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Teréga construit son avenir sur le gaz vert
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Teréga construit son avenir sur le gaz vert

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Après une année 2022 singulière marquée par un contexte toujours inédit cerné par le conflit ukrainien et les efforts pour développer la transition énergétique, le gestionnaire du réseau de transport de gaz palois Teréga poursuit ses efforts. Il multiplie les partenariats et projets stratégiques dans le biométhane, l'hydrogène et le captage de CO2 pour construire un mix énergétique décarboné dans le Sud-Ouest à horizon 2030 et au-delà.

Teréga gère un réseau de 5 100 km de canalisations de transport de gaz, soit 140 841 GWh de gaz transporté — Photo : Jean-Michel Ducasse/Teréga

La transformation s'accélère pour Teréga (644 salariés, 799 M€ de CA en 2022). L’un des deux gestionnaires du réseau de transport de gaz en France - avec GRTgaz - multiplie les projets d’envergure ces derniers mois en faveur de la décarbonation à l’échelle nationale. Son dernier bilan financier annuel traduit cette forte dynamique, avec un résultat net de 95 millions d’euros en 2022, en croissance de 46 %.

Souveraineté énergétique

Le contexte d’un dernier exercice aux approvisionnements et aux prix du gaz bouleversés par la guerre en Ukraine a poussé le gestionnaire à augmenter ses travaux d’équilibrage du réseau (307 M€, +7 %). Il a aussi revu à la hausse ses investissements (163 M€, +16 %), une tendance qui devrait perdurer face aux enjeux de sécurité énergétique. "Le contexte a montré nos limites et le besoin de mettre en place de nouveaux modèles plus indépendants. Si l’an dernier l’essentiel de nos investissements s’est fait dans la maintenance et l’entretien du réseau de gaz traditionnel, nous souhaitons qu’à horizon 2030, 30 % d’entre eux participent à la décarbonation du mix énergétique", poursuit Dominique Mockly en évoquant l’ambition des gaz verts. "Par exemple, nous allons mettre en place des systèmes de rebours pour transférer du gaz des réseaux de distribution aux réseaux de transport", détaille-t-il. Le groupe nourrit aussi des ambitions de souveraineté énergétique pour la zone qu’elle couvre, soit 15,7% du réseau de transport français auprès de clients publics et industriels. "Nous travaillons à réorganiser notre réseau pour permettre de collecter dans notre région du biométhane qui va être produit sur le territoire. Dans notre vision à 2035, nous souhaitons passer à un modèle de réseau régional collecteur", continue le PDG. Sa filiale Teréga Solutions a d’ailleurs signé un partenariat en juillet avec l’association toulousaine Solagro pour développer auprès d’agriculteurs un modèle de méthanisation "de petite à moyenne taille, à la française".

Le basculement dans les nouveaux gaz est aussi accéléré par la crise énergétique et les investissements des industriels pour moins dépendre du gaz. "Il n’y a pas de raison pour qu’ils reviennent sur les mesures prises", ajoute Dominique Mockly, anticipant une baisse durable de la consommation. "Qu’il y ait du gaz ou pas, nos coûts sont pris en charge par le tarif de transport et de stockage, revu tous les quatre ans par la commission de régulation de l’énergie, assure le PDG. Selon l’Ademe, à horizon 2050, le scénario le plus probable table sur une diminution par deux des consommations de gaz traditionnel. On passerait de 450 TWh de consommation française actuelle à 220 TerraWatt/heure (TWh) environ. Le biométhane, l’hydrogène et le CO2 constitueront l’essentiel des autres vecteurs énergétiques."

1,2 milliard d’euros pour l’hydrogène

Anticipant ce basculement, Teréga s’engage sur plusieurs fronts simultanés, au rang desquels l’hydrogène occupe une bonne place. Début juillet, il a dévoilé au public les contours d’HySoW - pour Hydrogen South West -, vaste projet d’infrastructure de transport et de stockage d’hydrogène vert néoaquitain et occitan chiffré à 1,2 milliard d’euros. Ces 600 kilomètres de tuyaux (à 70 % neufs) doivent transporter 16 TWh par an entre Marseille et Bordeaux en alimentant Toulouse, le pôle industriel de Lacq et les ports de Bayonne et de Port-la-Nouvelle et stocker 500 GigaWatt/heure (GWh) en 2030. Connecté au projet d’hydrogénoduc H2Med entre l’Espagne et la France, HySoW se présente même comme sa "pierre angulaire".

"La zone de Lacq sera certainement l’une des grosses zones de consommation d’hydrogène vert demain ; notre but avec ce projet est avant tout de donner de la flexibilité à ces approvisionnements locaux et de les connecter aux marchés en train de s’organiser, essentiellement dans le Sud, pour fabriquer un hydrogène peu cher", poursuit Dominique Mockly. "HySoW pourrait se raccorder au Pays basque espagnol en 2040 ou à l’Aragon. Nous choisirons le moment venu l’infrastructure la plus intéressante à basculer en hydrogène".

Pour cadrer la géographie des besoins, Teréga a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) courant jusqu’en octobre. "Les premiers investissements pourraient intervenir en 2027 ou 2028", anticipe le porte-parole.

Espoirs industriels

L’AMI doit aussi recenser les projets d’infrastructure de revalorisation du dioxyde de carbone. "Le CO2 biogénique - issu de l’épuration du biogaz - produit par des industriels utilisant de la biomasse comme les cimentiers ou les papetiers, qui ont une production de CO2 centralisée, a une vraie valeur sur le marché. Nous voulons capter, transporter et stocker cette production." À cette fin, Teréga s’intègre au projet Pycasso, lancé en 2021 par le pôle de compétitivité palois Avenia, pour proposer aux industriels des solutions de décarbonation de leurs sites. "Ce projet est en lien avec la stratégie gouvernementale CCUS (Capture carbone utilisation et stockage). Nous sommes en train de monter des partenariats." Qu’il s’agisse de les utiliser pour produire du e-fuel pour l’aviation ou de e-méthanol pour les navires, l’entreprise entend "permettre aux industriels d’avoir une réserve de CO2 disponible pour faire fonctionner leurs usines. Nous discutons aussi avec certains ports pour expédier le CO2."

Le vaste projet d’usine BioTJet à Pardies (Pyrénées-Atlantiques), porté par la PME lyonnaise Elyse Energy (40 salariés), est un exemple parlant de la réindustrialisation espérée par Teréga au travers de ces nouveaux déploiements. L’investissement, estimé à un milliard d’euros, doit produire dès 2028 jusqu’à 75 000 tonnes annuelles d’e-fuel (mélange d’hydrogène et de CO2) pour décarboner l’aviation. Il intéresse déjà beaucoup le gestionnaire palois. "Il pourrait bien être la première brique d’HySoW. Si Elyse a besoin d’une infrastructure de transport, nous serons candidats pour la réaliser". En attendant, Teréga n’en oublie pas le gaz naturel : en mars dernier, il a annoncé le renforcement des capacités d’entrée sur son réseau à Pirineos, point d’interconnexion avec l’Espagne. L’objectif est d’investir pour augmenter les capacités de 20 GWh supplémentaires par jour à compter de l’été 2024.

Des cavités salines pour stocker l’hydrogène

Si le transport d’hydrogène est l’un des enjeux phares de Teréga, le groupe palois réfléchit aussi à son stockage, lui qui conserve déjà le quart des réserves françaises de gaz à Lussagnet et Izaute, entre les Landes et le Gers. À cette fin, il a signé en juin dernier un autre partenariat, toujours dans le cadre de la future dorsale européenne de l’hydrogène, avec le groupe Salins (2 200 salariés, 251 M€ de CA), l’un des principaux saliniers d’Europe. "Salins exploite du sel en creusant des cavités dans le sous-sol. La Nouvelle-Aquitaine est particulièrement riche en cavités salines", expose Dominique Mockly. "Le but est de pouvoir utiliser leurs futurs sites d’exploitation pour y stocker de l’hydrogène. Pour rendre cela possible, il faut exploiter les mines en creusant plus profondément des cavités en formes d’obus pour maintenir la pression nécessaire. Il faut aussi que l’acier servant à creuser les puits soit compatible", termine le porte-parole. Des études de faisabilité sont en cours.

Le stockage d’hydrogène ou de gaz naturel dans des cavités salines n’est pas exclusif au groupe palois : dans les Landes, un projet de stockage de 600 millions de mètres cubes de gaz dans des dômes de sel à Pouillon et Mimbaste, porté par EDF il y a une dizaine d’années, avait été abandonné en 2013 faute de "critères technico-économiques requis." L’engouement pour l’hydrogène réservera-t-il une issue plus favorable aux ambitions de Teréga ? Une première étape concrète a été annoncée en 2020, en association avec la société girondine Hydrogène de France (3,5 M€ de CA en 2022) pour déployer HyGéo, une installation pilote de stockage d’hydrogène vert, produit par électrolyse de l’eau, à l’intérieur d’une cavité saline d’une capacité de 10 000 m3 à Carresse-Cassaber (Pyrénées-Atlantiques). L’exploitation de ce pilote, situé sur un ancien site de stockage de propane anciennement exploité par TotalÉnergies, devrait démarrer entre 2025 et 2026 selon France Hydrogène.

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