapport à l’an passé », prévient ainsi Frédéric Blanc-Mappaz, directeur de l’office de tourisme de la station d’Arêches-Beaufort.

Le pari d’une vaste communication

Pour attirer les vacanciers, le secteur mise gros sur la communication. À l’échelle nationale d’abord, avec la grande campagne télévisuelle “La montagne tout naturellement”, lancée par France Montagne, Atout France et les structures territoriales, dont Savoie Mont Blanc Tourisme, pour un budget de 304 500 euros. Au niveau régional ensuite. En plus de son fonds d’urgence “tourisme/hébergement restauration” doté de 30 millions d’euros, la Région Auvergne Rhône-Alpes a investi 10 millions d’euros dans une grande campagne (sponsoring des bulletins météo de France Télévisions notamment). À l’échelon local enfin. La Plagne prévoit par exemple de doubler son budget communication pour attirer touristes français et étrangers (35 % de la clientèle). Même son de cloche à Arêches-Beaufort. « Tout l’enjeu est de nous faire connaître. Nous allons investir plus qu’à l’accoutumée dans la communication. Nous voulons aussi jouer la carte de l’automne, avec le Tour de France qui passe au mois de septembre », décrit Frédéric Blanc-Mappaz.

L’enjeu est aussi de rassurer les vacanciers. Les rassurer financièrement, en leur permettant d’annuler et de se faire rembourser à tout moment, sans condition, comme le fait la station des Arcs. Et les rassurer d’un point de vue sanitaire. À La Plagne, un budget a été débloqué pour la mise à disposition de gel hydroalcoolique dans les offices de tourisme et la mise en place de live chat (conversation simultanée via internet, NDLR) dédiés afin d’éviter les engorgements dans les points d’information, qui peuvent accueillir jusqu’à 400 personnes par jour en haute saison. Plusieurs stations travaillent d’ailleurs à l’obtention du label concernant le respect des mesures sanitaires décerné par l’association française de normalisation (Afnor).

Maximiser et diversifier l’expérience

Et à défaut de grands événements, les animations sont adaptées et maximisées. Visites d’alpages, de villages, de chantiers de télécabine ou encore apéros montagnards avec découvertes de spécialités à Arêches-Beaufort. « Tout le programme est maintenu, même si les participants sont peu nombreux et que nous travaillons à perte », décrit-on dans la station. Aux Arcs, la télécabine sera gratuite tout l’été. L’enjeu est double car la démarche permet aussi de désengorger le réseau de navettes, déjà densifié. « Prendre cette télécabine avec sa vue panoramique incarne une expérience en soi », précise Eric Chevalier, qui a investi 150 000 euros dans l’opération.

Certaines activités connaissent aussi un bel essor. « Nous avons recensé de nombreuses demandes autour des jeux immersifs en extérieur, les escape games, indique Benoît Robert, directeur du cluster montagne. Elles sont peu coûteuses, respectent la distanciation sociale et répondent aux envies de grands espaces des vacanciers. » Pour Mountain Games, qui vient de lancer son activité aux Saisies (Savoie), c’est une aubaine. « Nous avons déjà des sollicitations pour d’autres stations ou pour d’autres publics », confirme Adrien Dumay, cofondateur de la société qui lancera officiellement son activité le 27 juin.

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