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Quand les salariés se muent en repreneurs
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Quand les salariés se muent en repreneurs

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Départ en retraite, volonté d'assurer la pérennité de l'entreprise : de plus en plus de dirigeants se tournent vers la transmission en Scop. Une démarche qui implique d'organiser le financement et d'anticiper la montée en compétences des salariés. Témoignages en Haute-Garonne.

Les quatre repreneurs du négoce de matériaux toulousain MBC ont choisi de s'associer à parts égales dans l'entreprise : un équilibre souvent recherché lors des transmissions en coopérative, mais qui n'a rien d'obligatoire — Photo : © MBC

Bernard Pousthomis le reconnaît : quand il s'est mis en quête d'un repreneur il y a quatre ans, il n'avait pas du tout envisagé la transmission en Scop, ces sociétés coopératives détenues et gouvernées par leurs salariés. « J'avais un regard critique sur les coopératives, l'impression que personne ne dirigeait vraiment », se souvient le fondateur d'Hadès, bureau d'investigations archéologiques basé à Balma (53 salariés, 4,4 M€ de CA). Alors qu'un premier projet de vente est remis en cause par la crise du secteur archéologique, le dirigeant lance en 2015 une réorganisation de son entreprise qui voit, entre autres, la création d'un comité de direction incluant plusieurs cadres. « J'ai constaté que les salariés acceptaient certaines décisions du moment qu'ils les comprenaient », résume Bernard Pousthomis. Fin 2016, le dirigeant relance la vente de son entreprise, cette fois en privilégiant la reprise en interne. « Nous avions déjà créé un collectif de salariés au plus fort de la crise : nous nous sommes tout de suite reconnus dans le modèle coopératif », indique Ugo Cafiero, cadre devenu le nouveau dirigeant de la société. A l'été 2018, la cession est signée : 33 des 53 salariés deviennent coopérateurs.

Un accompagnement financier pour les repreneurs

Les transmissions aux salariés restent rares en Occitanie : entre cinq et dix dossiers aboutissent chaque année. Mais à l'Union régionale des Scop (UR Scop), on constate un intérêt croissant des chefs d'entreprise. « En cinq ans, nous sommes passés de 35 à 70 candidatures par an, rapporte Cyrille Rocher, président de la structure. La vision de la transmission aux salariés évolue : les dirigeants, qui l'associaient auparavant à une liquidation, se l'approprient désormais comme un outil de cession parmi d'autres. » Le passage en Scop implique naturellement une volonté partagée du chef d'entreprise et de ses salariés, mais pas seulement. « Chaque année nous refusons environ 80% des dossiers : il faut s'assurer de la viabilité du modèle économique, des compétences des salariés et de leur capacité financière à porter le rachat », poursuit Cyrille Rocher. Le prix de vente est fixé selon les ratios comptables habituels : difficile d'envisager une reprise en Scop pour les entreprises fortement capitalisées ou dotées d'un important parc machines... L'UR Scop assure la médiation entre le cédant et les salariés, pour un ticket moyen entre 1 et 5 millions d'euros, souvent moins dans le secteur des services. La plupart des dossiers se bouclent entre six et douze mois.

Des entreprises qui restent solides

« Parler d'argent avec son employeur n'est pas simple, il est utile qu'une tierce partie assure la négociation, reconnaît Tiago Mendes, l'un des quatre repreneurs du négoce de matériaux toulousain MBC (9 salariés, 2,2 M€ de CA). Les dossiers de financement sont également lourds à porter : notre banque historique avait refusé de nous suivre, il a fallu trouver de nouveaux partenaires. » Plusieurs dispositifs d'accompagnement sont proposés par l'UR Scop pour garantir les risques ou lancer le fonds de roulement. « Nous avons également bénéficié de prêts d'honneur de la part du réseau Initiative Garonne, qui nous ont permis de doubler les apports personnels », précise Tiago Mendes. Si certaines banques restent frileuses face au statut Scop, les défaillances d'entreprises reprises par les salariés restent rares, entre 3 et 4 % au plan national. « Nous n'avons connu aucune liquidation en Occitanie, souligne même le directeur de l'UR Scop Cyrille Rocher. Les risques interviennent plutôt au bout de cinq ou sept ans, quand certaines entreprises relâchent leur vigilance sur les ratios financiers. »

Préparer les repreneurs au métier de dirigeant

Pour prévenir ce risque, l'UR Scop propose aux repreneurs une multitude de formations pour les préparer au métier de chef d'entreprise. Car si les coopératives sont basées sur une démocratie des coopérateurs lors de l'assemblée générale annuelle, sur le principe d'une personne une voix, le pilotage quotidien de l'entreprise est bien assuré par le gérant, généralement avec le soutien d'un noyau de salariés réunis sur une base hebdomadaire ou mensuelle. Créateur de la société de travaux électriques MC2F (14 salariés, 1,5 M€ de CA), à Lespinasse, Michel Mathieu a proposé le passage en Scop en 2016, alors qu'il passait le cap de la cinquantaine : « J'ai voulu anticiper la transmission pour pérenniser l'activité et éviter de devoir trouver une solution juste avant la retraite. Il est prévu que je reste aux commandes jusqu'en 2021, après quoi je resterai salarié et membre du conseil d'administration. » Le futur dirigeant, Nicolas Barthe, bénéficie déjà de formations en management et un audit externe doit permettre de dégager des perspectives de croissance. « Mon souhait avec la coopérative était aussi que les salariés deviennent force de proposition sur les méthodes, les fournisseurs, les marchés : un an après le passage en Scop, on voit que les idées commencent à monter ! », se félicite Michel Mathieu.

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