Dans la foule des industriels lancés dans des stratégies de décarbonation, le groupe francilien Schneider Electric se distingue en misant sur les innovations numériques, sans recourir à la compensation (investissement dans des programmes de reforestation ou rachat des crédits carbone pour contrebalancer les émissions de CO2, NDLR). Cette démarche a démarré en 2015 dans son usine d’Alès qui, depuis 1972, fabrique des disjoncteurs modulaires et des sous-ensembles thermiques pour l’industrie. Visant à optimiser à la fois la production et la consommation d’énergie du site gardois de 14 000 m2 (300 salariés), elle a nécessité une enveloppe de 2,5 millions d’investissements, qui atteindra les 5 millions à l’horizon 2025.
Plus de performance énergétique
En effet, le groupe, expert dans la transformation numérique de la gestion de l’énergie et des automatismes, agrège sur place les systèmes permettant d’éliminer toutes les sources de CO2. L’usine dispose pour cela d’un atout certain : totalement automatisée, elle ne nécessite quasiment aucun assemblage manuel, ce qui facilite l’implémentation d’innovations. L’installation de capteurs et de systèmes de pilotage intelligent permet par exemple de garder une température stable (à 25°), nécessaire au process, et de réduire la consommation d’énergie. Lancée initialement à l’échelle d’un hall de production, puis des lignes de production, cette approche est désormais intégrée à chaque machine de l’usine. "Nous avons beaucoup travaillé sur l’amélioration de nos installations. En utilisant des compteurs intelligents pour mesurer leur performance énergétique, nous avons réduit de 20 % notre consommation d’énergie depuis 2019", évalue Michel Marmet, directeur de l’usine alésienne.
L’innovation la plus notable porte sur l’utilisation d’une chaufferie très améliorée. Conçue dès 2012, elle peut récupérer les chaleurs fatales (calories émises lors du process de fabrication) : grâce à l’air comprimé actionnant les lignes de production, elle produit jusqu’à 72 % de l’énergie utilisée pour chauffer le site en hiver. Mais le système dispose désormais de compresseurs de nouvelle génération qui améliorent son rendement. "Cette innovation nous permet de valoriser la chaleur fatale toute l’année : pour le chauffage en hiver, mais aussi pour le système de refroidissement de nos machines spéciales désormais", apprécie Laurent Bataille, président de Schneider Electric France.
Un site vitrine pour le groupe
Mises bout à bout, ces innovations technologiques permettent à l’usine d’Alès de tendre vers le zéro carbone : alors qu’elle dégageait 171 tonnes de CO2 en 2008 par an, elle n’en émet quasiment plus en 2023. Elle est devenue un site pilote pour l’ensemble de Schneider Electric France. "Nous disposons d’une équipe de R & D de cinq personnes, qui intervient dans les autres usines du groupe afin de les aider à monter en compétence, notamment sur le thermique", illustre Michel Marmet. "Le site d’Alès démontre aussi à nos clients et à nos fournisseurs la pertinence de notre démarche", renchérit Laurent Bataille. Pour la suite, l’usine prévoit de muscler sa production d’électricité renouvelable. Une première tranche de travaux a permis l’installation en 2022 de panneaux photovoltaïques en ombrières, qui produisent 14 % de la consommation électrique. L’investissement en cours verra cette part bondir à 37 % en 2024. Le groupe projette de décarboner la totalité de ses usines (207 unités dans le monde) d’ici 2050.
